foule

50 professeurs de médecine signent une pétition pour l'emploi des médecins retraités : "C'est une armée de réserve"

[EXCLU] Co-fondateur du centre de santé Odon Vallet, qui n'emploie que des médecins retraités, Jérémy Renard vient de lancer une pétition sur le site de l'Assemblée nationale pour faciliter l'emploi de ces praticiens, "seule ressource disponible à court terme".  50 professeurs de médecine renommés sont également co-signataires de ce texte. Car selon eux, trop d'obstacles se dressent sur la route des médecins retraités qui souhaitent poursuivre ou reprendre une activité pour prêter main forte dans les territoires en tension. La pétition appelle à créer un statut de médecin retraité volontaire sur le modèle du VIE (volontariat international d'entreprise) afin de les exonérer de charges sociales et d'impôts sur le revenu.   

02/10/2025 Par Sandy Bonin
foule

Egora.fr : Pourquoi avez-vous lancé cette pétition ? Quel est l'objectif ? 

Jérémy Renard : Je suis persuadé que la seule ressource disponible à court terme pour lutter contre les déserts médicaux, ce sont les médecins retraités. J'ai publié une tribune dans Les Echos, dans laquelle je l'explique en détail, chiffres à l'appui. L'autre ressource, c'est la formation. Certes, il faut agir dès aujourd'hui, mais ça va prendre 10 ou 15 ans minimum. Désormais, on accueille plus de médecins en première, deuxième années, mais on n'a pas forcément des forces de formation extensibles. Il faut du personnel pour former.

On entend aussi beaucoup parler de l'option de faire venir des médecins étrangers. Je trouve que c'est une solution qui n'est pas humainement viable. On est quand même en train de d'appauvrir des pays déjà beaucoup plus pauvres que nous, pour répondre à nos problèmes. On ne fait que déplacer le problème. 

Et donc la seule ressource disponible à court terme, ce sont les médecins retraités. A partir de ce constat, nous avons créé le centre de santé Odon Vallet à Paris. Ça fonctionne plutôt bien. Nous avons 11 cabinets et nous sommes à environ 80% de taux de remplissage. Il nous manque encore 5 à 10 médecins. Mais je constate que depuis que nous communiquons sur notre centre, on a ressuscité énormément de vocations de praticiens retraités. Depuis le début de l'année, j'ai reçu des emails d'à peu près 300 médecins qui veulent continuer à servir. Ce sont des gens qui ont une mission de service public, ils veulent aider les gens. La médecine est un métier noble. Nous avons donc cette ressource disponible, pourtant nous sommes face à des obstacles pour salarier ces médecins.

Quels sont les obstacles rencontrés ?

Nous avons des médecins retraités salariés une demi à deux journées par semaine, avec des contrats à temps partiel. Le salariat est la seule solution. Les médecins retraités veulent n'avoir aucune contrainte. Ils ne veulent pas être embêtés avec des charges à payer à l'Urssaf, ouvrir une entreprise, un numéro de Siret pour être en libéral… S'ils sont déjà en libéral, ils veulent lâcher cet aspect-là. Ils ne veulent faire que soigner. Il faut donc trouver un cadre administratif facilitant. C'est ce qu'on a fait au centre Odon Vallet, mais malgré tout, ils sont salariés. C'est le droit du travail classique qui s'applique alors qu'il s'agit de médecins retraités. Donc on gère tout pour eux. On doit s'occuper du contrat de travail qui fait 25 pages, leur éditer une fiche de paie. Une fiche de paie aujourd'hui c'est 25€ par mois. Nous employons 50 médecins, même si certains ne sont là qu'une demi-journée par semaine. Cela fait beaucoup de tracas administratif très lourds par rapport au temps de travail des médecins. 

Et ce qui me morfond le plus, c'est le taux de charge. Nous avons créé un centre associatif à but non lucratif, nous sommes en secteur 1, nous sommes un véritable complément de service public. Pour autant, nos médecins ont exactement le même taux de charge que n'importe quel salarié du privé, c’est-à-dire 43%.

Nos médecins perçoivent 400€ brut par jour, ce qui coûte quasiment 580€ au centre en coût total employeur parce que sur ce brut salarial, il faut rajouter les charges patronales. En net, les praticiens gagnent à peu près 320€. Puis après ils ont encore l'impôt sur le revenu. Donc ça coute 580€ au centre et in fine ils ont 200/250€ nets en poche.

