BPCO

BPCO : le casse-tête du sous-diagnostic

Responsable d’environ 5 % des décès mondiaux selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la bronchopneumopathie chronique obstructive demeure une maladie largement sous-diagnostiquée. Lors du congrès 2025 de l’ERS, plusieurs pistes ont été évoquées afin d’améliorer le dépistage. 

31/10/2025 Par Romain Loury
ERS 2025 Pneumologie
BPCO

Aux États-Unis, 13 % de la population serait atteinte d’une maladie obstructive des voies respiratoires (bronchopneumopathie chronique obstructive [BPCO], asthme), non diagnostiquée dans 72 % des cas(1). Selon la Pre Hilary Pinnock, pneumologue à l’université d’Édimbourg (Royaume-Uni), "on peut faire tester sa tension, sa glycémie et bien d’autres éléments, mais personne ne demande jamais si vous avez des problèmes respiratoires !". Ce désintérêt pourrait en partie s’expliquer par un manque de sensibilisation de la population, peut-être aussi des médecins, quant à la santé respiratoire.

"Rares sont les professionnels de santé à prendre le temps de faire ce repérage", constate Margaux Machefert, du service de kinésithérapie du groupe hospitalier du Havre (Seine-Maritime). "Faire une spirométrie prend du temps, et chacun a tendance à minimiser l’importance des symptômes respiratoires. Et les patients eux-mêmes se montrent souvent peu inquiets à ce sujet."

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Alors que la BPCO, comme bien d’autres maladies chroniques, est vouée à progresser au cours des prochaines décennies du fait du vieillissement de la population, les efforts de recherche se poursuivent pour découvrir de nouveaux moyens d’améliorer la détection des maladies pulmonaires, en population générale ou de manière ciblée sur les personnes à risque. La tâche s’avère loin d’être évidente, comme le suggèrent plusieurs études présentées au congrès de l’ERS.

Le score Capture, un intérêt limité ?

Parmi les outils visant à favoriser le diagnostic, le score Capture. Élaboré en 2017 par une équipe américaine, il repose sur cinq questions simples portant notamment sur certaines expositions (tabagisme, pollution, etc.) et la gêne respiratoire à l’effort(2). D’une valeur comprise entre 0 et 6 points, cet outil, avant tout destiné aux médecins généralistes, vise à identifier les patients à risque de maladie pulmonaire, en vue d’examens plus poussés. Si son efficacité a été suggérée par quelques travaux, une étude, publiée par les chercheurs à l’origine de ce score, suggère que son intérêt pratique serait moindre que celui espéré(3).

L’équipe a recruté 100 généralistes américains, qu’elle a sensibilisés à la nécessité de mieux diagnostiquer la BPCO. Parmi eux, la moitié s’est vu en outre proposer le questionnaire Capture, à faire remplir par leurs patients. Or selon les résultats, le recours à cet outil prédiagnostique n’a pas grandement modifié les pratiques des médecins. Dans le groupe disposant du questionnaire, 45,9 % patients ont fait l’objet d’une décision en lien avec la BPCO (spirométrie, diagnostic de BPCO, prescription de traitements inhalés, orientation vers un pneumologue, etc.), contre 41,9 % de ceux suivis dans le groupe contrôle, une différence non significative.

Lors d’une étude présentée par Margaux Machefert au congrès de l’ERS, une équipe française a pour la première fois traduit ce score dans la langue de Molière, afin de tester son intérêt auprès de 17 centres de soins primaires. Parmi les 1 002 participants, 5 % s’avéraient atteints d’une maladie obstructive, selon les résultats de la spirométrie. Or le score Capture, du moins dans sa version traduite, présentait une forte spécificité (probabilité de test négatif si la maladie est absente : 94,7 %), mais une sensibilité très faible (probabilité de test positif si la maladie est présente : 21,2 %), limitant son intérêt.

Appels téléphoniques et site internet

Bien que difficilement applicable, l’expérience menée au Canada par l’équipe du Dr Shawn Aaron, pneumologue à l’Ottawa Hospital Research Institute (Canada), s’est montrée plus concluante(4). Les chercheurs ont programmé l’appel téléphonique aléatoire d’environ 1,1 million de Canadiens, à qui une voix enregistrée demandait si une personne de leur foyer présentait des difficultés respiratoires, et si oui, d’appuyer sur la touche 1. Sans surprise, la plupart ont immédiatement raccroché, tandis qu’environ 50 000 ont répondu par l’affirmative. Finalement, 2 857 personnes symptomatiques ont effectué un test spirométrique, parmi lesquelles 595 se sont avérées atteintes de BPCO ou d’asthme jusqu’alors non diagnostiqué. Plus inquiétant, ces patients non repérés présentaient souvent des maladies avancées : parmi les cas diagnostiqués de BPCO, 69 % présentaient une obstruction bronchique modérée à très sévère (score Gold de 2 à 4). Et leur qualité de vie était aussi faible que celle de patients déjà diagnostiqués.

À défaut d’appels téléphoniques, une autre piste serait celle d’un site dédié sur lequel chacun pourrait évaluer son risque d’asthme ou de BPCO, et se voir encouragé à consulter. Cette approche, actuellement évaluée au Canada par l’équipe de Shawn Aaron, a livré des résultats encourageants lors d’une étude norvégienne présentée au congrès. Grâce au bref questionnaire mis en ligne sur le site de la société norvégienne de pneumologie, 6 569 personnes à risque élevé de BPCO ont pu être identifiées entre 2018 et 2024. Là aussi, elles semblaient aussi sévèrement atteintes que des patients déjà diagnostiqués. 

Le chant, un bol d’air pour les patients :

Le chant serait très bénéfique chez les personnes souffrant de dyspnée liée à une BPCO ou à une maladie pulmonaire interstitielle, révèle une étude australienne présentée au congrès de l’ERS. Parmi les 101 participants atteints de l’une ou l’autre de ces maladies, 51 ont suivi des cours hebdomadaires de chant en distanciel, pendant douze semaines. Chez ceux ayant assisté à au moins huit séances, la qualité de vie, mesurée par le score SF-36 (échelle de 0 à 100), était en hausse de 11 points par rapport au groupe contrôle, une hausse cliniquement et statistiquement significative. Ces bienfaits étaient encore plus marqués chez les personnes sévèrement atteintes, ainsi que celles souffrant en plus de dépression ou d’anxiété. 

(1) Martinez CH, et al. Annals of the American Thoracic Society, 1er décembre 2015.

(3) Martinez FJ, et al. American Journal of Respiratory and Critical Medicine, 1er mai 2025.

Références :

D’après les sessions "Forewarned is forearmed: cohort studies in the mission to understand structural and immunological determinants of early disease in chronic obstructive pulmonary disease", "Primary care perspective and management from acute to chronic respiratory diseases", "Medical education, web, internet, ethics and economics" et "ALERT 2: infections, lung cancer and respiratory symptoms management" lors du congrès 2025 de l’European Respiratory Society (Amsterdam, 27 septembre-1er octobre). 

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