"Dites que le déconventionnement n'est pas la solution et vous serez traité de collabo" : généraliste, il appelle les médecins à revenir à la raison

01/03/2024 Par Dr Mickael Riahi
"Il n’y a aujourd’hui plus de débat serein possible au sein de la profession", regrette le Dr Mickael Riahi, coordinateur de la MSP Villaumed et secrétaire Général de la CPTS Paris 19, dans une tribune publiée par Egora. "Si vous n’avez pas encore signé votre fameuse « lettre de déconventionnement », pour certains vous avez perdu le droit de vous exprimer, voire même d’exister !", déplore ce médecin, encarté à la CSMF.

  "Prix de la consultation, déconventionnement, engagement syndical… il suffit d’évoquer un de ces sujets sur les réseaux sociaux de médecins pour que le débat s’enflamme ! Pire, bien souvent les insultes fusent… Essayez de dire que, comme une écrasante majorité de médecins libéraux, vous souhaitez sauver le système conventionnel et que le déconventionnement n’est pas une solution sérieuse : vous serez immédiatement traité de « collabo » ! Essayez de dire qu’il nous faudrait une grande union syndicale modérée et responsable pour mieux défendre nos intérêts dans la négociation conventionnelle : vous serez immédiatement traité de « vendu » ! Essayez de dire qu’il faut nous organiser en structures collectives comme les MSP pour défendre la pratique libérale et construire ainsi un rapport plus équilibré avec les caisses : vous serez immédiatement traité de « toutou de la caisse » ! Et si vous n’avez pas encore signé votre fameuse « lettre de déconventionnement », pour certains vous avez perdu le droit de vous exprimer, voire même d’exister ! En véritables commissaires politiques de l’époque soviétique, ils entendent décréter la mort sociale et professionnelle de celui qui tenterait d’argumenter son opposition à leur sacro-saint déconventionnement. Il n’y a aujourd’hui plus de débat serein possible au sein de la profession… chers consœurs et confrères, ressaisissons-nous ! Oui les médecins libéraux sont en colère, certains sont malheureux et même désespérés parfois… mais cela ne devrait pas nous diviser, au contraire !   Alors reprenons. Sereinement.

"Le premier qui sabrera le champagne si 10000 médecins se déconventionnent et créent un système alternatif sera le Président Macron"

D’un côté, il y a un gouvernement qui fait tout pour faire échouer les négociations conventionnelles. Les provocations sont nombreuses :  le CET (« contrat d’engagement territorial »), le refus d’ouvrir la réflexion sur un espace de liberté tarifaire, la sur-administration de notre système de santé, les déclarations sur la capitation, la nomination de M. Valletoux, et les attaques contre la médecine libérale qui sont désormais quotidiennes du côté de l’avenue de Ségur.  De l’autre, il y a le médecin libéral de base, épuisé et en colère, qui se pose des questions légitimes. Est-ce là la récompense pour ceux qui ont porté le système à bout de bras depuis des années, qui gèrent la permanence des soins et structurent leur territoire, ont créé des centres Covid et géré toute la campagne de vaccination ?  Alors que faire ?  Doit-on tomber dans le piège et répondre à la provocation par la provocation ? Doit-on réaliser le rêve de nombreux politiques, qui n’ont jamais eu le courage d’assumer leurs idées de système à deux vitesses ? Le premier qui sabrera le champagne si 10000 médecins se déconventionnent et créent un système alternatif sera le Président Macron : économie sur le budget de l’Etat, sur le dos des patients, avec les médecins eux-mêmes en coupables tout désignés.
Le deuxième sera la Mutualité, qui pourra directement dicter ses conditions à une partie de la profession. 
Les troisièmes seront les adeptes d’une médecine de caisse, tenants de la capitation et nourris aux râteliers des subventions régionales. Se déconventionner ? Mais pour quoi faire ?
Pour obtenir un tarif à 50 euros qu’aucun désobéisseur tarifaire ne demande ?
Pour rouvrir le secteur 2 que la FMF avait fermé aux généralistes dans les années 90? 
Pour peser sur la convention qu’on veut jeter aux orties ?
Pour désadministrer notre système de soin ou le refiler aux assurances privées ? Pauvres médecins libéraux ! Qu’avons-nous fait pour mériter d’avaler ces mensonges et nous enfoncer dans la dépression du Facebook MPD et l’anxiété généralisée du WhatsApp Comeli ?  Cinq ans de règlement arbitral avec un tarif de consultation bloqué, voilà ce qui est proposé. Une médecine de ville dont les règles seraient dictées directement par le Parlement, et la fin de la vie de la convention médicale, qui permet les échanges et le travail en commun avec les CPAM. Un saut dans le vide où les médecins de secteur 1 seront les grands perdants de cette surenchère suicidaire. L’organisation des soins nous échapperait pour basculer définitivement aux mains des administratifs de l’ARS. Nous avons légitimement le droit d’être en colère. Mais la colère aveugle. Ces discussions de comptoir sur les réseaux sociaux nous rendent désespérés. Et nous font dire et penser n’importe quoi. Nous avons le devoir de nous défendre. Encore faudrait-il fixer un objectif commun pour la profession. Et ensuite les moyens, qui sont nombreux, de la guérilla tarifaire jusqu’à une vraie campagne de communication grand public comme savent le faire d’autres professions. Écoute, diagnostic, traitement : c’est notre boulot, non ?  Ceux qui laissent penser que le déconventionnement serait la seule issue noble à l’impasse conventionnelle confisquent le débat tout en jouant aux pompiers pyromanes. Ils surfent sur la légitime colère de notre profession pour jouer à la roulette russe. Ils font passer la recherche de compromis pour de la compromission, ils rêvent de faire échouer la convention pour un coup politique.  Est-ce si difficile de s’adonner à l’exercice d’humilité de trouver tous ensemble un consensus sur le programme à défendre, et la stratégie à adopter ?" Un peu de vérité et de sérénité ferait du bien à la profession pour revenir à ses fondamentaux."

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