Contaminé, le Dr Hamon se confie : "Après avoir été testé positif, on ne voit plus les choses sous le même angle"

18/03/2020 Par L. C.
Témoignage
Alors que des mesures contraignantes pour limiter la propagation du coronavirus ont été prises lundi 16 mars, les professionnels de santé sont, eux, sur le pied de guerre pour prendre en charge les personnes infectées. Au risque parfois de mettre leur santé en danger. Contaminé au cours d’une visite à domicile, Jean-Paul Hamon, médecin généraliste à Clamart et président de la Fédération des Médecins de France, raconte pour Egora son quotidien en quarantaine.
 

“J’ai été testé positif lundi matin. Dimanche, je me sentais un peu fatigué. J’ai eu de la fièvre dans la matinée. Puis, je me suis senti frissonner, donc je suis allé à mon cabinet pour prendre quelques masques et du gel hydroalcoolique. Ensuite, j’ai appelé un ami qui travaille à l'hôpital de jour de Béclère. Comme une de mes associées avait les mêmes symptômes que moi, on est allés se faire tester tous les deux. Ils nous ont appelés hier soir, à 22 h 30 : positifs. On n’avait pas trop de doutes. C’est assez marrant comme situation, parce que comme on sait que ça peut s’aggraver rapidement, c’est un poil angoissant. Même si on se dit que 98% des gens guérissent, d’être testé positif, on ne voit pas les choses sous le même angle. Il suffit de penser qu’on fait partie des 2%. Tous les confrères de Mulhouse racontent qu’ils ont vu plein de symptômes grippaux, mais sur la totalité, il y a quand même des cas graves. Et les services de réanimation sont débordés en Alsace.

Pas de fièvre J’ai attrapé le coronavirus en visite chez un de mes patients diabétiques, âgé de 62 ou 63 ans. Il m’a appelé parce qu’il ne se sentait pas bien. Moi, je le trouvais un peu confus et il s’est avéré qu’il avait oublié de faire son insuline. Quand il s’est mis à tousser, j’ai sorti mon masque. J’aurais dû le sortir avant parce que, dimanche, je l’ai finalement hospitalisé, après que l’infirmière qui s’occupait de lui m’a dit...

qu’il n’allait vraiment pas bien. Hier soir, j’ai eu un coup de fil m’indiquant qu’il était en réanimation et qu’il était positif. C’est donc sûrement lui qui m’a transmis le virus. J’ai ensuite contaminé mon associée qui est dans le cabinet en face du mien. Je viens souvent dans son cabinet pour discuter deux-trois minutes. C’est sûrement à ce moment-là que je l’ai contaminée. Aujourd’hui, je me sens crevé, mais je n’ai pas de fièvre et je ne suis pas essoufflé, alors que ma collègue a 38.5° depuis deux jours. Elle a aussi très mal à la tête. Pour l’instant, je m’auto-suis (rires). De toute façon, la température n’est pas un critère donc je vois en fonction des symptômes. Hier, j’étais fatigué, aujourd’hui, c’est pareil.

  “Les gens ont la trouille” Pour l’instant je reste chez moi avec ma femme, âgée de 70 ans, qui est atteinte d’Alzheimer. Le problème, c’est qu’elle ne respecte pas les consignes. Elle n’écoute pas ce que je lui dis. Je vis aussi avec mon petit-fils de 18 ans qui est étudiant, mais on se croise à peine. Ça fait maintenant 8 jours que je suis contagieux et pour l’instant, je touche du bois, ma femme n’a aucun symptôme. Je fais gaffe. Je mets des masques FFP2. Il doit m’en rester quatre. Je les ai depuis longtemps, mais ils fonctionnent. J’ai aussi quelques masques chirurgicaux mais ma femme ne les met pas. Alors j’essaie de mettre de la distance avec elle, mais vous savez quand vous avez devant vous une personne qui a Alzheimer, il faut parfois la prendre dans ses bras pour la rassurer. Ce n’est pas simple. J’ai dit à ma femme de ménage et aux personnes qui s’occupent d’elle de ne pas revenir, donc c’est moi qui m’occupe d’elle. De toute façon, quand l’aide-soignante est arrivée et qu’elle a vu mon masque et elle était complètement paniquée. Les gens ont la trouille, c’est normal. Je suis allé voter dimanche, je ne savais pas encore que j’étais positif. Personne n’avait de masques dans les assesseurs. C’est incroyable. Je suis épaté, parce que la mairie est capable de délivrer des masques FFP2 aux auxiliaires de vie qui vont voir les personnes âgées...

mais il n’y avait strictement rien pour les assesseurs. Pour l’heure, je me repose. J’ai quand même organisé l’hospitalisation à domicile d’une de mes patientes mais c’est un peu embêtant. Je pourrais peut-être aussi soulager mes confrères en faisant des téléconsultations de mon cabinet. Je vais me renseigner pour installer une plateforme sur mon ordinateur.   “Nous avons été abandonnés” L’infectiologue qui m’a annoncé que j’étais positif m’a dit que je pourrai recommencer à travailler sept jours après le début des symptômes. Ça veut dire que je serai opérationnel en théorie lundi prochain. Je m’attendais à 14 jours. C’est assez étonnant. Pour l’instant, j’ai une remplaçante qui peut encore me remplacer, même la semaine prochaine, mais ça va aussi dépendre de l’état de santé de mes autres collègues. En attendant, on a commandé des blouses blanches. Mais je pense qu’on en a pour un moment. Les mesures-barrières qui ont enfin été prises vont peut-être réussir à stopper l’épidémie mais ce qui est sûr c’est que l’administration française aura des comptes à rendre. Nous, médecins généralistes, avons été abandonnés. Mais on est habitués à cela. J’espère qu’on tirera des conséquences de cette crise. Il faut réorganiser l’hôpital et la médecine de ville et faire en sorte que le système de santé fonctionne sur ses deux jambes, avec, notamment, une médecine libérale qui redevient attractive. Il faudra aussi rééduquer le patient au bon usage de l’hôpital.”   Retrouvez notre direct sur l'épidémie de coronavirus ici.

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La consultation longue à 60 euros pour les patients de plus de 80 ans et/ou handicapés est-elle une bonne mesure ?

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