vitale

Les prescriptions des médecins déconventionnés pourraient bientôt être déremboursées

L'Assurance maladie propose dans son rapport Charges et de produits de dérembourser les prescriptions des médecins déconventionnés. Une façon de valoriser la nouvelle convention médicale, adoptée en juin dernier.

12/07/2024 Par Louise Claereboudt
vitale

Pas de contrat, pas de remboursement. Ce que souhaite l'Assurance maladie est on ne peut plus clair. Dans son traditionnel rapport Charges et produits, dont Egora a pu consulter une version provisoire, elle émet le souhait que les prescriptions des médecins déconventionnés ne soient plus remboursées. Jusqu'ici, les consultations de ces rares praticiens en secteur 3 étaient bien à la charge des patients, mais les prescriptions de médicaments, d'examens, de transport, etc. restaient, elles, prises en charge. Cela pourrait ne plus être le cas à l'avenir, donc.

La mesure ne devrait pas permettre à l'Assurance maladie de faire énormément d'économies, le nombre de médecins en secteur 3 demeurant relativement faible – ils sont 575 généralistes et 215 médecins d'autres spécialistes, mais elle a une valeur symbolique. "Depuis quelques années, des mouvements de déconventionnement sont portés par certains groupes ou syndicats, écrit-elle dans son rapport. Il semble donc nécessaire de réaffirmer et renforcer l'impact et les conséquences d'un déconventionnement notamment pour inciter les professionnels à rester dans le système conventionnel".

En effet, la convention, adoptée le 4 juin dernier après plus de 18 mois d'intenses négociations, "permet de donner un cadre à la pratique assurant la qualité de prise en charge à travers des objectifs partagés entre les partenaires conventionnels de pertinence et d'efficience notamment dans leur prescription en lien avec les recommandations de la HAS", peut-on lire dans le document provisoire. Par cette proposition, l'Assurance maladie veut rappeler qu'elle ne peut "solvabiliser l'ensemble des prescriptions d'un médecin qui ne souhaite pas conventionner avec elle". Une question de cohérence et de logique.

L'Assurance maladie demande ainsi que le Parlement vote cette mesure dans le cadre de l'examen à l'automne du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2025.

La porte devrait toutefois rester ouverte aux médecins déjà déconventionnés qui auraient l'opportunité de revenir dans la convention jusqu'à la fin de l'année.

 

"Il n'y a que dans une dictature que l'on voit ça" 

Par cette mesure, "gravissime", "l'Assurance maladie reconnaît qu'elle ne peut garder les médecins [dans son système] qu'en les obligeant", a réagi le Dr Jérôme Marty auprès d'Egora. Et d'ajouter : "Il n'y a que dans une dictature que l'on voit ça ! C'est antidémocratique au possible !" Dérembourser les prescriptions des médecins non conventionnés revient, selon le président de l'UFML, à ouvrir la porte aux assurances privées, qui n'hésiteront pas à se jeter sur ce marché, en imposant leurs conditions. Cette mesure est d'autant plus d'une grande injustice pour le généraliste de Fronton, qui souligne que les médecins en secteur 3 sont des médecins comme les autres, avec le même niveau de compétences.

Si l'Assurance maladie formule cette proposition dans son rapport, c'est parce qu'"elle voit bien que le truc lui échappe et qu'il faut y mettre un frein", assure le Dr Marty, qui a initié le mouvement de déconventionnement collectif il y a un an et demi. Ce dernier évalue plutôt le nombre de médecins déconventionnés à un millier, et assure que ceux qui ont décidé de partir en secteur 3 "n'ont pas envie de revenir" dans la convention. "Cela traduit une grande fragilité. L'Assurance maladie est incapable de mettre en place une convention intéressante, attractive. On est dans un système qui ne satisfait personne. C'est une politique à la 'encore une minute Monsieur le bourreau' !"

