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"C'est dangereux pour les patients comme pour nous" : noyés sous les appels, ces médecins régulateurs disent stop au SAS

Depuis le 24 janvier dernier, les médecins libéraux régulateurs du service d'accès aux soins (SAS) de Rennes ont stoppé leur volontariat. Ils dénoncent de mauvaises conditions de travail et un sous-effectif qui met en danger les patients comme les soignants. Les praticiens "croulent sous les appels". Si des solutions sont en discussion avec l'ARS, le service d'accès aux soins fonctionne pour l'heure sur réquisition des médecins libéraux. 

04/02/2025 Par Sandy Bonin
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"Les conditions de travail sont inacceptables. Nous avons décidé de stopper notre volontariat." Le Dr Olivier Papin, généraliste installé à Saint-Malo (Ille-et-Vilaine), est le président de l'Association départementale pour l'organisation et la prise en charge des soins non programmés (Adops 35). Le praticien cumule son activité de médecin de famille à temps plein, avec une activité de régulation du SAS. Mais face à une hausse massive des appels, le praticien, ainsi que les 47 autres médecins de l'association, ont décidé de dire stop.

"Nous ne rendons plus service à la population. Le SAS est en train de devenir un danger pour les patients, et nous nous mettons également en danger. Nous allons droit dans le mur", explique le Dr Papin : "Ce mouvement est symbolique. Nous n'avons plus les moyens de bien soigner."

Département pilote du service d'accès aux soins en 2022, l'Ille-et-Vilaine a vu ses appels augmenter de 10%. "Nous sommes censés prendre 8 à 9 appels en une heure, nous avons des pics à 14, comptabilise le praticien. Certains week-ends, les six médecins régulateurs en poste gèrent plus de 2 200 appels."

En pratique, les patients composent le 15 pour une urgence vitale ou un besoin de médecine générale. Les appels sont décrochés par des assistants de régulation médicale (ni médecin, ni infirmier) "qui ont la lourde tâche de faire le tri", précise Olivier Papin. "Les urgences vitales sont directement transférées aux urgentistes et il n'y a pas de pertes de chance", rassure-t-il. En revanche, "les problèmes commencent" quand les appels sont liés un besoin de médecine générale. 

Nous sommes presque devenus un service de prise de rendez-vous

En cause, des appels au 15 "pour tout et n'importe quoi", constate le Dr Papin. "Les gens nous appellent pour qu'on leur trouve un rendez-vous avec un généraliste. Ils ont pris l'habitude de composer le 15. Nous sommes presque devenus un service de prise de rendez-vous", déplore le soignant, qui constate que cela concerne surtout les étudiants. A Rennes, de nombreuses associations d'étudiants conseillent ainsi de composer le 15 au moindre problème.

Une fois les appels triés entre médecine générale et urgence, un second tri est réalisé. Les patients qui appellent pour un problème aigu ou relativement urgent, comme une douleur à l'oreille chez un enfant par exemple, sont placés dans une salle d'attente virtuelle et patientent parfois plus d'une heure avant de pouvoir parler à un médecin. Les autres patients sont rappelés ultérieurement par les régulateurs. "Nous avons déjà eu plus de 10 heures de délai de rappel", se désespère le praticien. Cette interminable attente peut avoir des conséquences dramatiques : "Nous avons déjà eu des douleurs abdominales ou de gorges qui étaient des infarctus."

Et le flux d'appel n'est pas près de diminuer puisque la nouvelle convention médicale prévoit que la majoration "soins non programmés" ne soit possible qu'à la demande de la régulation médicale du SAS pour un patient hors patientèle médecin traitant. "Ce sont des centaines d'appels en plus", soupire le Dr Papin. 

Les régulateurs demandent simplement de pouvoir faire leur métier correctement "en prenant le temps nécessaire" et sans "faire de l'abattage". Pour être entendus, ils ont donc décidé de stopper le volontariat. Le service d'accès au soins reste en service, mais seulement parce que les médecins sont désormais réquisitionnés par la gendarmerie pour venir travailler. Pour l'instant, seuls les médecins qui étaient déjà inscrits au planning sont appelés. "Notre planning va jusqu'au 10 mars, après cette date, les médecins seront réquisitionnés à l'aveugle", prévient le Dr Papin.  

Si on applique la loi stricto sensu, on va vers l'explosion du SAS

En attendant, les médecins de l'Adops travaillent "main dans la main" avec "l'ARS pour tenter de trouver des solutions". Ils réclament notamment une gestion autonome par les CPTS et les maisons médicales de garde de leurs soins non programmés sans appel au 15 systématique. Ils demandent également un agrandissement de leurs locaux pour permettre le recrutement de plus de médecins régulateurs, ainsi qu'"une proposition économique qui puisse attirer des jeunes confrères installés sans mettre en péril leur activité de cabinet", liste le Dr Papin. 

