Certification obligatoire : l'Ordre des médecins précise les "règles du jeu"

12/05/2022 Par Sandy Bonin
Un décret publié jeudi 12 mai au Journal officiel définit le rôle et la composition du conseil national de la certification périodique. A cette occasion, le Pr Serge Uzan, vice-président du Conseil national de l'Ordre des médecins et auteur en 2018 d'un rapport sur la certification, revient en exclusivité pour Egora sur les modalités de cette nouvelle obligation, qui entrera en vigueur au 1er janvier 2023, et qui concernera tous les professionnels de santé.  

 

 

Egora.fr : A quoi va servir le conseil national de la certification périodique (CNCP) dont le décret relatif à sa composition et à son fonctionnement a été publié le 12 mai au Journal officiel ? 

Pr Serge Uzan : Ce conseil va représenter une synthèse de tous les professionnels de santé qui seront concernés. Cette instance va donc fixer dans la pratique les "règles du jeu" et faire fonctionner la certification.  

Il faut rappeler que la certification sera obligatoire pour tous les professionnels de santé, qu'ils soient déjà en exercice ou qu'ils viennent d'être diplômés, à compter du 1er janvier 2023. Au départ, on pensait qu'elle ne concernerait que les nouveaux diplômés, mais le Conseil d'Etat a estimé qu'en vertu de la nécessaire égalité entre tous les professionnels, tout le monde devra passer par la certification. La seule différence, c'est que la date butoir pour les nouveaux diplômés sera 2029, soit six ans après le lancement de la certification obligatoire. Ensuite, ce sera tous les six ans. En revanche pour les anciens, la première période sera de neuf ans. Cela permet de laisser du temps pour s'adapter à ces nouvelles dispositions.

En 2032, il n'y aura plus de médecins non certifiés en France.  

 

Les membres du CNCP sont-ils déjà nommés ? 

Le président a été nommé par un arrêté du 10 décembre 2021. Il s'agit du Pr Lionel Collet. Ce conseiller d'Etat est psychiatre et ORL. Il a dirigé jusqu’en 2012 le service d’audiologie et d’explorations oro-faciales des Hospices civils de Lyon (HCL). Il a présidé l’Université Claude Bernard Lyon 1 entre 2006 et 2011. Il a été président de la Conférence des présidents d’universités (2008-2010). Entre mai 2012 et octobre 2013, il a dirigé le cabinet de la ministre de l’Enseignement supérieur et la Recherche Geneviève Fioraso. Durant un peu moins d’un an, il a été conseiller spécial auprès d’Agnès Buzyn au ministère de la Santé. Depuis, il a notamment présidé le collège de déontologie de l’AP-HP.   

Les autres membres du conseil national ne sont pas encore connus. Chaque Ordre va désigner son représentant.  

Il y aura deux "strates" dans ce conseil : un niveau dit collégial, qui est le niveau autour du président, et un niveau dit des commissions. Le niveau collégial sera l'instance gouvernante, mais celui des commissions enverra des représentants au niveau collégial. Il y aura une commission par profession de santé ayant un Ordre, c’est-à-dire infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, médecins, pédicures-podologues, pharmaciens et sages-femmes.  

Dans les semaines à venir, chacun des Ordres va donc décider de qui les représente. Les commissions sont très importantes puisqu'elles vont établir les propositions qui iront à la collégiale. La commission médicale par exemple sera composée de 25 membres. Ces membres représentent les conseils nationaux professionnels à travers deux structures majeures en France, la Fédération des spécialités médicale (FSM) et le Collège de médecine de générale (CMG).  

En bref, la collégiale sera composée de 7 représentants des Ordres, de 7 membres des commissions. Il y aura des représentants des syndicats publics et libéraux, des membres de la fédération hospitalière publique et privée, des représentants de patients et d'usagers, d'un directeur universitaire du domaine de la santé… La liste exhaustive est détaillée dans le décret. 

Les membres de l'instance collégiale sont nommés par arrêté conjoint des ministres chargés de la Santé et de l'Enseignement supérieur, pour une durée de trois ans. 

"La certification, c'est une révolution copernicienne"

 

Que va devenir le DPC ? 

La certification intègre le DPC. Je rappelle qu'elle comporte quatre items. Le premier concerne la formation continue du médecin ; le deuxième est en lien avec la participation du médecin à des actions d'évaluation de la qualité des soins. Le troisième concerne sa participation à des activités d'amélioration de la relation soignant/patient. Enfin, dans le quatrième point, le médecin doit s'informer et prendre les mesures nécessaires à sa propre santé, ce qui peut influencer la qualité des soins. La certification, c'est une révolution copernicienne.  

