course

"Les études de médecine traînent en longueur" : l'idée du Pr Vallancien pour les rendre "plus efficaces"

L'Académie nationale de médecine a adopté fin février un rapport proposant une réforme globale des études de médecine. Ce document, qui fait lieu de "prise de position officielle" de l'institution, recommande de réduire la durée de la formation médicale d'un à trois ans. Le texte préconise aussi d'instaurer une licence en santé commune et de rendre les Ecos non classants. Son rapporteur, le Pr Guy Vallancien, revient pour Egora sur ces propositions détonantes.

05/03/2025 Par Chloé Subileau
Interview Internat PASS/LAS Externat
course

Egora : Vous avez participé à la rédaction, avec un groupe de travail de l'Académie nationale de médecine, de ce rapport sur la "formation médicale initiale". Pourquoi avoir réalisé ce travail ?

Pr Guy Vallancien : J'ai créé ce groupe car il est normal que l'Académie s'intéresse à ce qui se passe aujourd'hui et demain. Or, on a vu que la formation médicale a subi plusieurs changements [ces dernières années, ndlr]. Il y a d'abord eu la Paces de 2010 à 2020 [puis le système Pass/LAS] qui ont été un échec, parce que l'on n'est pas arrivé à diversifier la sociologie des étudiants. C'est ce que voulait absolument le ministère, mais ça n’a pas marché car on ne bouleverse pas comme ça la sociologie du pays. La preuve en est, qu'en 2023, on a seulement 13% des bacheliers qui intègrent le Pass à l'université Sorbonne-Paris-Nord à Bobigny en ayant obtenu une mention "très bien" au baccalauréat, alors qu'à Paris-Cité – au centre de Paris – ils et elles sont 54%.

Donc, on n'arrive pas à diversifier. C'est un échec de la Paces, ainsi que du Pass/LAS avec un taux élevé d'étudiants qui sont partis à l'étranger, écœurés de ce qui se passait. Ils sont plus de 5 000 à être partis, dont la moitié en Roumanie.

 

Ce travail visait donc à améliorer ces chiffres, à repenser le système actuel de formation ?

Exactement, il faut un système des études en santé qui soit compréhensible et accessible, d'où l'idée de revenir au principe universitaire, qui en médecine n'existe pas vraiment, de licence-master-doctorat.

 

Pour réaliser ce rapport, vous avez auditionné 61 personnes – universitaires, politiques, syndicats… - et avez conclu qu'une refonte globale des études de médecine est nécessaire. Parmi vos principales propositions, il y a la réduction d'un à trois ans de la durée de la formation médicale. Pourquoi ce choix ?

Les études médicales traînent en longueur, notamment en deuxième et en troisième années. Les étudiants, eux-mêmes, disent que ça traîne. On s'est donc dit qu'il n'y avait pas de raison [de ne pas changer]. Aujourd'hui, avec les moyens de la simulation notamment, où on peut inventer tous les cas cliniques les plus complexes, les plus rares, et les répéter en groupe pour faire travailler tous les acteurs en même temps ; que fait le médecin, que fait l'infirmière, que fait l'anesthésiste ?... Ça permet des jeux de rôle et des apprentissages beaucoup plus rapides qu'avant. C'est comme les pilotes qui s'entraînent sur des simulateurs avec les pires conditions atmosphériques. Ensuite, quand ils volent et se trouvent dans une tempête, ils savent quoi faire.

Les université jusqu'alors apprenaient des connaissances et aujourd'hui, il faut apprendre un métier

 

Vous voulez donc rendre les études médicales plus efficaces ?

Exactement, plus efficaces, plus concrètes... Les universités jusqu'alors apprenaient des connaissances et aujourd'hui, il faut apprendre un métier, ce qui n'est pas pareil.

 

Concrètement, que proposez vous pour abaisser la durée de ces études à neuf ou dix ans maximum ? Où comptez vous gagner du temps ?