Mais le nerf de la guerre reste la communication auprès du grand public. "Si on applique la loi stricto sensu, on va vers l'explosion du SAS", met en garde le médecin. Il préconise un meilleur usage du 116 117 pour les problèmes relevant de la médecine générale, avec des assistants de régulation médicale (ARM) dédiés à ce numéro. "Aujourd'hui, les ARM sont en surmenage et en souffrance. Le métier est très difficile. Savoir que l'appel concerne la médecine générale permettrait de faire descendre la pression", estime le régulateur. Cela permettrait également de "responsabiliser la population" en limitant le 15 aux urgences réelles.  

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Claire FAUCHERY

Claire FAUCHERY

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Photo de profil de Bruno Goulesque
1,5 k points
Débatteur Passionné
Médecins (CNOM)
il y a 10 mois
Actuellement nombre de centre 15 croulent sous les appels. La fermeture sur certains créneaux horaires des régulations de médecine générale font que les régulateurs se retrouvent à avoir à traiter dans certaines tranches horaires un appel toutes les 4 minutes. Dans ces conditions il est impossible de faire du conseil médical et même de réguler correctement les appels médecine d'urgence, car cela demande du temps ( organiser une filière UNV ou Coro par exemple). Le choix de tout faire passer par les centres 15 pour compenser les dysfonctionnement de l'ensemble du système d'accès aux soins (urgents et courants), provoque maintenant une déstabilisation des centres 15 et entraîne leur dysfonctionnement. Aujourd'hui une plate forme centre 15 n'est plus un centre de traitement d'appels d'urgence, mais un énorme truc style call center d'après vente d'électroménager (appelé SAS), pour tout ce qui à voir de près ou de loin avec le médical. Nous ( les centres 15) payons notre manque de fermeté face aux dérives de la politique sanitaire qui nous a imposé de palier aux carences du système de soins. Tout a débuté quand il y a une quinzaine d'années les centres 15 ont commencé par être les seuls à detenir la liste MG de garde, qui était jusque là dans les quotidiens de la presse et accessible pour les patients. Aujourd'hui les centres 15 ont vu leur première raison d'être, à savoir gérer l'urgence, se diluer dans un volume d'appels énorme et cette activité devenir somme toute marginale, et surtout ils perdent leur efficacité.
Photo de profil de MARIE-CAROLINE RETTORI
906 points
Incontournable
Médecine générale
il y a 10 mois
Les politiques demago ont transformé Le 15 en plateforme de secrétariat où des médecins qualifiés jouent aux secrétaires, c’est un vrai scandale ! Maintenant tous ces gens qui sont à longueur de temps sur leurs smartphones au lieu de chercher le numéro de téléphone d’un médecin ou de prendre rendez en ligne font le 15 … et les régulateurs débordés sur qui ont fait peser toute La responsabilité se retrouvent à chercher un rendez-vous pour les gens, à forcer les plannings … pas plus tard qu’aujourd’hui je reçois un appel de ce SAS ils n’ont que mon numéro alors que nous sommes 4 médecins dans le pôle santé ( même eux n’ont pas Google) , il veulent que je donne Un rendez-vous à un patient alors que je suis sur une urgence et que mes patients attendent, alors que deux de mes confères sont au pôle santé , que l’un d’eux prend sans rendez-vous, que moi et mon autre confrère avons encore des créneaux d’urgence disponible, il suffit d’appeler la secrétaire… alors que sur internet j’ai des disponibilités demain et 2 autres confrères aussi …. Donc ce système est NUL , Dangereux, scandaleux créé par des gens qui ne connaissent rien pour servir cette population d’assistés devenue stupide . Ah et pour que ça soit vraiment drôle le régulateur me demande si ce soir ma garde commence à 20 h .. je lui ai répondu qu’il était hors de question qu’il dise au patient de rappeler à 20h ou de me déclencher à 20h alors qu’il est 11h30 et qu’il y a la possibilité de consulter dans l’après midi ! Non mais je rêve … où plutôt , non c’est un cauchemar ! Au fait les jeunes : motivés pour vous installer ??
Photo de profil de ROMAIN L
17,4 k points
Débatteur Passionné
Médecins (CNOM)
il y a 10 mois
Le dévoiement du 15 est une catastrophe qui va continuer à tuer des gens pendant de longues années, le temps qu'on rapprenne à la population à ne pas appeler pour tout et n'importe quoi. Catastrophe prévisible qui, dans une France qui fonctionne, aurait dû conduire ceux qui ont pris cette décision lamentable, à répondre de leur acte devant la Justice.
 
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