"Cette armée de réserve ne va ne va faire que grandir"

Je ne critique pas les charges sociales en France, c'est un tout autre débat. Mais je m'interroge sur le fait d'appliquer ces taux de charges à des personnes qui sont une ressource extrêmement rare et indispensable pour notre pays.  Si on ne se soigne pas, c'est une catastrophe sanitaire et humaine. La santé est le patrimoine le plus important de l'Homme. C'est tragique que les gens ne puissent pas se soigner. Et nous le constatons au quotidien au centre. Nous voyons des patients en ALD qui n'avaient plus de suivi pour certains depuis 12, voire 18 mois.

Si on veut vraiment répondre au problème des déserts médicaux, il faut pouvoir faire appel aux médecins retraités. Aujourd'hui, il y en a 12, 13% qui sont en cumul emploi-retraite. Je pense qu'il faudrait se fixer un objectif collectif d'atteindre 30 à 40% des médecins retraités qui retravaillent. D'autant que cette armée de réserve ne va ne va faire que grandir dans les dix prochaines années. Il me semble que rien qu'à Paris, 60% des spécialistes ont plus de 60 ans. La pyramide des âges est assez inquiétante, donc il faut à tout prix qu'on trouve un moyen de retenir nos médecins retraités.

Financièrement, rien n'est fait pour les inciter alors que certains pourraient être intéressés. Ils n'ont pas toujours tous fait fortune pendant leur carrière. Quand ils divisent par quatre leurs revenus à la retraite, ils sont contents d'avoir un petit complément s'ils continuent. Certains ne vont le faire que pour ça. 

Que proposez-vous ?

En partant de ce constat-là, j'ai proposé de créer le volontariat du médecin retraité, sur le modèle du VIE ou VIA, qui s'adresse aux jeunes de 18 à 28 ans. Ça leur permet d'aller travailler à l'étranger pour des entreprises (VIE) ou des administrations françaises (VIA). Ça les aide à se développer à l'international. C'est une agence nommée Business France qui gère le contrat et tout l'administratif (assurance, mutuelle…). Il s'agit d'un contrat très simple qui ne fait que trois pages, signé entre l'entreprise et Business France.

J'ai fait plusieurs VIE étant plus jeune. A chaque fois, l'entreprise n'avait rien à faire. Elle versait une somme par mois à cette agence, qui me reversait la même chose sans prélever aucun frais. Je percevais ainsi une indemnité. Je n'avais aucune charge sociale et pas d'impôt sur le revenu. 

Le but serait de le transposer à nos médecins retraités. On pourrait avoir une agence au niveau national qui gérerait ce type de contrat. Les médecins seraient en contrat avec l'agence. Cette agence pourrait être une création nouvelle ou exister via les ARS, par exemple. Les centres de santé pourraient s'inscrire auprès de l'agence pour recruter les médecins retraités. L'idée serait bien évidemment que s'ils perçoivent 400€ brut par jour, ça soit une indemnité, donc sans charges sociales ni impôt sur le revenu. 

Je dis 400 euros mais ce montant pourrait être à redéfinir. Ça pourrait être 300, si c'est une indemnité non chargée. Un médecin qui travaillerait quatre jours dans le mois aurait ainsi 1200 euros mensuels pour compléter sa retraite. Ça devient intéressant pour les médecins et c'est super intéressant pour tous les centres de santé qui n'ont pas de médecin. 

Tout l'aspect contractuel serait géré par l'État et n'importe qui pourrait en bénéficier à la seule condition de rester en secteur 1. L'incitation serait à la fois financière et administrative.  

Le statut plébiscité par Jérémy Renard

Etes-vous soutenu politiquement sur ce sujet ?

Nous en avons discuté avec les équipes du ministre. Ils ont trouvé le concept du centre Odon Vallet "génial". Quant au sujet du statut de médecin retraité, ils m'ont dit de revenir vers eux en octobre, novembre, au moment des discussions sur le PLFSS.

Il ne faut pas oublier que si on accorde une exonération de charges à des médecins retraités, derrière ça va générer des économies énormes parce que notre système de santé est en tension. 

Comptez vous fermer vos cabinets entre le 5 et le 15 janvier?

