Régionalisation de l'internat de médecine : les étudiants dénoncent une "coercition déguisée"
Adoptée en première lecture au Sénat, lundi 20 octobre, la proposition de loi de la sénatrice Corinne Imbert plaide pour une régionalisation partielle de l'internat de médecine. Le texte prévoit de contraindre les deux tiers des étudiants à rester dans la région dans laquelle ils ont effectué leur externat pour terminer leur cursus.
La régionalisation du troisième cycle des études de médecine est "une fausse solution", martèle l'Association nationale des étudiants en médecine de France (Anemf), dans un post publié sur Instagram, ce week-end. La mesure a pourtant reçu le feu vert des sénateurs, lundi 20 octobre, dans le cadre de l'examen de la proposition de loi déposée par Corinne Imbert (LR). Ce texte, qui contient sept articles, a été adopté en première lecture par la chambre haute du Parlement. L'article 4 prévoit donc de territorialiser l'internat. Il fixe comme objectif l'affectation des deux tiers des étudiants accédant au troisième cycle dans la région dans laquelle ils ont préalablement réalisé leurs études.
"Présentée comme un outil de fidélisation des futurs médecins dans les territoires, cette mesure ne répond […] pas aux enjeux de démographie médicale", écrivait l'association le 16 octobre dernier, dans un communiqué. La mesure apparaît, en outre, "déconnectée" du terrain pour l'Anemf. Sur le plan logistique, cette réforme est en effet "inapplicable", selon elle, du fait de capacités d'accueil (terrains de stage, encadrants) jugées insuffisantes dans certaines subdivisions. "Elle priverait aussi la formation médicale d'une richesse essentielle : la mobilité nationale permet aujourd'hui un partage des pratiques, des cultures médicales, et des innovations scientifiques entre [les] territoires", poursuit l'association, qui redoute une dégradation de la qualité de la formation.
La régionalisation de l'internat porterait également "atteinte à l'égalité entre les étudiants", selon l'Anemf. Car "toutes les subdivisions n'offrent pas des postes dans l’ensemble des spécialités". Ainsi, "le lieu d'étude primerait sur le travail accompli. Une telle logique sape les fondements de la justice universitaire et remet en cause vingt ans d'un dispositif national d'affectation garantissant à chacun les mêmes chances", déplore l'association. "Le remettre en cause, c'est fragiliser l'un des rares dispositifs encore perçus comme pérenne dans notre parcours."
La voie unique pour accéder aux études de santé, une "évolution nécessaire"
Opposée à "toute forme de régionalisation" de l'internat – partielle ou totale, l'Anemf voit par ailleurs dans cette mesure une forme de "coercition déguisée". "Contraindre un étudiant à rester là où il a étudié ne garantit pas son installation durable, assure l'association. Cela revient à nier la liberté de choix, à transformer un projet de vie en obligation administrative." Pour l'Anemf, la fidélisation des médecins passe, au contraire, par d'autres leviers : garantir des conditions d'études et d'exercice attractives, des stages en zones sous-denses ou encore "un véritable accompagnement à l'installation volontaire".
Outre la régionalisation de l'internat, la PPL entend réformer le dispositif Pass-LAS, en créant une voie unique d'accès aux filières santé. Une "évolution nécessaire" pour les fédérations des filières MMOPK et la Fage. "Cela permettra de répondre aux enjeux majeurs de lisibilité, d'homogénéisation sur le territoire et de réussite étudiante", écrivent l'Anemf, Anepf, Anesf, la Fnek, l'UNECD et la Fage dans un communiqué, diffusé ce lundi 27 octobre. Ces organisations désapprouvent, en revanche, l'expérimentation de l'admission directe d'étudiants en premier cycle de pharmacie via Parcoursup. "Il est tout à fait contradictoire, pour la lisibilité de l'accès à la filière pharmacie, de démultiplier les voies d'accès en créant une voie d'accès parallèle alors que ce socle commun est l'essence même de la réforme d'entrée en études de santé".
Afin d'améliorer l'accès aux soins dans les territoires, la PPL Imbert prévoit l'organisation par les universités d'une première année de cette voie unique dans chaque département. Sur ce point, les fédérations des filières MMOPK ne cachent pas leurs inquiétudes. "Nombreux sont les exemples d'étudiantes et étudiants disséminés sur le territoire et privés de tout service étudiant, alors même qu'ils sont dans des conditions d'études précaires", rapportent les organisations. Elles demandent que le déploiement d'une première année dans chaque département soit accompagné "d'une universitarisation du territoire", avec des "moyens suffisants alloués" aux universités.
Parmi les autres mesures contenues dans la PPL Imbert, citons également la généralisation des options santé dans les lycées situés en zones sous-denses, l'homogénéisation du statut de maître de stage universitaire pour les études de médecine, odontologie, pharmacie et maïeutique, ou encore la création d'un statut de médecin accueillant pour les futurs docteurs juniors ambulatoires de médecine générale. Une mesure à laquelle s'oppose aussi l'Anemf.
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