Le président de l'UFML prévient : si l'Assurance maladie persiste, et que sa proposition est reprise dans le prochain projet de loi de financement de la Sécurité sociale, il n'hésitera pas à l'attaquer "sur le plan juridique". "On attaquera l'Assurance maladie devant tous les tribunaux compétents", tempête le Dr Marty, qui attend néanmoins "de voir le texte" avant d'en informer les juristes du syndicat. "Mais bon, pour l'instant, on n'a même pas de Gouvernement...", ironise-t-il.

Comptez vous fermer vos cabinets entre le 5 et le 15 janvier?

Claire FAUCHERY

Claire FAUCHERY

Oui

Oui et il nous faut un mouvement fort, restons unis pour l'avenir de la profession, le devenir des plus jeunes qui ne s'installero... Lire plus

1 débatteur en ligne1 en ligne
Photo de profil de Michel Rivoal
10,7 k points
Débatteur Passionné
Anesthésie-réanimation
il y a 1 an
Encore faudrait il que le patient ait le choix. Le déconventionnement peut être vécu par le médecin comme un affranchissement des contraintes d'exercice de la médecine "conventionnée". OK. Mais dans le cadre de la pénurie de médecins, nombre de patients ne trouvent pas ou plus de médecins accueillant de "nouveaux patients". S'ils sont contraints par la démographie médicale à "confier leurs économies" à un praticien déconventionné sans possibilité de remboursement, il me semble que cela ressemble à une escroquerie en bande organisée! Au delà du soin, cela remet en cause le consentement aux prélèvements sociaux et à l'explosion du coût des mutuelles qui seront encore moins accessibles aux personnes modestes. C'est encore une idée géniale basée sur la diminution de l'offre pour diminuer les dépenses. Cela conduit inévitablement à une médecine à je ne sais combien de vitesses et à une population qui va renoncer aux soins et donc à une prise en charge tardive de maladies plus avancées et plus graves.
Photo de profil de LAURENT MOISANT
654 points
Incontournable
Anesthésie-réanimation
il y a 1 an
"L'Assurance maladie propose dans son rapport Charges et de produits de dérembourser les prescriptions des médecins déconventionnés. Une façon de valoriser la nouvelle convention médicale, adoptée en juin dernier." C'est surtout un moyen de défavoriser les médecins déconventionnés, de dissuader les autres de le faire et les patients d'aller les consulter. L'hypocrite politique de nos dirigeants actuels où rien n'est imposé mais où tout est obligatoire. On a déjà connu ça avec le pass sanitaire.
Photo de profil de Georges FICHET
6,3 k points
Débatteur Passionné
Médecins (CNOM)
il y a 1 an
De même qu'il est totalement anormal que la consultation d'un médecin déconventionné ne soit remboursée que quelques malheureux centimes, cette menace sur l'exercice en secteur 3 me semble totalement illégale : médecin conventionné ou non, il est inscrit à l'ordre des Médecins et la prestation est identique. La CGSS n'est qu'une compagnie d'assurance. Il n'y a pas de raison que les assurés consultant en secteur 3 soient victimes de discrimination pour le choix de leur médecin.
 
Vignette
Vignette

La sélection de la rédaction

Pédiatrie
Moins de médecins, moins de moyens, mais toujours plus de besoins : le cri d'alerte des professionnels de la...
06/11/2025
14
Concours pluripro
CPTS
Les CPTS renommées "communauté France santé" : Stéphanie Rist explique l'enjeu
07/11/2025
12
Podcast Histoire
"Elle était disposée à marcher sur le corps de ceux qui auraient voulu lui barrer la route" : le combat de la...
20/10/2025
0
Portrait Portrait
"La médecine, ça a été mon étoile du berger" : violentée par son père, la Pre Céline Gréco se bat pour les...
03/10/2025
6
Reportage Hôpital
"A l'hôpital, on n'a plus de lieux fédérateurs" : à Paris, une soirée pour renouer avec l'esprit de la salle...
14/10/2025
8
La Revue du Praticien
Diabétologie
HbA1c : attention aux pièges !
06/12/2024
2