On gagne du temps sur le master, car sa durée est de trois ans actuellement, sauf que ça fait trois ans de premier cycle, puis trois ans en deuxième cycle et quatre ans d'internat, plus une ou deux autres années [pour certaines spécialités]. Il y a eu une complexité effroyable de rajouts au fur et à mesure sans revisite de l'intégralité du cursus, pour en faire un cursus intelligent. Donc, c'est comme ça que l'on gagne entre un et trois ans selon les spécialités.

Même en chirurgie, il faut y aller. Il y a un moment, il faut se lâcher, pour devenir grand, être responsable en opérant soi-même.

 

Vous proposez donc de réduire d'une année le deuxième cycle des études (équivalant au master) et, pour certaines spécialités, d'abaisser la durée d'internat ?

Oui, c'est cela.

 

Selon le rapport, la dernière année du deuxième cycle – soit la sixième année des études de médecine – basculerait dans le troisième cycle et deviendrait ainsi la première année d'internat durant laquelle les étudiants suivraient un "tronc commun"…

Oui, la partie théorique des études se poursuivrait et il y aurait un tronc commun dans la première année de l'internat. On fait simplement glisser [ces apprentissages] vers le doctorat [équivalant au troisième cycle], et on les supprime du master.

 

Mais à quoi correspondrait précisément cette année ?

Il y aurait [donc] un tronc commun de façon à ce que les étudiants se connaissent bien. Il y a des choses qu'ils doivent apprendre ensemble avant de se spécialiser, voire de s'hyperspécialiser.

L'interne ayant passé les épreuves dématérialisées nationales [et] les ayant réussies, choisirait des grandes filières : médecine générale, psychiatrie, médecine de spécialité, chirurgie et interventionnel, biologie, santé publique… Il choisirait déjà les grandes filières dans lesquelles il ferait peut-être un ou deux stages. Et puis, il aurait le droit au remord, de se dire : "Je voulais faire ça et je m'aperçois au final que, quand je le vis au quotidien, ce n'est pas mon truc et je change."

L'interne pourrait déjà entrer [au début de cette sixième année] dans la filière qui l'intéresse, et ça ne l'empêcherait pas d'apprendre des choses des autres.

On arrête le Pass/LAS

 

Vous proposez également de rendre les Ecos non classants, et seulement validants. C'est une demande qui a été formulée par de nombreux étudiants suite à la mise en place de la réforme du deuxième cycle des études de médecine, en 2023. Pourquoi recommander un tel changement ?

Les Ecos sont très "universités-dépendants". Ils dépendent des endroits et des jurys… C'est le côté "oral", ça peut être plus ou moins difficile [selon les lieux]. Alors qu'avec des examens à l'écrit, les questions sont posées, on doit y répondre par oui ou par non et il n'y a pas de discussion. Les Ecos sont plus incertains dans leurs difficultés d'un endroit à l'autre.

 

Concernant l'entrée en études de santé, vous proposez de mettre en place une licence en santé commune à toutes les filières (médecine, pharmacie, kinésithérapie…), en remplacement du système du Pass/LAS…

Complètement, on arrête le Pass/LAS. Avec le Pass, on ne peut pas redoubler. Alors que là [avec ce système] on pourrait redoubler, on pourrait même tripler si la personne le veut absolument. Moi, j'ai redoublé ma première année de médecine, ce n'est pas pour ça que je n'ai pas continué. On a le droit, c'est normal.

La première année, tous les étudiants la feraient ensemble. Ils apprendraient tous l'anatomie, les bases de la physiologie du corps humain ; des matières absolument essentielles à tous ces métiers… Ensuite, ceux qui auront une note suffisante [pour intégrer une filière santé] débuteront en deuxième année de licence dans le cursus qu'ils auront choisi. Ils auront alors une partie commune encore, parce qu'il y a des pathologies à apprendre un peu pour tout le monde (les pharmaciens, les sages-femmes, les kinés…). Et puis de plus en plus, ils verront plus de notions spécifiques à leur filière [au fil] des deuxième et troisième années. 

