"Pendant ce temps, ma mère se meurt" : elle dénonce le blocage du remboursement d'un médicament innovant
C'est un cri de désespoir que lance Anaïs De Guilhem. Fille d'une patiente atteinte d'un myélome multiple, elle dénonce, dans un courrier transmis à Egora, le blocage du remboursement du talquetamab, un médicament innovant pourtant approuvé par l'EMA depuis plus de deux ans. Un "exemple spécifique" de ce que vivent de nombreux Français, dénonce-t-elle.
"Je vous écris en tant que fille d'une patiente souffrant d'un myélome multiple extrêmement agressif, actuellement en impasse thérapeutique. Ma mère a reçu toutes les lignes de traitements disponibles en France, il ne reste plus aucune alternative, et son pronostic vital est engagé. Le docteur nous parle de quelques semaines.
Notre seul espoir serait le talquetamab, dernier produit innovant dans le myélome multiple, approuvé par l’Agence européenne du médicament en juillet 2023 et qui offre une chance réelle aux patients en impasse thérapeutique. Ce produit est déjà à disposition des malades allemands, belges, néerlandais, mais aussi espagnols (en accès précoce).
Seulement voilà, en France, l'accès précoce a d'abord été refusé par la Haute Autorité de santé (HAS) en juin 2024. En juillet 2024, finalement, la HAS a donné son avis favorable pour un remboursement, mais depuis rien, tout est bloqué au niveau du CEPS, le comité économique des produits de santé. Cela fait donc plus de deux ans que le produit est approuvé par l’Union européenne, mais les patients français ne peuvent l’obtenir sous aucune forme, et pendant ce temps ma mère se meurt.
J'ai envoyé en début de semaine un courrier à la HAS, une saisine au comité médical et commission de la réforme, lancé une alerte sur le site de la HAS pour inégalité d'accès aux soins, un courrier au ministre de la Santé. Pour l'instant, seule la HAS m'a répondu qu'ils partageaient mes préoccupations quant à la nécessité d'une mise à disposition du produit, mais que tout était dans les mains du CEPS, qui est bien sûr injoignable.
Parce qu'on est Français, on n'aurait pas accès à la même qualité de soins que nos voisins européens ?
Au-delà du cas de ma mère, je voulais partager avec vous cette situation inadmissible et inique : parce qu'on est Français, on n'aurait pas accès à la même qualité de soins que nos voisins européens ?
Il ne s’agit pas d’un dossier abstrait, ni d’un cas isolé, mais de vies humaines, de familles brisées. De patients qui méritent, comme tous les citoyens européens, un accès équitable aux innovations thérapeutiques. L’égalité d’accès aux soins se doit d’être une réalité pour tous.
La France, 'terre d'égalité', est le 8e pays de l’UE dans l'ordre de classement d’accès aux molécules approuvées par l'EMA. Sur les 173 molécules approuvées entre 2020 et 2023, la France n'en a mis à disposition que 106, avec seulement la moitié en accès complet. A l'inverse de nos voisins allemands, qui en ont approuvé et mis à disposition complète 156.
En France, il nous faut en moyenne 597 jours pour mettre à disposition les molécules approuvées par l'EMA, soit 19,9 mois, alors qu’il ne faut que 4 mois à l’Allemagne. Et dans le cas présent de ma maman, nous sommes à plus de 800 jours, plus de 26 mois…lorsque malheureusement chaque jour compte, chaque jour est une bataille contre la maladie.
Je pense que cette situation doit être expliquée aux Français, que les politiques doivent réellement considérer l’accès à l’innovation thérapeutique comme une priorité absolue, et j’espère que mettre en lumière cette situation inadmissible pourra accélérer le processus de remboursement du produit dont ma mère a besoin. On ne peut pas attendre plus longtemps.
Je vous remercie par avance de l’attention que vous porterez à ce témoignage, et pour toute action qui pourrait contribuer à faire avancer cette cause."
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