
Crédit photo : Clément Javelle.
Généraliste, il crée une appli pour aider les patients à évaluer l'urgence de leurs symptômes : "ils ont beaucoup de mal à les définir"
Médecin généraliste et urgentiste, le Dr Clément Javelle a décidé de lancer sa propre application, Doc’N’Kit, avec son épouse, infirmière. L’outil, qu’il imagine comme un "compagnon de santé au quotidien" doit permettre d'évaluer le degré d’urgence des patients en fonction de leurs symptômes, mais aussi "de conseiller, guider, éduquer et prévenir" grâce à des messages de santé publique, des quiz ou encore des fiches-conseils.

Crédit photo : Clément Javelle.
C’est au cœur du Sky Cube, à Saint-Quentin en Yvelines, repère des entrepreneurs, que le Dr Clément Javelle décroche son téléphone pour répondre à Egora. À la fois médecin généraliste installé à Trappes depuis cinq ans, urgentiste et médecin régulateur au Samu 78, Clément Javelle s’est lancé dans une nouvelle aventure, aux côtés de sa femme, infirmière. Ils planchent ensemble sur l’élaboration d’une nouvelle application, baptisée Doc’N’Kit.
C’est lors des traditionnelles courses pour les cadeaux de Noël, que l’idée leur vint à l’esprit. "J’ai remarqué qu’il y avait des box pour faire des sushis, de la bière… mais pas de box médicale. Alors, j’ai eu l’idée d’en mettre une au point", explique-t-il. Mais une question persiste : Comment et où pourrait-il vendre cette box ? "Avec mon épouse, on a eu l’idée de mettre au point une application permettant de guider les personnes dans l’accès aux soins et qui nous permettrait aussi de vendre ces box médicales."
Faut-il dérembourser les cures thermales ?

François Pl
Oui
Dans les années 80 j'ai été suivre (sans prescription - je suis Belge) une "cure thermale" en Auvergne, suite à une promotion tour... Lire plus
Evaluer le degré d’urgence des symptômes
Finalement, le couple abandonne l’idée de la box médicale pour se concentrer sur cette application. Grâce à leurs pratiques respectives, ils ont pu constater, à de nombreuses reprises, que "les patients ont énormément de difficultés à définir leurs symptômes. On s’est dit qu’il fallait qu’on les aide à expliquer leurs symptômes pour les comprendre", indique le généraliste.
Avec Doc’N’Kit, Clément Javelle a la volonté de "transposer [son] métier de médecin régulateur dans une application mobile qui permet, via des algorithmes d’interrogatoires conçus par des médecins, d’évaluer le degré d’urgence des symptômes. En fonction, [l’application pourra] guider et accompagner les patients vers la meilleure consultation possible", présente-t-il. Car selon lui, 70% des consultations aux urgences pourraient être évitées. "Quand je suis au Samu et que je demande aux patients pourquoi ils nous appellent, la plupart du temps, ils disent ‘parce que je suis malade, c’est très grave, c’est forcément urgent’. Et quand on leur fait comprendre et raconter leurs symptômes en leur posant les bonnes questions, ils se rendent compte qu’ils n’avaient pas besoin d‘appeler le 15."
En plus de l’évaluation du degré d’urgence des symptômes, l’application propose d’autres fonctionnalités, car le médecin de Trappes a l’ambition de voir Doc’N’Kit devenir un "compagnon de santé au quotidien". L’outil sera capable "de conseiller, guider, éduquer et prévenir via la diffusion de messages de santé publique, de fiches-conseils ou encore de quiz par exemple pour savoir quels sont les gestes à faire lors d’un malaise, d’un étouffement…" Ces informations seront proposées et vérifiées par une équipe médicale composée de médecins, infirmières et pharmaciens.
Accélérer la prise en charge des réelles urgences
Aujourd’hui l’application est encore en phase de développement. Clément Javelle met un point d’honneur à ce que son application soit "facilement adoptable par les utilisateurs", car elle a été pensée "pour les patients". Mais elle peut aussi servir aux professionnels notamment des services d’urgence. "On est en capacité de gérer les flux et de permettre à l’infirmière d’accueil et de tri aux urgences de connaître l’état de sa salle d’attente et les personnes qui y sont. On est en capacité de diminuer le nombre de consultations pour une urgence ressentie, c’est-à-dire non médicalement justifiée, dans les services d’urgence. A terme, ça permet d’accélérer la prise en charge des réelles urgences", confie-t-il. Ce point peut notamment permettre des économies "qui pourraient se chiffrer en milliards par an", estime-t-il.
Concernant le tarif de Doc’N’Kit, la question est encore à l’étude, mais Clément Javelle avance un concept freemium, c’est-à-dire une partie gratuite et certaines fonctionnalités payantes. "On continue à faire notre étude de marché, on arbitrera plus tard [sur son prix]. Mais j’ai une certaine déontologie et éthique. Tout ce qui pourrait sauver des vies ne sera pas payant. Le but de cette application, c’est d’avoir un impact social important, et de mettre dans les mains de tout le monde les mêmes chances d’accès aux soins. Quand on se trompe de service d’urgence, on perd du temps et on perd des chances face à la maladie", ajoute-t-il, tout en précisant que l’application sera traduite dans toutes les langues pour que "tout le monde puisse avoir les mêmes chances".
"La solution qu’on propose n’existe nulle part ailleurs"
Pour mener à bien son projet, le médecin a passé un diplôme universitaire en e-santé et transformation digitale à la Sorbonne. À la rentrée, il espère aussi intégrer le programme Challenge + de l’école de commerce HEC, avec sa femme. Doc’N’Kit a également été remarqué par l’ambassade des États-Unis en France. "On a rejoint la délégation officielle qui s’est rendue en mai à Washington, au Select USA, le plus gros salon d’investissement des États-Unis. On s’est rapproché de Business France [une agence nationale chargée du développement international des entreprises et de leurs exportations, NDLR], ce qui nous a permis de constater que la solution qu’on propose n’existe nulle part ailleurs."
C’est pourquoi plusieurs états des États-Unis, le Canada ou encore la Corée du Sud, ont déjà fait part de leur intérêt à voir Doc’N’Kit se développer sur leur territoire. En France, le médecin de Trappes a déjà pu discuter avec le ministère de la Santé ou encore la Haute Autorité de santé, mais la réglementation est différente de celle mise en place à l’étranger. "On ne sait pas encore si on va se lancer d’abord en France ou en Amérique du Nord. Il est possible qu’aux États-Unis et surtout au Canada, ce type d’application soit plus rapidement déployable sur le marché", reconnaît-il.

Depuis qu’il est sur ce projet d’application, le praticien a dû revoir son temps de consultations. Avant, il exerçait en moyenne "80 heures par semaine" en tant que médecin. "Maintenant, je dois être à 60 heures par semaine, [et environ] 30 heures par semaine pour la start-up", évalue-t-il. Ce rythme ne lui fait pas peur, au contraire, il y est habitué. "Ce qui fait qu’un médecin notamment généraliste est capable d’entreprendre comme ça, c’est la résilience. On est éduqué à ça, confie-t-il. Dès nos études de médecine, il faut toujours travailler plus pour être sûr d’avoir le plus de chance possible d’être sélectionné à un premier concours, puis à un deuxième concours. Pour moi [l’entrepreneuriat], c’est la continuité et je suis passionné par ça. C’est devenu le projet de toute une vie."
Auteur de l'article


Articles associés
La sélection de la rédaction