 

Outre la possibilité laissée de redoubler plusieurs fois, cette première année en santé unique et commune n'est-elle pas un retour à la Paces ?

Pas du tout, non. Avec cette licence, il y a la première année qui est vraiment commune avec les futurs médecins, pharmaciens, sages-femmes, kinés, orthodontistes, et même infirmiers. Les notes de l’écrit permettent de choisir sa spécialité en deuxième année pendant laquelle on va apprendre beaucoup plus de médecine et moins de pharmacologie si l’on veut devenir médecin et, vice et versa, pour devenir pharmacien.

Les deuxième et troisième années de licence sont orientées avec un maximum de matières qui correspondent aux métiers futurs [choisis par les étudiants].

 

Comment les étudiants seraient ils sélectionnés en fin de première année ?

Il y aurait un examen par écrit en fin d'année.  La note globale reposerait sur le total des notes dans chaque matière permettant aux candidats [ayant obtenu la moyenne à l'écrit] de passer un oral validant mais non classant, afin de les interroger sur leur motivation et leur orientation. Cet oral ne jouerait donc pas pour leur choix de filière, mais il faudrait avoir au minimum 10/20 pour poursuivre un cursus en santé. Si un étudiant a, par exemple, 11 de moyenne à l'écrit et qu'il n'a que 8/20 à l'oral, il serait recalé. Ce cas serait exceptionnel.

Ce sont bien les épreuves écrites qui seront classantes et détermineront la filière de l'étudiant [selon les places disponibles et les choix des autres élèves].

Faut-il raccourcir les études de médecine?

Michael Finaud

Michael Finaud

Oui

Plutôt oui , même si la question est particulièrement mal posée comme souvent dans ces sondages à réponse binaire sur des sujets m... Lire plus

5 débatteurs en ligne5 en ligne
Photo de profil de Bruno Sauteron
733 points
Débatteur Renommé
Médecins (CNOM)
il y a 15 jours
La réduction des études, le LMD, je ne peux qu’applaudir. Après ça reste très universitaire comme proposition sur l’entrée en formation …et sur le reste!. Il n’est pas fait mention des passerelles n
Photo de profil de Romain L
15,3 k points
Débatteur Passionné
Médecins (CNOM)
il y a 15 jours
C'est clair qu'il y a beaucoup de moments inutiles dans les 6 premières années. Il faudrait également franchir le Rubicon au sujet de certaines spécialités chirurgicales, et admettre qu'il n'y a la p
Photo de profil de Avocat  Du Diable
2,5 k points
Débatteur Passionné
Médecine générale
il y a 15 jours
N'oublions pas qu'il s'agit de former des MÉDECINS et pas des techniciens en santé . Cher Professeur, vos mannequins bourrer d'IA ne remplacerons pas le contact humain et le long apprentissage de la
 
Vignette
Vignette

La sélection de la rédaction

Podcast Médecine légale
"On a fait plus de 1400 autopsies" : le récit du légiste français qui a témoigné au procès de Milosevic
19/03/2025
0
Reportage Démographie médicale
"C'est de la vraie médecine générale" : en couple, ils ont quitté les urgences pour ouvrir un cabinet dans une...
19/03/2025
3
Enquête Démographie médicale
Y aura-t-il trop de médecins en France en 2035 ?
09/01/2025
18
Reportage Violence
"Si un juge se faisait péter le nez, l'agresseur ne ferait pas des travaux d'intérêt général" : les soignants...
12/03/2025
4
La Revue du Praticien
Diabétologie
HbA1c : attention aux pièges !
06/12/2024
2
Podcast Histoire
L’histoire oubliée de Trota, pionnière de la gynécologie au Moyen-Âge
10/02/2025
0