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"Une perte de chance pour les patients" : en Mayenne, faute de médecins, la régulation du Samu s’exile dans le département voisin

Depuis le 3 novembre, la régulation médicale du Samu 53, basée au CH de Laval (Mayenne), a été transférée au CHU d’Angers (Maine-et-Loire). Une réorganisation qui doit permettre de maintenir les urgences de Laval ouvertes et de garantir le fonctionnement d’une ligne de Smur pour tout le département. Un plan par défaut, selon les professionnels, qui n’est pas sans risques sur la santé des patients.

11/11/2025 Par Sylvain Labaune
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Depuis 2021, les urgences de Mayenne sont sous tension. Le département compte trois services, dans les centres hospitaliers (CH) de Laval, Château-Gontier et de Mayenne (ville).

D’année en année, la situation s’est dégradée jusqu’à devenir critique. “Cela s’est détérioré petit à petit. De quelques nuits de fermetures, nous sommes passés à seulement quelques nuits d’ouverture”, explique Caroline Brémaud, médecin urgentiste au CH de Laval. “Et depuis un an, nous comptons plutôt les ouvertures que les fermetures.”

D’après les professionnels, il manquerait aujourd’hui plus de la moitié des urgentistes nécessaires à l’échelle du département pour assurer les activités du Samu-Centres 15 (régulation) et du Smur (équipe mobile d’intervention), ainsi que deux tiers des effectifs médicaux pour faire tourner les services d’accueil des urgences (SAU).

Au CH de Laval, la plus grosse structure du territoire, les fermetures se sont enchaînées depuis cet été, aussi bien la nuit que le jour. “Les urgences sont fermées la journée tous les mercredis et samedis, et toutes les nuits à l’exception du jeudi et parfois du dimanche”, indique Caroline Brémaud.

La situation n’est pas meilleure dans le reste du département. Les urgences du CH de Mayenne sont fermées cinq nuits sur sept, faute de médecins. “Toutefois, le CH de Château-Gontier a été moins touché par les fermetures, mais cela fait des années que les équipes ont abandonné l’idée d’avoir un Smur tous les jours”, précise l’urgentiste.

La régulation médicale transférée dans le département voisin

Face à cette situation critique qui a continué récemment de se dégrader, une réorganisation a été décidée par l’agence régionale de santé (ARS) Pays de la Loire et les établissements. Depuis le 3 novembre, la régulation médicale du Samu 53 (au CH de Laval) a été transférée au Samu 49, basé au CHU d’Angers (Maine-et-Loire). “Cette mesure vise à optimiser les ressources disponibles et à renforcer la coordination entre les services”, explique l’hôpital de Laval.

Concrètement, ce transfert doit permettre de rétablir “pour les prochaines semaines” l’ouverture 24h/24 de l’accueil des urgences de Laval, précise l'établissement. Il doit également permettre d’armer une ligne de Smur départementale depuis cette ville, en mutualisant les équipes médicales des trois établissements du département.

Pour rendre cette réorganisation possible, les médecins jusque-là mobilisés sur la régulation médicale ont été repositionnés sur le terrain, au Smur ou aux urgences. “Avec ce plan, il y a d’abord une mutualisation des urgentistes à l’échelle du département : au lieu de travailler la nuit à Mayenne, certains viennent renforcer Laval qui était le service le plus souvent fermé. Et avec le transfert de la régulation à Angers, les médecins régulateurs volontaires sont redéployés aux urgences”, résume Luc Duquesnel, président du syndicat Les Généralistes-CSMF et médecin généraliste libéral en Mayenne, qui connaît particulièrement bien le dossier.

Pour ce qui est du Smur, les moyens vont donc être désormais concentrés sur un seul site, à Laval, afin d’éviter les fermetures à répétition. “Actuellement, il n’y a plus qu’un seul Smur en fonctionnement dans le département, généralement positionné à Laval, au lieu de trois à l’origine. Il y a même eu des semaines où aucune équipe de Smur n’était disponible la nuit”, complète le Dr Caroline Brémaud.

L’agence régionale de santé (ARS) Pays de la Loire précise que l’objectif est - à terme - de “disposer chaque nuit a minima de deux services d’urgences ouverts en Mayenne, ainsi que d’une ligne de Smur territoriale fonctionnelle 24h/24”.

“De plus, la priorité est que le CH de Laval, établissement support ayant les plateaux techniques, soit ouvert 24h/24 et 7j/7. Actuellement, dans le planning de novembre, le CH Haut Anjou [à Château-Gontier] est aussi ouvert 24h/24. En revanche, du fait des ressources médicales actuelles, le CH Nord Mayenne [à Mayenne] est ouvert [uniquement] la journée”, ajoute l’ARS.

Une perte de chance pour les patients

Pour Luc Duquesnel, cette réorganisation était sans doute inévitable au vu de la gravité de la situation, mais elle reste loin d’être idéale et pourrait surtout devenir pérenne. “C’est un mode dégradé mais il n’y avait pas vraiment d’autre choix”, reconnaît-il.

“Et si la durée théorique de cette solution est de six mois, nous craignons énormément qu’elle soit définitive et que Laval perde sa régulation médicale”, poursuit-il. Car si le département perd sa régulation médicale, le plan acte aussi la suppression des Smur des centres hospitaliers de Mayenne et Château-Gontier.

