"Les conditions d'exercice ne sont plus tenables" : les syndicats d'urgentistes entrent en résistance contre le Gouvernement
Si le Gouvernement affirme que la situation aux urgences est "sous contrôle", les représentants des urgentistes dénoncent, eux, une "mascarade". Ils annoncent "entrer en résistance".
"L'absence de dialogue social, associée à un pilotage à vue du Gouvernement, ne nous laisse plus d'autres choix", écrivent les présidents de Samu-Urgences de France (SUdF) et l'Association des médecins urgentistes de France (Amuf), dans un communiqué diffusé lundi 18 août. Les syndicats annoncent, par les voix des Drs Marc Noizet et Patrick Pelloux, "entrer en résistance contre un Gouvernement et certaines directions hospitalières dans le déni".
Les syndicats dénoncent en effet la "mascarade" orchestrée par l'Etat. "Dans un contexte de canicule et de pénurie record de lits d'hospitalisation, aggravée par des fermetures estivales massives, le Gouvernement affirme que la situation est sous contrôle." Pourtant, pour SUdF et l'Amuf, "la surcharge des services d'urgence encore ouverts et l'épuisement des équipes médico-soignantes atteignent des niveaux alarmants".
"Jusqu'à 96 heures hebdomadaires"
En cause notamment, "un temps de travail excessif et non conforme à la réglementation". Des urgentistes sont "contraints d'enchaîner jusqu'à 96 heures hebdomadaires, dépassant très largement leurs obligations maximales", pointent SUdF et l'Amuf. Ces derniers condamnent également "l'absence de contractualisation du temps de travail additionnel (TTA)", "pourtant obligatoire".
"Le non-respect du cadre légal sur le décompte du temps de travail et l'absence de registre et de contrats de TTA […] empêche tout contrôle et toute mesure de prévention", poursuivent les représentants des syndicats. Le Conseil d'Etat avait pourtant rappelé les obligations des établissements de santé dans une décision datant de juin 2022, rappellent-ils.
SUdF et l'Amuf soulignent également la "rémunération irrespectueuse" que touchent les urgentistes : "un forfait horaire de 33,76 euros brut au-delà de 48 heures, inférieur au taux horaire de base d'un praticien premier échelon". "Loin des promesses présidentielles d'alignement avec le privé", déplorent leurs présidents.
Ces derniers mettent en cause les pouvoirs publics et la Fédération hospitalière de France (FHF), "qui cautionnent les décisions de certaines directions hospitalières publiques ou privées aggravant la situation".
Résultat des courses : les urgences font face à une "équation insolvable". Avec d'un côté, "30 % des postes d'urgentistes vacants" et de l'autre, "la volonté des pouvoirs publics de maintenir les 650 services d'urgence du territoire français", exposent les syndicats. Le système "ne tient que par le volontariat des médecins acceptant de faire du [temps de travail additionnel], piégés dans un chantage affectif, moral et éthique, afin de ne pas laisser une population sans accès aux soins urgents et d'éviter que leurs collègues soient seuls pour assurer un flux normalement géré par 2 ou 3 médecins".
"Pratiques indignes"
Les représentants prennent l'exemple – symptomatique - du centre hospitalier d'Agen-Nérac, où les urgentistes "ont cumulé plus de 10 000 heures de [temps de travail additionnel] en 2024, soit l'équivalent de 30 % de l'effectif médical en poste". "Rien que cet été, ce sont 5 700 heures de [temps de travail additionnel] qui ont été nécessaires pour assurer la continuité des soins sur le territoire." "En guise de remerciement pour ces efforts consentis, le doublement du forfait de TTA initialement convenu a été supprimé", dénoncent SUdF et l'Amuf.
"Tous les médecins de cette équipe ont d'ores-et-déjà réalisé leur temps de travail pour le mois d'août. Certains cumulent plus de 250 heures extra-supplémentaires et sont épuisés", écrivent les syndicats. Et d'apporter leur soutien aux professionnels concernés. Ceux-ci ont prévenu leur direction : sans réponse avant le 21 août, "le Samu 47, le Smur et les urgences du CH d'Agen fermeront, faute de médecins".
"Plus largement", SUdF et l'Amuf soutiennent "tous ceux qui décideront de ne plus être volontaires pour travailler dans des conditions dégradantes et non conformes". Ils appellent les urgentistes à "se protéger" en limitant leur temps de travail à leurs obligations maximales de services (48 heures par semaine), rappelant que "seulement 39 heures leur sont rémunérées". Une position qui aura "des conséquences sur l'accès aux soins de nos concitoyens", reconnaissent les syndicats, mais qui est inévitable. "Nous refusons d'être complices de pratiques indignes qui mettent en danger à la fois les soignants et les patients", écrivent Marc Noizet et Patrick Pelloux.
Les représentants de la profession listent enfin leurs exigences : d'abord, le "strict respect" de la loi s'agissant du décompte du temps de travail et de la contractualisation du TTA, "l'arrêt immédiat des injonctions comminatoires vis-à-vis des urgentistes", ou encore la révision du maillage territorial des services d'urgence.
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