Stopper l’évolution vers le DT1 : des anciennes molécules aux thérapies innovantes
Stopper l’évolution du diabète de type 1 dès les premières étapes de la dysimmunité reste un objectif central de la recherche. De nouvelles pistes commencent à toucher du doigt cette promesse, dont certaines pourraient reposer sur des approches économiquement accessibles.
Le téplizumab, indiqué pour retarder l’apparition du stade clinique du diabète à partir de 8 ans chez les sujets au stade 2, a largement ouvert les espoirs de contrecarrer la progression de la maladie. D’autres pistes sont évidemment à l’étude. Parmi elles, une preuve de concept a été apportée cette année après repositionnement thérapeutique des immunoglobulines de lapin antithymocytes humains (ATG) : utilisées depuis longtemps dans le champ de la transplantation d’organes, leur capacité à contrôler l’auto-immunité T dirigée contre les cellules bêtapancréatiques a fait l’objet d’une étude de phase II (Meld-ATG(1)), à la suite de données précliniques et d’une étude pilote encourageantes. Différentes doses d’ATG (0,1 à 2,5 mg/kg sur 2 jours) ont été comparées à un placebo chez des patients jeunes (5-25 ans) récemment diagnostiqués au stade 3 (< 9 semaines, au moins un auto-anticorps positif). L’étude a permis d’établir qu’une dose minimale efficace de 0,5 mg/kg prévient la perte de cellules bêta fonctionnelles sur douze mois, évaluée via l’évolution du taux de peptide C, avec également un taux d’HbA1c inférieur à celui du placebo. « L’ATG pourrait être particulièrement intéressante chez les jeunes dont la maladie évolue souvent plus rapidement que chez les adultes, a commenté la Pre Chantal Mathieu (Louvain, Belgique). L’effet du traitement sur le taux de peptide C et les paramètres métaboliques est maintenu à douze mois, mais pas sur le rapport CD4/CD8. Cela corrobore de précédentes données et suggère que l’efficacité de l’ATG n’est pas strictement liée au niveau de déplétion lymphocytaire. Ces modifications devront être mieux comprises. Quant à l’utilisation d’une telle approche en routine clinique, au stade 3 et pourquoi pas auparavant, elle devrait reposer plus volontiers sur des ATG humanisées afin d’en améliorer la tolérance (risque de relargage cytokinique, maladie sérique...) ». Un candidat de ce type, SAB-142, devrait d’ailleurs entrer en phase II, après des données de phase I satisfaisantes(2).
Le second repositionnement thérapeutique concernait l’usage du vérapamil, un antihypertenseur également décrit comme efficace pour prévenir la perte de la fonction des cellules bêta chez les enfants dans des études antérieures. L’étude académique Ver-A-T1D (résultats non publiés), menée chez 136 patients adultes, a montré que l’effet du vérapamil 360 mg à douze mois sur le taux de peptide C'était à la limite de la significativité versus placebo et devenait significatif en analyse per protocole. Un résultat mitigé commenté par Thomas Pieber (Graz, Autriche), investigateur principal : « Ce n’est pas tant que le vérapamil n’est pas efficace, c’est surtout que le placebo a été plus efficace qu’attendu, avec une réduction plus lente du taux de peptide C par rapport à ce qui est observé habituellement dans le groupe placebo d’autres études. » L’évaluation de cette approche mériterait donc de ne pas être abandonnée, ayant l’avantage d’un coût très réduit. Mais « il faudrait une étude plus puissante », a-t-il suggéré, tout en indiquant que les données de suivi à vingt-quatre mois de Ver-A-T1D devront être scrutées afin de voir si un décrochage pourrait avoir lieu entre le bras vérapamil et le placebo à plus long terme.
« Avec l’ATG comme avec le vérapamil, nous avons des signaux intéressants, a conclu Chantal Mathieu. Dans tous les cas, ces travaux ouvrent la voie à un flux de molécules préventives potentielles. Je suis convaincue que nous finirons par trouver un traitement curatif du diabète de type 1. Mais il est évident qu’un traitement universel n’existera pas. Il faudra probablement un panel de solutions, car la maladie trouvera toujours un moyen de contourner l’obstacle. Peut-être que le vérapamil et l’ATG sont plus efficaces chez les jeunes, c’est possible, mais qu’en est-il des adultes ? »
Nombreuses pistes
Chez les sujets récemment diagnostiqués, plusieurs anticorps monoclonaux sont évalués pour leur capacité à ralentir la destruction des cellules bêta : les inhibiteurs de JAK pourraient notamment limiter l’effet pro-inflammatoire des cytokines sur l’activation et l’expansion des lymphocytes T et auraient également la capacité de limiter la surexpression des antigènes de surface des cellules bêta, et donc leur reconnaissance par les lymphocytes cytotoxiques. L’étude Bandit(3), menée pendant quarante-huit semaines chez des sujets de 10 à 30 ans récemment diagnostiqués et ayant une fonction bêta résiduelle, a ainsi confirmé la capacité du baricitinib – bien toléré dans les différentes classes d’âge – à préserver le peptide C lorsqu’il était administré, avec une reprise de la progression de la maladie à l’arrêt. Il devrait être évalué chez des sujets de stade 2.
De façon moins avancée, de nombreuses autres voies sont aussi à l’étude, ciblant certains mécanismes spécifiques des cellules bêta : l’activation de Tmem219, une protéine transmembranaire impliquée dans leur mort cellulaire (ébrasodébart), l’axe IL-8/CXCR1-CXCR2 inducteur de la cascade inflammatoire délétère, un ARN messager encapsulé visant à délivrer des auto-antigènes des cellules bêta et des immunomodulateurs auprès des cellules présentatrices d’antigènes pour favoriser l’expansion des lymphocytes T régulateurs…
VX-880(4) ou zimislecel, l’approche utilisant des cellules bêta dérivées de cellules souches allogéniques qui est développé depuis plusieurs années, en est aujourd’hui au stade de phase III, et certaines données de phase I-II ont été présentées, confirmant la fonctionnalité des cellules greffées, une amélioration du taux de peptide C pendant douze mois et une atteinte des objectifs glycémiques (HbA1c < 7 %, temps dans la cible > 70 %) chez les 12 participants de l’étude, sans risque d’hypoglycémies sévères et sans administration d’insuline exogène.
La transplantation d’îlots allogéniques est toutefois limitée par le risque de rejet et des événements indésirables liés à l’immunosuppression. D’où l’idée d’un dispositif médical composé d’hydrogel au sein duquel des cellules bêta dérivées de cellules souches – et ainsi protégées de l’immunité – pourraient être transplantées sans nécessiter d’immunosuppression. Chez la souris modèle de la maladie, une amélioration de la fonctionnalité, voire une maturation des îlots de Langerhans, a été observée pendant les vingt-quatre semaines de suivi (5). Les chercheurs souhaitent aujourd’hui lancer la première phase clinique.
1. Mathieu C. Lancet 2025;406(10510):1375-88.
2. Kropotova A. Présentation ID 19, EASD 2025.
3. Waibel M. Présentation ID 220, EASD 2025.
4. de Koning EJ. Présentation ID166, EASD 2025.
5. Jouannot O. Présentation ID 165, EASD 2025.
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Références :
61e Congrès annuel de l’European Association for the Study of Diabetes (Vienne, 15-19 septembre). D’après la session « Towards arresting type 1 diabetes: Breaking results of the MELD-ATG trial and Ver-A-T1D trial using the INNODIA masterprotocol »
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