Jeunes médecins en secteur 2 : "Les dépassements d'honoraires sont devenus la norme", alerte un rapport
Au cours des cinq dernières années, le montant des dépassements d'honoraires a augmenté de manière très importante, atteignant 4,3 milliards d'euros en 2024 pour les médecins spécialistes. Une dynamique qui devrait se poursuivre à l'avenir compte tenu de l'attrait des nouveaux installés pour le secteur 2, alerte le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie (Hcaam), dans un rapport rendu public ce jeudi 2 octobre.
Ce ne sont que "des constats" que ce rapport expose, mais ils permettront de nourrir des pistes de réforme du secteur 2, qui seront proposées dans un second volet publié ultérieurement, a expliqué Yann-Gaël Amghar, président du Hcaam, lors d'une conférence de presse organisée ce jeudi. "Il y a un consensus sur le fait qu'il faut réguler davantage" les dépassements d'honoraires, a poursuivi l'expert, précisant que les travaux visant à émettre des propositions vont débuter en octobre. Le rapport du Haut Conseil invite en effet les pouvoirs publics à agir "avec urgence". Car "la progression du secteur 2 est arrivée à un point où la généralisation des dépassements et leur niveau génèrent des effets systémiques et [des] déséquilibres sur le système de santé qui deviennent majeurs, jusqu'à remettre en cause les principes fondamentaux qui le sous-tendent", peut-on lire.
Selon le Haut Conseil, le montant total des dépassements d'honoraires des médecins spécialistes a atteint 4,3 milliards d'euros en 2024 – 4,5 milliards si l'on prend en compte la médecine générale –, "en forte accélération depuis 2019 (+5% par an en valeur réelle, hors inflation)". Cette dynamique est "tirée non seulement par celle des effectifs de secteur 2, mais aussi par celle du niveau et de la fréquence des dépassements". Ainsi, 56 % des spécialistes libéraux (hors MG) exercent en 2024 en secteur 2, contre 37 % en 2000. Ceci s'explique par le fait que les conditions d'accès au secteur 2, restreintes dans les années 1990 – le secteur 2 était alors réservé aux anciens chefs de clinique des universités-assistants des hôpitaux –, ont été considérablement élargies depuis. "L'année de docteur junior compte [désormais] comme une année d'assistanat [et] beaucoup de postes d'assistanat ont été créés", a souligné Dominique Polton, membre du Hcaam.
Le poids du secteur 2 devrait encore croître compte tenu de l'attrait des jeunes générations pour ce secteur conventionnel dans toutes les spécialités (hors MG), précise le rapport. "Aujourd'hui, lorsqu'ils s'installent, les trois quarts des jeunes spécialistes choisissent le secteur 2", lit-on dans le rapport. En 2017, cette proportion était de deux tiers. "La mise en place de l'Optam a rendu plus avantageux de s'installer en secteur 2 Optam plutôt qu'en secteur 1", a avancé Yann-Gaël Amghar. Et d'ajouter : "Pour les jeunes générations, c'est un peu devenu une norme d'appliquer des dépassements." "A politique inchangée", cette dynamique d'installation des jeunes médecins "continuera à alimenter l'accélération de la croissance des montants des dépassements d’honoraires dans les années à venir", met en garde le Hcaam, observant que les taux de dépassements augmentent avec l'âge et l'ancienneté des médecins dans toutes les spécialités (de façon plus ou moins marquée).
Si "les dispositifs incitatifs de maîtrise des dépassements d'honoraires (Optam et Optam-ACO), accompagnés d'avantages attractifs, sont désormais choisis par plus de la moitié des praticiens de secteur 2", leur caractère incitatif a "des limites" : "une part substantielle des praticiens fait l'arbitrage de ne pas adhérer à ces dispositifs (notamment parmi ceux qui pratiquent les niveaux de dépassements les plus élevés) et par ailleurs une part des adhérents à ces dispositifs ne respectent pas leurs engagements", pointe le Haut Conseil, qui note qu'après une baisse entre 2012 et 2020," les taux de dépassement augmentent à nouveau" et, dans le même temps, "la part d'activité à tarifs opposables des professionnels adhérant au secteur 2, après avoir augmenté jusqu'en 2020, est en repli".
Or, le Haut Conseil rappelle que les dépassements d'honoraires pèsent sur les Français. Ils "peuvent induire un reste à charge élevé pour les patients". Si "les dépassements s'avèrent plus élevés en moyenne pour les patients ayant un meilleur niveau de vie et vivant dans les communes plus riches", "les patients modestes ne sont pas épargnés face à ces dépassements d'honoraires" du fait d'une insuffisance d'offre à tarif opposable, ajoute le président du Hcaam. Comme en Seine-Saint-Denis où les spécialistes sont peu nombreux mais exercent pour moitié en secteur 2, avec un risque sérieux de renoncement aux soins. Et de rappeler que si ces dépassements, qui ont "joué un rôle de compensation de la faiblesse relative des tarifs Sécu" pour certaines spécialités, sont pris en charge à environ 40 % par les complémentaires santé, les niveaux de couverture sont "très variables".
Risque-t-on, alors, une fuite en avant des dépassements ? "Je ne sais pas, mais on peut craindre que le dispositif soit un peu hors de contrôle", a estimé Yann-Gaël Amghar. "L'élément préoccupant, c'est cet effet de flux" observé sur les nouvelles générations, a poursuivi le président du Haut Conseil, "et le fait que les dispositifs de maitrise qui existent ont quelques limites et sont facultatifs, avec le risque qu'aujourd'hui des jeunes s'installent en Optam et demain, quand ils auront leur patientèle et leur notoriété, considèrent qu'ils n'ont plus besoin des avantages". Pour le président de l'instance, "cette diffusion massive du secteur 2 chez les spécialistes" risque de "poser question" par rapport aux généralistes, "contraints au secteur 1". "Ça peut nourrir la revendication d'un droit de dépassement pour les généralistes et/ou fragiliser l'attractivité de la médecine générale", met-il en garde.
Dépassements : une pratique en baisse chez les généralistes
"La pratique des dépassements d'honoraires continue à diminuer parmi les généralistes", écrit le Hcaam dans son rapport. Alors que les anciennes générations ayant pu bénéficier du droit à dépassement permanent ou ayant pu choisir le secteur 2 dans les années 1980 partent progressivement en retraite, "les nouveaux installés sont peu nombreux à détenir les titres pour une installation en secteur 2", explique 'l'instance. Ainsi, "avec seulement 4 % de praticiens en secteur 2 en 2024, et 3 % si l'on exclut les médecins ayant un mode d'exercice particulier, on peut considérer que l'accès à la médecine générale est aujourd'hui facilité sur l'ensemble du territoire par une pratique à tarif opposable largement répandue", ajoute-t-elle.
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