200 euros par jour pour aller dans un désert : "Ce n'est même pas du bénévolat, c'est de l'esclavage organisé", dénoncent les médecins
Alors que le dispositif de "solidarité territoriale" a été officiellement lancé début septembre, l'indemnisation forfaitaire de 200 euros par jour versée aux médecins volontaires pour se rendre ponctuellement dans des déserts peine à convaincre. Interrogé, 85% des lecteurs d'Egora jugent ce montant insuffisant et déplorent le "mépris" du Gouvernement.
Début septembre, le ministre démissionnaire chargé de la Santé, Yannick Neuder, annonçait le lancement du dispositif de "solidarité territoriale" des médecins. Sur la base du volontariat, les praticiens sont invités à se rendre jusqu'à deux jours par mois dans des territoires sous-dotés afin d'y améliorer l'accès aux soins. En juin dernier, 151 intercommunalités – considérées comme des "zones rouges" - ont été sélectionnées par le ministère de la Santé pour accueillir les premiers praticiens volontaires.
Pour indemniser leurs frais de transport, d'hébergement et de restauration, ces médecins "solidaires" toucheront 200 euros par jour. Un montant auquel s'ajoutera le paiement des consultations réalisées pendant leurs déplacements.
Mais ce montant de 200 euros peine à convaincre les praticiens. Sur 305 professionnels de santé qui se sont exprimés sur notre plateforme de débats, 85% jugent cette indemnité forfaitaire insuffisante. "Ridicule", "esclavage organisé", "mépris"… Les médecins ne mâchent pas leurs mots pour dénoncer cette indemnisation.
"Ça ne couvre même pas les frais de fonctionnement de nos cabinets à la journée. Et une fois les charges, CARMF et URSSAF, ponctionnées, il ne reste … pas grand-chose", pointe ainsi A.R., généraliste, qui précise que les frais pour les trajets doivent aussi être supportés par les praticiens. "Et ils [les décideurs politiques, NDLR] doivent être persuadés de nous faire un cadeau en plus. Heureusement que le ridicule ne tue pas", poursuit-il. "On ne fait pas l’aumône !", s'emporte un autre médecin, Philippe P.
"Quelles sont les conditions, le matériel, la distance, le nombre de consultation[s] surtout... Il y a gros à parier qu'on aura des personnes avec une liste de demandes impossible à examiner en un quart d'heure, le temps correspondant à une consultation à 30 euros", développe Arielle G. "Et je sens qu'il va y avoir des insatisfaits revendicateurs", prédit la généraliste qui, "au premier mot de travers", n'hésitera pas à s'en aller
Nos politiques marchent sur la tête
Cette indemnisation de 200 euros pourrait être suffisante "si le déplacement [dans les territoires, NDLR] est fait en 'stop' et [le] repas un jambon beurre", ironise, de son côté, le généraliste Patrick S. "Ce n'est même pas du bénévolat, c'est de l'esclavage organisé", lance Claude G., généraliste. "Comment peut-on proposer des conditions aussi indignes à des bac +8-10 sans rigoler, si cela sert à couvrir les frais de déplacement, l'hébergement, les repas...", s'interroge le praticien.
D'autres répondants au débat vont plus loin, et remettent en cause l'intérêt même du dispositif de "solidarité territoriale". "Nos politiques marchent sur la tête, si on veut récupérer du temps médical, il ne faut pas faire se déplacer les médecins !", pense notamment Florent C, médecin généraliste. "Il faut organiser des charters de patients que l'on amène vers des médecins volontaires à leurs cabinets et que l'on rémunère au moins au prix d'une consultation de soins non programmés à chaque fois !", propose-t-il.
Parmi les professionnels interrogés, seuls quelques-uns (15%) ne s'opposent pas à ces 200 euros d'indemnisation forfaitaire. Cette rémunération se "rajoute aux montants des consultations faites pendant les deux jours", tient à rappeler Robert A., généraliste. "C'est peut-être bien pour les retraités qui veulent faire en plus du tourisme !", lance-t-il.
Pour l'heure, le dispositif de "solidarité territoriale" peine à se mettre en place dans les territoires. D'autant que la nomination du nouveau Premier ministre, et de son futur Gouvernement, pourrait encore rebattre les cartes. En déplacement samedi 13 septembre, le nouveau locataire de Matignon, Sébastien Lecornu, a en effet proposé une nouvelle grande mesure pour lutter contre les déserts médicaux en créant un réseau "France santé" de plusieurs milliers de maisons ou sites.
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