450 euros le week-end pour appâter les médecins de garde : le secret du SAS de la Sarthe en péril

01/03/2022 Par Laure Martin
Le Service d’accès aux soins (SAS) de la Sarthe (Pays de la Loire) peut faire des envieux. Financé par l’Agence régionale de santé (ARS), il est le résultat d’une confraternité travaillée entre les libéraux, les hospitaliers et le Samu depuis une dizaine d’années. Mais avec une rémunération supérieure à celle convenue dans l’avenant 9, l’application du texte dans le territoire suscite des inquiétudes pour sa pérennité.    
 

Difficile de conter l’histoire du SAS 72 sans en expliquer l’historique. Tout a commencé en 2010, alors que les Agences régionales de santé (ARS) viennent tout juste d’être créées. En parallèle, dans la Sarthe, les généralistes, qui subissent de plein fouet une lourde désertification médicale, sont regroupés depuis quelques mois au sein de l’Association Départementale pour l’Organisation de la Permanence des Soins des médecins libéraux dans la Sarthe (ADOPS). "Nous avons monté un projet de réorganisation de la Permanence des soins ambulatoires (PDSA) sur notre territoire, que nous avons proposé à l’ARS", raconte le Dr Bernard Richard, médecin généraliste au Mans, élu SML à l’Union régionale des professionnels de santé (URPS) et président de l’ADOPS.   Leur objectif : réduire le nombre de secteurs, alors fixés à 24, en créant 8 Maisons médicales de garde (MMG), adossées à des structures hospitalières pour rendre l’accès aux soins plus lisible. L’ADOPS propose aussi l’arrêt des gardes des libéraux à minuit, car "il est préférable d’avoir des ressources médicales en journée plutôt que de les épuiser la nuit, ajoute le médecin. Et ce d’autant plus que l’enveloppe de nuit profonde (forfaits) était trop importante par rapport au nombre d’actes effectués." 

  Un nouveau modèle économique  En contrepartie de cette nouvelle organisation, l’ADOPS propose un nouveau modèle économique. "Nous estimions déjà à l’époque qu’il était impossible de demander à un médecin de garde, d’effectuer des horaires de nuit ou de travailler le dimanche, en étant moins bien payé qu’en journée à son cabinet " soutient le Dr Richard. La région étant le siège d’une expérimentation de la PDSA sous enveloppe contrainte depuis 2011, laissant toute liberté à chaque département d’élaborer son projet de PDSA, l’ADOPS propose alors pour la régulation le soir et les weekends, un forfait à 5C (soit 125 euros), et une garde de 12h rémunérée 450 euros pour le médecin effecteur (soit 3 fois le forfait conventionnel de 150 euros), auxquels s’ajoutent la cotation des actes. "L’organisation proposée, le respect de l’enveloppe financière et les enjeux de désertification médicale ont conduit l’ARS à accepter notre projet en le finançant avec le Fonds d’intervention régional (FIR)", se félicite-t-il.   Le 1er octobre 2012, le nouveau système de garde est mis en place. "Au-delà de la rémunération, c’est le lien et le partenariat noués entre les médecins urgentistes du Samu 72, l’hôpital du Mans et les libéraux qui ont permis la montée en puissance d’une solidarité et d’une confiance, afin d’améliorer l’accès aux soins de tous, dans un territoire où 60 000 personnes n’ont pas de médecin traitant", insiste le Dr Richard. Avec...

ce nouveau modèle, 220 médecins participent aux gardes. Quant aux régulateurs, ils sont passés de 9 à 26 en 2019.     La création du SAS  Cette solidarité a plus récemment pris un autre élan. Au moment de la crise sanitaire, en mars 2020, les urgentistes du Samu, débordés par les appels, demandent aux médecins généralistes de venir en renfort pour la régulation de jour. "Le 5 mars, j’ai lancé un appel à mes collègues, qui a été entendu", rapporte le Dr Richard, précisant qu’ils ont commencé dès le lendemain. Les équipes vont même jusqu’à créer une plateforme pour la Gestion des créneaux disponibles (GCD-72) permettant d’orienter les patients vers des généralistes disponibles.  En juillet 2020, lorsque le ministère lance un appel à projet pour le SAS,  "nous avons souhaité candidater, mais c’est la Loire-Atlantique qui a été retenue pour la région", indique-t-il. L’ARS, satisfait de la gestion mise en place depuis une dizaine d’années par l’équipe de la Sarthe et plus récemment dans le cadre de la crise sanitaire, décide de financer l’expérimentation du SAS via le FIR, sur le même modèle que la PDSA, soit 5C de l’heure. "Nous avons voulu financer le SAS 72 pour démontrer l’implication de l’ARS, face à ce professionnalisme du secteur public et des médecins libéraux", indique le Dr Thierry Le Guen, conseiller à la stratégie médicale à l’ARS Pays de la Loire.   En 2021, 1.3 millions d’euros ont été investis par l’ARS pour son fonctionnement. Aujourd’hui, les régulateurs sont au nombre de 39. "Le SAS de la Sarthe, qui est hors du cadre expérimental national, fonctionne notamment en raison de son antériorité, de la confiance entre les professionnels et des financements dédiés", soutient le Dr Sylvaine Le Liboux, secrétaire générale Les Généralistes-CSMF. Et de poursuivre : "Mais il est vrai qu’actuellement, sur les 22 SAS expérimentaux, quatre n’ont jamais débuté et sur les 18 restants, la moitié est bloquée pour des problèmes de rémunération des régulateurs, des effecteurs ou en raison de la plateforme nationale qui ne fonctionne pas."  

  La crainte de l’avenant   Avec la signature de l’avenant 9 à la convention nationale le 30 juillet 2021, les médecins généralistes régulateurs sarthois craignent que l’ARS applique la convention et rabaisse leur rémunération à 103 euros brut, soit 90 euros net de l’heure. "Si c’est le cas, tous les médecins vont partir", prévient le Dr Richard, qui alerte également sur le maintien de la majoration de régulation téléphonique (MRT), acquise dans la Sarthe pour les médecins recevant des patients hors de leur patientèle via le 15. Et d’ajouter : "Notre rémunération est justifiée car par rapport à notre activité, ce n’est pas anodin pour nous d’aider le Samu en journée." "Ce cadrage national ne nous arrange pas, reconnaît le Dr Le Guen. Nous aimerions maintenir les rémunérations actuelles. A ce jour, nous en discutons avec l’ADOPS, rien n’est bloqué. C’est le DG de l’ARS qui prendra la décision très prochainement, en sachant que notre objectif est de maintenir la confiance et de tenir compte des critères de notre territoire."    

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