Claire FAUCHERY

Claire FAUCHERY

Oui

Oui et il nous faut un mouvement fort, restons unis pour l'avenir de la profession, le devenir des plus jeunes qui ne s'installero... Lire plus

Photo de profil de FRANCOIS CORDIER
2,8 k points
Débatteur Passionné
Médecine générale
il y a 2 mois
". Ils n'ont pas toujours tous fait fortune pendant leur carrière." ! ! ! ! ! Grave pathologie langagière sous-française, cette manie mimétique de minorer toute expression concernant un risque, un inconvénient, un tort, un engagement, . . . bref tout vecteur relationnel sérieux, n'est en fait qu'une commune lâcheté . "Ils" n'ont JAMAIS fait fortune dans leur carrière ! Le médecin ne cherche pas à "faire fortune", surtout dans une mine de plomb administrative, financièrement constipée et réglementairement diarrhéique. Il veut simplement "survivre" dignement, humainement pour ses patient (temps individuel disponible), sa famille, et accessoirement (s'il lui en reste le temps) pour lui-même; et nous sommes loin du compte avec un forfait rigide "à la pièce" (lire à l'acte") indépendant du temps réellement nécessaire pour déployer ledit acte, mode de rémunération du XIXième siècle directement décliné en France de l'esclavage colonial exotique auquel devaient progressivement renoncer les exploitants refoulés vers leur métropole . Ceci dit, l'idée d'une indemnité pour "utilité publique" serait certainement plus légitime que pour nos parlementeurs qui, de leur côté, se font grassement indemniser et régulièrement auto-augmenter . . . . pour leur nuisance publique qui aura patiemment mené la nation à la faillite financière, sociale et morale.
Photo de profil de GUY ANDRE PELOUZE
888 points
Débatteur Passionné
Médecins (CNOM)
il y a 2 mois
Toutes ces initiatives pour trouver du temps clinique sont intéressantes mais peut-être pas dans le sens d’une utilité sociale. En effet, peu de médecins veulent continuer après la retraite en raison, essentiellement de leur capacité arithmétique résiduelle. Travailler pour rien ou pour avoir beaucoup d’ennuis paperassiers, dans un pays administré, comme une Union soviétique XXL est décourageant.. Le modèle dans lequel nous survivons est devenu d’une telle rigidité, que plus rien n’est possible qu’un changement radical se produise. Le problème est de se rendre compte de la confiscation de la liberté. Les pays communistes sont un exemple de cette assertion. La France se singularise par la puissance de sa bureaucratie centralisée et la médecine comme d’autres activités en ont fait les frais. Payer la CARMF en emploi-retraite passe crème en France. Enfin presque parce que ceux qui ne sont pas dociles se retirent du marché ! Et pendant que certains signent une « pétition » alors qu’ils ont défendu mordicus le numerus clausus, de nombreux jeunes médecins, réfléchissent aux alternatives à la médecine clinique. C’est une forme de votation avec les pieds. Ce qu’il faut bien retenir c’est que nous avons atteint un point de non retour. Tout est tellement corsetté par une administration tatillonne et omnipotente que plus rien ne marche. Devant cette situation, la technostructure et en premier, celle de la giga-administration de la CNAM, demande plus de contraintes, plus de régulation plus d’obligations, plus d’engagement sans rétribution, bref plus d’administration et encore moins de médecine. Il est possible de croire que cela va encore durer. J’en doute.
Photo de profil de Jean Marie  Mazé
241 points
Incontournable
Médecine générale
il y a 2 mois
Généraliste retraité depuis 8 ans j'ai eu des velléités de reprise dans le cadre de la téléconsultation que j'avais déjà pratiqué sur une plateforme à temps partiel.Le conseil départemental de l'ordre requiert une remise à niveau et un stage chez le praticien.....je continue donc le dépannage familial, les amis, quelques patients n'ayant pas retrouvé de médecin traitant, la pêche et le golf...
 
Vignette
Vignette

La sélection de la rédaction

Pédiatrie
Moins de médecins, moins de moyens, mais toujours plus de besoins : le cri d'alerte des professionnels de la...
06/11/2025
14
Concours pluripro
CPTS
Les CPTS renommées "communauté France santé" : Stéphanie Rist explique l'enjeu
07/11/2025
12
Podcast Histoire
"Elle était disposée à marcher sur le corps de ceux qui auraient voulu lui barrer la route" : le combat de la...
20/10/2025
0
Portrait Portrait
"La médecine, ça a été mon étoile du berger" : violentée par son père, la Pre Céline Gréco se bat pour les...
03/10/2025
6
Reportage Hôpital
"A l'hôpital, on n'a plus de lieux fédérateurs" : à Paris, une soirée pour renouer avec l'esprit de la salle...
14/10/2025
8
La Revue du Praticien
Diabétologie
HbA1c : attention aux pièges !
06/12/2024
2