Urgences

"Nous ne sommes pas les médecins du soin non programmé" : la réponse des urgentistes à l'Académie de médecine

Dans un communiqué de presse, les organisations de médecine d'urgence dénoncent un rapport de l'Académie de médecine relatif à la formation médicale. Rédigé par le Pr Guy Vallancien, il préconise de développer les centres de soins immédiats pour répondre aux demandes non programmées des patients la nuit et le week-end. Pour cela, il mise notamment sur les urgentistes.  

17/04/2025 Par Louise Claereboudt
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"Vouloir former 16 000 médecins voire multiplier par plus de deux leur nombre [comme le souhaitait l'ancien Premier ministre Gabriel Attal, NDLR] risque d’aboutir dans 15 ans à un trop plein de praticiens sans réelle activité, amenant les responsables politiques à rétablir le numerus clausus !", a mis en garde l'Académie de médecine, dans un rapport sur la formation médicale initiale adopté en séance le 25 février dernier. 

Si ce rapport, rédigé par un groupe de travail mené par le Pr Guy Vallancien, invite d'abord à limiter la hausse du nombre d'étudiants en médecine formés, en raison, notamment, du développement de l'intelligence artificielle et de l'exercice partagé, il préconise également de réduire la durée de formation des carabins de un à trois ans. Ce qui nécessiterait une refonte profonde des études de médecine. 

"Compte tenu du nombre actuel des 51 000 praticiens généralistes temps plein, une augmentation de 10% devrait s'avérer suffisante", juge l'Académie. L'instance estime en effet que "c'est moins le nombre de médecins soignants qui est important que le temps global de soins offert". Celui-ci pourrait être "comblé" par le développement des centres médicaux de soins immédiats (CMSI) "faisant appel à des urgentistes et d'autres généralistes vacataires couvrant les plages horaires de nuit et de week-end". Ces professionnels pourraient ainsi "assurer le relai entre les soins de ville et les urgences hospitalières".

Une recommandation vivement dénoncée par les organisations de médecine d'urgence dans un communiqué de presse. "Les urgentistes ne sont pas les médecins du soin non programmé", répondent-elles à l'Académie. "Les médecins qualifiés en médecine d'urgence sont spécialistes des soins urgents et critiques, c’est-à-dire des patients avec des motifs de recours qui peuvent mettre en jeu le pronostic vital de façon immédiate ou à court terme en l'absence d'une prise en charge dans les 24 heures", rappellent-elles. 

Le soin non programmé, lui, "a une temporalité différente avec une criticité moindre" qui "ne nécessite pas l'expertise de l'urgentiste ni les plateaux techniques de médecine d'urgence".

La Société française de médecine d'urgence (SFMU), le Samu-Urgences de France (SUDF), le Collège français de médecine d'urgence (CFMU), le Collège national des universitaires de médecine d'urgence (CNUMU) ainsi que le Collège national des universités (CNU santé) ajoutent que les urgentistes "ne peuvent exercer qu'en milieu hospitalier", dont les Samu et Smur. Une position partagée par l'Ordre (Cnom), insistent-ils, citant : "Les urgentistes ne peuvent pas prendre en charge des patients pour des soins non programmés en dehors du cadre des structures d'urgence."

"La médecine générale a un rôle fondamental à jouer" dans le désengorgement des urgences

Les signataires de ce communiqué s'indignent, par ailleurs, du "raccourci" fait par l'Académie "entre l'urgentiste et le travail de nuit et de week-end". Il s'agit à la fois d'une "erreur de fond", mais aussi d'un "contre-sens sur l'organisation des soins", regrette le Samu-Urgences de France sur ses réseaux sociaux. Les organisations de médecine d'urgence estiment au contraire que pour désengorger les urgences, "chacun des acteurs du soin non programmé" doit "retrouve[r] sa place nuit et week-end inclus". Et de cibler les médecins généralistes qui ont "un rôle fondamental à jouer". "Cela passe donc par une meilleure répartition des rôles, et pas par une dilution des compétences", écrit le Samu-Urgences de France.