Ainsi, au-delà des questions d’organisation, la crise des urgences a des conséquences bien concrètes pour les habitants de la Mayenne. Avec désormais une seule ligne de Smur pour tout le département, les temps d’intervention sont allongés.

“Il peut y avoir plus d’une heure de trajet pour acheminer les patients vers les urgences de Laval avec les pompiers, et jusqu’à 45 ou 55 minutes pour qu’un équipage Smur arrive sur place, voire parfois 1h30”, décrit Caroline Brémaud. Des délais qui peuvent être fatals en cas d’infarctus, d’accident grave ou d’accouchement inopiné.

“On va vous dire qu’il existe des équipes paramédicalisées mais elles ont leurs limites. Si c’était suffisant d’avoir uniquement des infirmiers, on ne s’embêterait pas à former des urgentistes”, ajoute-t-elle, amère.

Pour l’urgentiste, ces conditions ne peuvent qu’accroître les pertes de chance. “Tout cela se traduit forcément par des situations où l’état des patients s’aggrave, où l’on voit arriver des malades plus graves ou porteurs de séquelles plus importantes, notamment en cas de détresse respiratoire. Et on risque aussi d’avoir davantage d’accouchements à domicile.”

“La séparation des ARM et des régulateurs a des effets néfastes”

Autre sujet d’inquiétude pour les professionnels, la séparation physique entre les assistants de régulation médicale (ARM) et les médecins régulateurs. Dans le nouveau dispositif, les ARM restent basés au CH de Laval, tandis que les appels sont désormais traités à distance par les médecins du Samu 49 à Angers. Une organisation qui, selon les professionnels, risque de ralentir la prise en charge des urgences vitales.

“Avant, nous travaillions dans la même salle : si un appel grave arrivait, les ARM pouvaient immédiatement nous alerter d’un geste de la main par exemple, et le médecin déclenchait le Smur qui partait sans délai”, témoigne Caroline Brémaud. “Désormais, les ARM devront passer par une messagerie vocale interne pour prévenir le médecin régulateur à Angers, et il faut attendre que celui-ci prenne l’appel pour déclencher le Smur. Cela peut faire perdre plusieurs minutes précieuses, au détriment de la santé des patients.”

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1 débatteur en ligne1 en ligne
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939 points
Incontournable
Médecins (CNOM)
il y a 1 mois
Je suis medecin retraité en cumul libéral comme médecin régulateur de la permanence des soins. 60% des médecins RPS de jour de mon département sont des médecins retraités en cumul, comme moi. Les amendements de la prochaine loi vont dans le sens d’un recul par rapport à notre activité. Une limite par l’âge de départ à la retraite, une non pérennisation de l’exonération des charges carmf. Sans nous, la RPS de notre département s’effondre . Nos députés/sénateurs sont hors sol, inconscients des conséquences de leurs décisions. Ils tuent la poule aux œufs d’or, soit une bêtise crasse soit une décision politique plus que pragmatique ou les deux. Mal conseillés, mal renseignés, mal entouré, ils s’isolent de la réalité et vont entraîner un effondrement du système, dont la RPS qui ne tient que par des bouts de chandelles C’est vraiment triste, qu’ils nous contactent et mettent les pieds IRL!
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10,7 k points
Débatteur Passionné
Anesthésie-réanimation
il y a 1 mois
Triste constat! Cette information est désolante. Ne connaissant pas les situations locales on ne peut que donner un commentaire général. L’efficacité d’un samu est basée sur sa capacité à répondre aux appels dans un temps minimal avec une écoute perspicace, la prise d’informations médicales et géographiques. Le temps du « décroché » est essentiel. sa localisation est peu déterminante si ces conditions sont remplies mais la coordination avec le SDIS et les ambulances doit garantir une intervention rapide. L’efficacité d’un smur est de pouvoir détacher une équipe médecin infirmier chauffeur ambulancier dans les meilleurs délais qu’on s’accorde à ne pas dépasser le quart d’heure..! L’efficacité d’un service d’urgence est d’être OUVERT 24/7 pour être repérable dans le « paysage de secours ». Il n’est pas nécessaire qu’un smur dispose d’une ambulance propre(en dehors du SAMU pour les transports secondaires), un véhicule léger équipé des moyens de réanimation est préférable et peut "médicaliser" les secours de proximité. Après tout dépend de la géographie et des équipes disponibles. Les distances se comptent en temps. La disponibilité est hélas statistique comme l’efficience. Des équipes dédiées aux smur sont préférables voire indispensables si l’activité est importante (plus de 1000/1200 intervention par an?). Alors n’y aurait il pas un lien avec les politiques de santé, les conditions de travail, la démographie médicale, l’imprévoyance des tutelles ou coordinations (ARS, Direction des hôpitaux, élus locaux, ego des universitaires ou des « petits chefs »…)?
Photo de profil de FRANCOIS CORDIER
2,8 k points
Débatteur Passionné
Médecine générale
il y a 1 mois
Il semble donc que le "Désert" ne concerne pas que le monde libéral . . . Et pensons à ces pauvres parisiens dont les généralistes s'exilent en banlieues plus abordables financièrement . Là, aucune nouvelle du front . . . alors messieurs-dames des médias ?
 
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