
"C'est dangereux pour les patients comme pour nous" : noyés sous les appels, ces médecins régulateurs disent stop au SAS
Depuis le 24 janvier dernier, les médecins libéraux régulateurs du service d'accès aux soins (SAS) de Rennes ont stoppé leur volontariat. Ils dénoncent de mauvaises conditions de travail et un sous-effectif qui met en danger les patients comme les soignants. Les praticiens "croulent sous les appels". Si des solutions sont en discussion avec l'ARS, le service d'accès aux soins fonctionne pour l'heure sur réquisition des médecins libéraux.

"Les conditions de travail sont inacceptables. Nous avons décidé de stopper notre volontariat." Le Dr Olivier Papin, généraliste installé à Saint-Malo (Ille-et-Vilaine), est le président de l'Association départementale pour l'organisation et la prise en charge des soins non programmés (Adops 35). Le praticien cumule son activité de médecin de famille à temps plein, avec une activité de régulation du SAS. Mais face à une hausse massive des appels, le praticien, ainsi que les 47 autres médecins de l'association, ont décidé de dire stop.
"Nous ne rendons plus service à la population. Le SAS est en train de devenir un danger pour les patients, et nous nous mettons également en danger. Nous allons droit dans le mur", explique le Dr Papin : "Ce mouvement est symbolique. Nous n'avons plus les moyens de bien soigner."
Département pilote du service d'accès aux soins en 2022, l'Ille-et-Vilaine a vu ses appels augmenter de 10%. "Nous sommes censés prendre 8 à 9 appels en une heure, nous avons des pics à 14, comptabilise le praticien. Certains week-ends, les six médecins régulateurs en poste gèrent plus de 2 200 appels."
En pratique, les patients composent le 15 pour une urgence vitale ou un besoin de médecine générale. Les appels sont décrochés par des assistants de régulation médicale (ni médecin, ni infirmier) "qui ont la lourde tâche de faire le tri", précise Olivier Papin. "Les urgences vitales sont directement transférées aux urgentistes et il n'y a pas de pertes de chance", rassure-t-il. En revanche, "les problèmes commencent" quand les appels sont liés un besoin de médecine générale.
Nous sommes presque devenus un service de prise de rendez-vous
En cause, des appels au 15 "pour tout et n'importe quoi", constate le Dr Papin. "Les gens nous appellent pour qu'on leur trouve un rendez-vous avec un généraliste. Ils ont pris l'habitude de composer le 15. Nous sommes presque devenus un service de prise de rendez-vous", déplore le soignant, qui constate que cela concerne surtout les étudiants. A Rennes, de nombreuses associations d'étudiants conseillent ainsi de composer le 15 au moindre problème.
Une fois les appels triés entre médecine générale et urgence, un second tri est réalisé. Les patients qui appellent pour un problème aigu ou relativement urgent, comme une douleur à l'oreille chez un enfant par exemple, sont placés dans une salle d'attente virtuelle et patientent parfois plus d'une heure avant de pouvoir parler à un médecin. Les autres patients sont rappelés ultérieurement par les régulateurs. "Nous avons déjà eu plus de 10 heures de délai de rappel", se désespère le praticien. Cette interminable attente peut avoir des conséquences dramatiques : "Nous avons déjà eu des douleurs abdominales ou de gorges qui étaient des infarctus."
Et le flux d'appel n'est pas près de diminuer puisque la nouvelle convention médicale prévoit que la majoration "soins non programmés" ne soit possible qu'à la demande de la régulation médicale du SAS pour un patient hors patientèle médecin traitant. "Ce sont des centaines d'appels en plus", soupire le Dr Papin.
Les régulateurs demandent simplement de pouvoir faire leur métier correctement "en prenant le temps nécessaire" et sans "faire de l'abattage". Pour être entendus, ils ont donc décidé de stopper le volontariat. Le service d'accès au soins reste en service, mais seulement parce que les médecins sont désormais réquisitionnés par la gendarmerie pour venir travailler. Pour l'instant, seuls les médecins qui étaient déjà inscrits au planning sont appelés. "Notre planning va jusqu'au 10 mars, après cette date, les médecins seront réquisitionnés à l'aveugle", prévient le Dr Papin.
Si on applique la loi stricto sensu, on va vers l'explosion du SAS
En attendant, les médecins de l'Adops travaillent "main dans la main" avec "l'ARS pour tenter de trouver des solutions". Ils réclament notamment une gestion autonome par les CPTS et les maisons médicales de garde de leurs soins non programmés sans appel au 15 systématique. Ils demandent également un agrandissement de leurs locaux pour permettre le recrutement de plus de médecins régulateurs, ainsi qu'"une proposition économique qui puisse attirer des jeunes confrères installés sans mettre en péril leur activité de cabinet", liste le Dr Papin.
Mais le nerf de la guerre reste la communication auprès du grand public. "Si on applique la loi stricto sensu, on va vers l'explosion du SAS", met en garde le médecin. Il préconise un meilleur usage du 116 117 pour les problèmes relevant de la médecine générale, avec des assistants de régulation médicale (ARM) dédiés à ce numéro. "Aujourd'hui, les ARM sont en surmenage et en souffrance. Le métier est très difficile. Savoir que l'appel concerne la médecine générale permettrait de faire descendre la pression", estime le régulateur. Cela permettrait également de "responsabiliser la population" en limitant le 15 aux urgences réelles.
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