Les organisations de médecine d'urgence tiennent, en outre, à prévenir l'Académie sur les risques liés à un raccourcissement de la durée des études de médecine. "La maquette actuelle est extrêmement rigide et ne permet la réalisation que d'un seul stage dans une structure des urgences hospitalière[s] avant la phase d'autonomisation. Elle ne permet pas non plus d'acquérir toutes les connaissances et compétences nécessaires à une spécialité transversale", pointent-elles, précisant que les acteurs de la médecine d'urgence et des étudiants veulent, eux, que le DES MU soit porté à 5 ans. 

L'actuelle maquette ne permet pas, par ailleurs, une "reconnaissance internationale de la spécialité".  

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Débatteur Passionné
Médecine générale
il y a 8 mois
Certes, une urgence ne saurait être "programmée", mais à l'inverse, tout soin non préalablement programmé n'est pas forcément ni nécessairement urgent. Il s'agit donc ici d'un amalgame sensationnaliste particulièrement pitoyable de la part d'une "académie" et d'autant plus scandaleux si on considère que ladite académie répond ici à une commande politique dont elle ne fait que singer la rhétorique confusionnelle au lieu d'étudier sérieusement les instruments de réparation d'un système en déshérence, quitte à remettre le politique à sa place d'incompétent en matière d'organisation des sociétés humaines.
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Débatteur Passionné
Anesthésie-réanimation
il y a 8 mois
Soins non programmés, médecine d’urgence, soins critiques et de réanimation. On a bien trop tendance à faire croire que tout ça, ça se ressemble! Confusion des mots, du langage, des aptitudes, des connaissances. Eh bien non! il ne faut pas confondre l’exercice de la médecine avec sa description médiatique. Quand une personne a eu peur dans un accident de voiture par exemple, on peut dire qu’elle est impressionnée, émue, bouleversée. Mais c’est plus « vendeur » de dire ou écrire qu’elle est en état de choc! Or pour moi, réanimateur un état de choc, ça se réanime, ça se perfuse, ça reçoit des « grosses molécules » et des catécholamines. Il est parfois commode de dire qu’un malade grave présente une urgence absolue ou une urgence relative mais c’est avant tout un langage de médecine de catastrophe qui permet le tri en poste avancé. Moi quand on me parle d’E.Coli dans les urines, ça m’évoque une pyélonéphrite peut être sur obstacle et un potentiel choc septique, à un urgentistes peut être « seulement » une pyélonéphrite, à un généraliste c’est normal qu’il pense à une cystite et si ça devrait se traiter en ville, le soir ou le WE, c’est pour ne pas la retrouver aux urgences ou en réa voire au bloc… Alors… Eh bien si nous avons tous la même connaissance de base de la pathologie, nous n’avons pas la même pratique, les même patients, les mêmes circonstances, les mêmes recommandations, la même expertise. Et c’est pour cela que les patients sont (devrait être) bien soignés. J’ai aussi juste fait exprès de parler des symptômes ou des maladies et pas des malades. Nous n’avons pas non plus la même relation avec eux. Sympathie, empathie, autorité, partage… certes, mais pas au même niveau, pas dans les mêmes circonstances, ni le même accompagnement. Alors si ce n’est pas « chacun son métier », c’est vraiment chacun sa spécialité! Et le combat, il faut le mener ensemble contre des politiques qui changent de vocabulaire pour « noyer le poisson », genre France travail après pôle emploi; qui passent du « clausus » à « l’apertus » juste pour faire croire qu’ils ont compris le problème, qui augmentent les budgets mais pas aussi vite que l’inflation, qui donnent des priorités tellement nombreuses qu’elles ne le sont plus! Ils ne font juste que rebattre les cartes selon l’interlocuteur tellement le retard pris depuis des décennies donne le vertige et on les plaindrait presque s’il n’y avait pas de filiation dans leur façon de « penser ». J’ai dit « penser »? Ça m’a échappé!
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429 points
Incontournable
Chirurgie générale
il y a 8 mois
A 79 ans il est plus que temps de laisser parler les personnes concernées et de prendre vraiment sa retraite !
 
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