Jusqu'à présent, le DPC était une obligation déontologique, largement couverte par les médecins, mais qui ne donnait pas lieu à des sanctions formalisées et claires (article 11 du code de déontologie). A partir du 1er janvier 2023, c'est une obligation couverte par...

des sanctions qui ont été prévues dans l'ordonnance du 19 juillet 2021.  

 

 

En ce qui concerne le DPC, l'Ordre a-t-il une mission de contrôle de l'obligation, comme cela est le cas notamment pour les dentistes ? 

L'Ordre a envoyé des courriers aux médecins. Mais je signale que l'échéance du DPC est le 31 décembre 2022. Toute l'année 2022, ou ce qu'il en reste, va servir non seulement à la relance des médecins sur le DPC, mais aussi à les préparer à cette certification qui devient obligatoire et éventuellement sanctionnable à partir 1er janvier 2023, pour une période de six à neuf ans.  

La première échéance de la certification pour les médecins, comme pour tous les professionnels de santé, est 2029 ou 2032. Avant d'envisager des sanctions, on va mettre en œuvre tous les mesures explicatives et incitatives. 

Les médecins doivent respecter les règles fixées par les conseils nationaux professionnels (CNP). Ça n'est pas l'Ordre qui fixe les règles de la formation continue. Or les conseils nationaux professionnels sont devenus efficaces et financés en 2021 et 2022. Nous avons mené un combat à l'Ordre pour que les conseils nationaux professionnels soient enfin créés et financés.  

 

Quand vous parlez de méthodes explicatives et incitatives pour convaincre les médecins de se plier à la certification, à quoi pensez-vous ? 

Nous avons fait des sondages et nous avons tout d'abord constaté que la très grande majorité des médecins font des formations. Il faut formaliser des parcours de formation labélisés et cela ne dépend pas de l'Ordre mais des conseils nationaux professionnels.  

Nous avons entre six et neuf ans pour expliquer que c'est facile. Il y a beaucoup d'actions qui peuvent rentrer dans la formation continue, et ça, c'est le travail essentiel des CNP aidés de l'Ordre. 

Nous avons prévu un système qui, à trois ans, puis à deux ans et à un an de la fin de la période de certification alertera les médecins de ce qu'ils ont à faire. Nous les recevrons éventuellement pour leur expliquer la marche à suivre.  

La prévention et l'accompagnement seront les maîtres mots du rôle de l'Ordre!  

 

Quelles seront les sanctions encourues ? 

Ces sanctions, dont je pense qu'elles ne concerneront qu'une infime minorité de médecins ou de professionnels de santé réfractaires, ne nous appartiendront pas mais auront des conséquences, en l'absence de certification, sur la possibilité d'exercer. Elles ne viendront pas de l'Ordre. Nous serons là pour enregistrer les validations et accompagner les médecins vers la réussite.

 

Un seul représentant de la médecine libérale : Les syndicats dénoncent "une attitude méprisante" et "appellent au boycott"


Dans un communiqué, la CSMF dénonce l’absence de représentativité en nombre suffisant de la médecine libérale au sein du conseil national de la certification périodique. "Une fois encore, nos demandes sont restées sourdes aux oreilles du ministre de la Santé. La CSMF dénonce cette absence d’écoute et de prise en compte de la médecine libérale, qui n’aura qu’un seul représentant au sein du conseil national de la certification périodique", déplore le texte de la Confédération des syndicats médicaux français. "Cette attitude méprisante pour les médecins libéraux est à la fois inadmissible et peu responsable alors qu’une meilleure représentation aurait assuré à la fois la voix de la médecine libérale mais également un relai tant nécessaire pour la mise en œuvre de cette certification périodique voulue par la loi", ajoute le communiqué.

De son côté, le Syndicat des médecins libéraux "dénonce avec force la marginalisation des médecins libéraux dans le conseil national de la certification, et s’insurge contre les pratiques de la Direction générale de l’offre de soins, qui malgré plusieurs réunions de concertation au ministère de la Santé, n’a tenu compte d’aucune des demandes et remarques faites par les syndicats médicaux". Le SML annonce être en "désaccord avec l’ajout des formalités d'accréditation alors qu’ils ont déjà des difficultés à dégager du temps médical supplémentaire pour accueillir les demandes de soins non programmés et les nouveaux patients". Ils appellent donc au "boycott de la certification périodique".
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