Un premier consensus européen sur la santé mentale et les maladies cardiovasculaires
La dépression fait le lit des maladies cardiovasculaires, et inversement. Aussi, l’European Society of Cardiology (ESC) recommande un dépistage systématique des troubles mentaux chez les patients souffrant de maladie cardiovasculaire, et des maladies cardiovasculaires chez les patients souffrant de troubles mentaux sévères.
La dépression accroît le risque de maladie cardiovasculaire (MCV) de 16 %. Et quelque 20 % des patients ayant une MCV présentent des symptômes dépressifs, et jusqu’à 30 % après un infarctus du myocarde. Les femmes et les personnes âgées sont particulièrement concernées. Pour autant, cette association bidirectionnelle et son « impact sur la qualité de vie, l’adhésion thérapeutique et le pronostic » font l’objet d’une « reconnaissance insuffisante par les professionnels de santé », déplore la Société européenne de cardiologie (ESC). Dans un premier consensus d’experts sur le sujet, présenté lors de son congrès 2025 (Madrid, 29 août-1er septembre) et publié dans l’European Heart Journal du 29 août 2025, elle plaide pour un dépistage systématique des problèmes de santé mentale chez les patients souffrant de MCV, idéalement « après le diagnostic ou un événement cardiovasculaire », puis régulièrement au cours du suivi.
Dépression : des traitements à adapter
En parallèle, l’instance recommande une recherche systématique des MCV chez les patients présentant des symptômes dépressifs, « à tous les stades du trouble, quel que soit l’âge, avec une évaluation initiale du risque dès la première consultation et avant toute prescription d’antipsychotique ». Le traitement doit être adapté : monothérapie à privilégier, prise en compte du risque cardiovasculaire, de l’iatrogénie médicamenteuse et des possibles effets indésirables (diabète, obésité). La prise en charge vise également à réduire les facteurs de risque modifiables : sédentarité, tabagisme, consommation d’alcool…
De fait, l’amélioration de la santé mentale diminue le risque de MCV. Les sujets qui se sont rétablis d’une dépression modérée ou sévère ont vu réduire leur risque de MCV à deux ans selon une méta-analyse portant sur 8 511 participants à l’Étude longitudinale sur la santé et la retraite en Chine (Charls ; dont 47,2 % de femmes, d’âge moyen 57,8 ans) et 6 447 participants à l’Enquête sur la santé, le vieillissement et la retraite en Europe (Share ; dont 61,4 % de femmes, d’âge moyen 67,6 ans), conduite par la Dre Shuang Wu, cardiologue au Fuwai Hospital, Chinese Academy of Medical Sciences et au Peking Union Medical College à Pékin (Chine). Les résultats montrent que, deux ans après l’inclusion, les sujets non dépressifs avaient un risque plus faible de MCV que ceux qui avaient évolué vers une dépression modérée ou sévère (étude Charls : hazard ratio [HR] = 1,61 ; enquête Share : HR = 2,18). Dans le même temps, les sujets qui se sont rétablis d’une dépression modérée ou sévère ont vu diminuer leur risque de maladie cardiovasculaire de 36 % dans l’étude Charls et de 55 % dans l’enquête Share.
Impact de la sarcopénie
La santé mentale et la santé cardiovasculaire sont aussi négativement impactées par les altérations physiques liées à l’âge : sarcopénie, perte de mobilité et difficultés à effectuer des activités du quotidien. Le Dr Yulong Lan, cardiologue au Second Affiliated Hospital of Shantou University Medical College (Chine), a analysé les données de 9 799 adultes d’une cohorte nationale, d’âge moyen 58,4 ans et sans antécédents de MCV. 1 846 cas de MCV et 1 166 décès sont survenus lors d’un suivi de 7,7 ans. La sarcopénie était corrélée à un risque accru de MCV (+16 %), de maladie cardiaque (+22 %) et de mortalité toutes causes (+56 %). La dépression a augmenté le risque de MCV de 19 %, de maladie cardiaque de 20 % et d’AVC de 30 %. Et la présence conjointe de sarcopénie et de dépression a augmenté le risque d’AVC (HR = 1,28), de MCV (HR = 1,33), de maladie cardiaque (HR = 1,39) et de mortalité toutes causes (HR = 1,67).
Pour une prise en charge holistique
Dans une autre étude menée sur 10 137 adultes issus de la cohorte Charls, d’âge moyen 58 ans et sans MCV préexistante, 1 922 cas incidents de MCV ont été enregistrés au cours du suivi de 7,7 années. Les analyses ont montré que la dépression était associée à une hausse du risque de MCV de 19 %, la difficulté à réaliser des activités du quotidien (se laver, s’habiller, manger, aller au lit, aller aux toilettes, être continent) à une hausse de 25 %, et l’altération de la mobilité (marcher 100 m, monter des escaliers, se lever d’une chaise, se baisser, étendre les bras, lever 5 kg, ramasser une pièce de monnaie) à une hausse de 26 %. « La diminution de la mobilité a impacté de façon significative les associations entre dépression et maladies et mortalité cardiovasculaires, alors que les symptômes dépressifs ont affecté de façon plus importante l’impact de l’affaiblissement physique sur les AVC », a observé la Dre Dan Wu, post-doctorante au Second Affiliated Hospital of Shantou University Medical College (Chine).
Ainsi, l’évaluation des capacités physiques pourrait être un nouvel élément à considérer dans la prise en charge des patients souffrant de MCV et de dépression.
Références :
Congrès de l’European Society of Cardiology (Madrid, 29 août-1er septembre) D’après la session « Dépression et maladies cardiovasculaires » (31 août).
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