Les cures thermales, des "vacances déguisées" ? Les médecins divisés sur le maintien du remboursement

En avril dernier, la Cour des comptes suggérait de remettre en cause la prise en charge des cures thermales par l'Assurance maladie. Interrogés, 66% des lecteurs d'Egora souscrivent à un déremboursement. "Le but de la Sécurité sociale n'est pas de soutenir l'activité économique des entreprises...", juge l'un d'eux, médecin. 

20/08/2025 Par Louise Claereboudt
Médecine thermale

"La France est l'un des derniers pays de l'OCDE à prendre en charge des soins de cure thermale (250 millions d'euros en 2023) sans que leur service médical n'ait été démontré", chargeaient les Sages de la Cour des comptes dans une note de synthèse publiée en avril dernier intitulée "L'Objectif national des dépenses d'assurance maladie : Maîtriser sa progression en veillant à la qualité des soins". Livrant son ordonnance pour dégager environ 20 milliards d'euros d'économies sur la santé d'ici à 2029, la Cour estimait que, dans le contexte actuel des finances sociales, "il serait nécessaire de remettre en cause [la] prise en charge" des cures thermales.

Si le ministre chargé de la Santé, Yannick Neuder, a tenu à rassurer le secteur en se prononçant en faveur du maintien du remboursement du thermalisme lors d'un échange avec le groupe d'études "thermalisme" de l'Assemblée nationale, début juin, le rapport de la Cour des comptes a fait ressurgir le débat. Ce n'est en effet pas la première fois que la question du déremboursement des cures se pose. Les divers amendements parlementaires déposés dans le cadre des précédents budgets de la Sécurité sociale proposant de couper ce financement ont jusqu'ici toujours été écartés.

La menace pourrait toutefois réapparaître dans le cadre de l'examen du prochain projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2026.

Egora a souhaité recueillir l'avis de ses lecteurs. Sur les 688 professionnels de santé - médecins en majorité - qui se sont exprimés sur notre plateforme de débat, 66 % se sont prononcés en faveur d'un déremboursement des cures thermales. "A entendre les curistes : ils ont passé de bonnes vacances, commente P. I., médecin généraliste. Dans mes jeunes années j'avais effectué un remplacement en médecine thermale. Inintéressant au possible pour le médecin mais très lucratif. Rares parmi les patients ceux qui justifiaient des soins d'hydrothérapie. Les lettres de sortie étaient stéréotypées : 'bonne cure, à refaire l'année prochaine'."

"Ces cures sont des vacances déguisées pour la plupart, avec une efficacité morale sûrement bonne mais cela ne changera pas la santé du 'patient'", pense Guislain R., également généraliste. Et Robert B., ORL, d'ajouter : "Trop d'abus : on en connait tous qui se paient des vacances grâce à des confrères complaisants.

Le "manque de preuves" sur l'efficacité de ces cures est également avancé comme argument. "À l'heure de la médecine fondée sur les preuves et en l'absence de celles-ci concernant l'effet des cures, ça semble évident [de les dérembourser]", affirme Philippe P., généraliste. Et un confrère d'ajouter, non sans agacement : "Vaste fumisterie comme l'était l'homéopathie…. Nous n'avons plus les moyens d'entretenir ces pseudo-sciences. On en reparlera dans 10 ans et cela ne manquera à personne sauf ceux qui s'engraissaient sur ces belles croyances."

D'autres lecteurs, favorables au maintien du remboursement du thermalisme, vantent, au contraire, ses bienfaits. "Les cures sont très efficaces et évitent bien souvent des traitements médicamenteux", observe Martine B., médecin. "Il existe de nombreuses études objectives faisant état des effets bénéfiques des cures thermales, bien conduites dans leurs spécialités respectives. Si les gens en abusent, si certains médecins les prescrivent à tort et à travers et si la Sécurité sociale ne fait pas son boulot de régulation, ça ne veut pas dire que les cures thermales sont inefficaces", juge Dominique C., généraliste.

Pour Didier C., généraliste, ces cures s'inscrivent, en outre, "dans le cadre de la prise en charge globale en donnant un temps thérapeutique et y associant des soins […] Ne plus rembourser les cures c'est faire un pas de plus vers une médecine magique, technique qui oublie la globalité du patient et qui au final ne fait qu'enrichir les vendeurs de solutions miracles."

"En ces temps difficiles il y a des priorités..."

La situation dégradée des comptes de la Sécurité sociale justifie pour certains l'arrêt de la prise en charge des cures. "Le but de la Sécurité sociale n'est pas de soutenir l'activité économique des entreprises...Tant qu'il n'y avait pas de problème de budget, d'accord pour le remboursement des cures thermales. Mais à l'heure où la Sécurité sociale refuse de revaloriser les kinésithérapeutes et certains médecins spécialistes […] pour des raisons budgétaires, on ne peut plus admettre qu'elle rembourse des cures thermales n'ayant pas fait la preuve de leur efficacité au-delà d'un effet partiel et temporaire sur une partie des clients", abonde Germain P., généraliste. "Personnellement je préfère que mes patients soient remboursés lorsqu'ils sont ALD c'est plus important que de faire une cure thermale", estime Stéphanie A.

"En ces temps difficiles il y a des priorités...", considère Béatrice B., généraliste, reconnaissant toutefois "un bénéfice assez fréquent sur certaines pathologies". "Je pense que cela devrait être remboursé de façon exceptionnelle ou très partiellement", suggère-t-elle. "La cure thermale devrait être prescrite uniquement par le spécialiste de la pathologie incriminée pour que les soins de cure soient remboursés et uniquement les soins : pas d'arrêt de travail, ni de transport ni d'hébergement remboursable sauf invalidité reconnue", estime un autre généraliste, François L. "Plutôt que de dire 'oui ou non pour les cures remboursées' apprenons les bonnes indications et prescrivons à bon escient (comme la kinésithérapie)", appelle Jean D., rhumatologue.

Force est de constater que le débat est encore loin de faire l'unanimité, y compris au sein du corps médical.

 
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