Asthme

Asthme pédiatrique : les mystères de la rémission

Qu’elle soit spontanée ou induite par le traitement, la rémission de l’asthme pédiatrique continue d’intriguer les pneumologues. Pourtant, sa définition ne fait toujours l’objet d’aucun consensus. 

31/10/2025 Par Romain Loury
ERS 2025 Pneumologie Pédiatrie
Asthme

Chez les enfants comme chez les adultes, la notion de rémission de l’asthme a pris un nouvel essor depuis l’arrivée des biothérapies au cours des années 2000. Toutefois, à la différence de la population adulte, ce concept n’est pas totalement inconnu dans l’asthme pédiatrique, rappelle la Pre Refiloe Masekela, pneumopédiatre à l’université du KwaZulu-Natal (Durban, Afrique du Sud).

Nombre d’enfants voient, en effet, leur asthme disparaître de manière spontanée à l’adolescence. Chez d’autres, il réapparaît à l’âge adulte, souvent sur fond de tabagisme. Enfin, demeurent des enfants dont l’asthme persiste de manière constante jusqu’à l’âge adulte, probablement en raison de prédispositions génétiques, d’un terrain atopique et/ou d’une faible fonction pulmonaire.

Qu’elle soit spontanée ou induite par le traitement, la rémission demeure une notion mal définie(1). Malgré les appels récurrents à un consensus scientifique, les diverses recommandations diffèrent quelque peu entre pays et sociétés savantes sur les critères la définissant. Parmi les points les plus souvent retrouvés, l’absence de symptômes significatifs, la stabilisation ou l’amélioration de la fonction pulmonaire, l’arrêt des corticoïdes oraux, et ce pour une durée d’au moins un an. D’autres vont plus loin, en proposant la notion de "rémission complète" associant également des critères biologiques, tels qu’absence d’hyper-réactivité bronchique, faibles taux d’éosinophiles sanguins et de fraction expirée du monoxyde d’azote (FeNO).

Les facteurs prédictifs de la rémission

Plusieurs études se sont penchées sur les facteurs prédictifs de rémission de l’asthme pédiatrique. Parmi elles, celle publiée en 2019 et portant sur la cohorte américaine CAMP (Childhood Asthma Management Program), qui a analysé les taux de rémission chez de jeunes adultes atteints d’asthme léger à modéré lorsqu’ils avaient 8 ans(2). Dans l’ensemble, 23 % de ces enfants asthmatiques étaient en rémission à l’âge de 23 ans, mais seulement 17 % en tenant compte aussi des marqueurs biologiques.

Le facteur le plus déterminant s’avère être le niveau d’obstruction pulmonaire, mesuré par le rapport VEMS/CVF (volume expiratoire maximal par seconde/capacité vitale forcée). Pour chaque hausse de 10 %, les chances d’être en rémission à l’âge adulte sont multipliées par quatre. Ainsi, les enfants dont le rapport VEMS/CVF est supérieur à 80 % ne présentant pas d’hyper-réactivité bronchique et à faible taux sanguin d’éosinophiles sont 82 % à être en rémission à 23 ans. À l’inverse, les enfants ayant un VEMS/CVF inférieur à 75 % n’ont que 9,3 % de chance d’y parvenir.

Quant aux enfants atteints d’asthme sévère, chez qui la rémission spontanée semble bien peu probable, l’arrivée des biothérapies a ouvert de nouveaux horizons, avec de nombreux cas de rémission. Ainsi, lors de l’étude Voyage, comparant le dupilumab à un placebo (tous deux associés à un traitement standard), 41,2 % atteignaient la rémission à 52 semaines, contre 23,7 % sous placebo(3).

"Chez les enfants, la rémission de l’asthme est un phénomène multifactoriel et dynamique, estime Refiloe Masekela. De nombreuses études ont révélé le caractère déterminant de la fonction pulmonaire, des prédispositions génétiques et des manifestations atopiques. Grâce à l’usage de plus en plus courant des biothérapies chez de jeunes enfants, la rémission va devenir plus fréquente en population pédiatrique. Il nous faut maintenant découvrir les biomarqueurs qui nous aideront à prédire les chances de rémission, et donc à mieux informer les familles."

D’autres stratégies sont à l’étude pour atténuer les symptômes de l’asthme pédiatrique. Parmi elles, la prise de vitamine D3, testée contre l’asthme viro-induit : présentée au congrès de l’ERS, une étude canadienne, menée sur 323 enfants d’âge moyen 2,85 ans, a livré des résultats globalement négatifs. Comparée au placebo, la vitamine D3, administrée en deux prises de 100 000 UI espacées de 3,5 mois, n’a pas induit de baisse du risque ou de la sévérité des exacerbations ni de l’incidence d’infections respiratoires. Une tendance légèrement positive était observée chez les enfants sévèrement atteints, ceux sous traitement de palier 4, avec une baisse non significative de 33 % du risque d’exacerbation.

Quelle place pour la FeNO ?

Au-delà des traitements, la prise en charge de l’asthme se trouve encore limitée par la difficulté du diagnostic, dont la stratégie varie aussi selon les recommandations. Exemple, la place de la mesure de la FeNO, marqueur d’inflammation bronchique : si l’ERS ne la conseille qu’en deuxième ligne, le Royaume-Uni la recommande depuis 2024 en première ligne de son algorithme diagnostique, et ce de manière concomitante à la spirométrie. En France, les recommandations publiées en 2024 par la Société française de pneumologie et allergologie pédiatrique (SP2A) accordent une place accessoire à la mesure de la FeNO, qui "peut être" pratiquée lors du diagnostic (mais jamais de manière isolée), avec un grade C (faible niveau de preuves scientifiques).

O, selon deux études, l’une suisse, l’autre britannique, présentées au congrès, la FeNO s’avère d’une très haute spécificité (au mieux de 90 %, probabilité de test négatif si la maladie est absente) mais d’une faible sensibilité (au mieux de 48 %, probabilité de test positif si la maladie est présente). Dans le contexte britannique, où un résultat négatif doit être suivi d’autres tests, c’est la spécificité qui pose un problème : sans spirométrie concomitante, 10 % des enfants seraient immédiatement diagnostiqués à tort comme asthmatiques, au risque d’un surtraitement.  

(1) Lommatzsch M, et al. eClinicalMedicine, 8 janvier 2025.

(2) Wang AL, et al. Journal of Allergy and Clinical Immunology, 14 novembre 2018.

Références :

D’après les sessions "Paediatric" et "Paediatric asthma: important novel insights into mechanism, diagnosis and management", lors du congrès 2025 de l’European Respiratory Society (Amsterdam, 27 septembre-1er octobre) ; et "Recommandations de la SP2A pour la prise en charge de l’asthme de l’enfant de 6 à 12 ans", Revue des maladies respiratoires (23 août 2024).

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