Dermatologue

Dermatite, acné, psoriasis... Les avancées majeures présentées au congrès européen de dermatologie

Lors de son congrès 2025, qui s’est tenu du 17 au 20 septembre à Paris, l’European Academy of dermatology and venereology (EADV) a mis l’accent sur les avancées dans la prise en charge de la dermatite atopique et du psoriasis, et sur les découvertes dans le fonctionnement du microbiome cutané. Le point avec la Pre Marie-Aleth Richard (Marseille), présidente élue de l’EADV pour 2026, et le Dr Georges Reuter (Strasbourg), vice-président du Syndicat national des dermatologues-vénéréologues (SNDV).

13/10/2025 Par Muriel Pulicani
EADV 2025 Dermatologie
Dermatologue

Egora : Quel bilan tirez-vous du congrès 2025 de l’EADV ?

Pre Marie-Aleth Richard : Le congrès a accueilli 20 000 congressistes et 700 orateurs de l’Europe et au-delà. C’est remarquable. 4 000 abstracts ont été soumis et tous les domaines de la dermatologie ont été abordés : dermatite atopique, psoriasis, maladie de Verneuil, vitiligo, pelade…

Nous notons de nombreuses avancées dans les traitements, avec la mise à disposition de plus en plus de médicaments topiques et de nouvelles molécules dans les maladies inflammatoires de la peau, pour lesquelles les inhibiteurs de JAK (JAKi) deviennent, avec les biothérapies, les chefs de file des traitements systémiques. L’idée est d’arriver à des traitements curatifs via la modification des cellules effectrices immunitaires. Si l’on traite tôt la dermatite atopique ou le psoriasis, on pourra peut-être arriver à empêcher le cours naturel de la maladie, qui va vers des récidives.

La question maintenant est de savoir comment positionner ces molécules les unes par rapport aux autres. En effet, elles ont été peu comparées entre elles et les voies cytokiniques sont différentes. Il se pose également la question de la tolérance à moyen terme, chaque molécule ayant des effets indésirables spécifiques avec lesquels le patient doit apprendre à vivre.

Des progrès ont été réalisés dans la prise en charge de la dermatite atopique, avec la parution de premières recommandations françaises et la mise à disposition de nouveaux traitements…

M.-A. R. : Après les médicaments topiques (delgocitinib, également utilisé dans l’eczéma des mains) et les JAKi, le développement des traitements biologiques anti-interleukine (IL)-4 puis anti-IL-13, les anti-IL-31 ne va pas tarder à arriver.

Les recommandations françaises sur la dermatite atopique viennent en parallèle des recommandations sur le psoriasis. Le Conseil national professionnel de dermatologie et vénéréologie a sollicité la Haute Autorité de santé afin de lever des paradoxes et des situations ambiguës : par exemple, dans la dermatite atopique, les JAK-i et la ciclosporine ne peuvent être prescrits qu’à l’hôpital. Un vrai travail doit être fait en termes d’homogénéisation pour l’accès aux molécules en fonction des indications et des autorisations de mise sur le marché, afin d’avoir plus de cohérence dans les parcours de soins.

Des avancées sont également enregistrées dans le traitement du psoriasis…

M.-A. R. : Avec les anti-IL-23, la mise en place d’un traitement précoce chez certains patients permet de passer d’un rythme d’injection tous les deux-trois mois à une ou deux injections par an, car il n’y a pas de récidive entre les administrations. Alors que tous les patients n’acceptent pas le principe de l’injection, des biothérapies par voie orale sont en cours de développement, avec une très bonne réponse dans plusieurs sous-populations, comme les adolescents.

Dr Georges Reuter : Dans la dermatite atopique et le psoriasis, maladies du substrat génétique ou de l’environnement, le traitement doit être pris en théorie à vie. Des études plus poussées montrent que le profil génétique diffère selon le patient. On se dirige donc vers une médecine personnalisée, avec la possibilité de diminuer ou d’arrêter le traitement en fonction du profil de chacun (répondeur, non-répondeur).

Des recherches portent sur la composition, le fonctionnement du microbiome cutané et son rôle dans le développement de l’acné notamment…

M.-A. R. : Dans ce domaine, il y a des messages intéressants et forts. Le microbiote cutané est étudié pour toutes les maladies. Dans l’acné, la responsabilité de Cutibacterium acnes a été confirmée sur un scénario spécifique. C’est une bactérie commensale de la peau qui contrôle le pH et intervient dans la production des céramides de l’épiderme. Dans certaines circonstances, elle devient pathogène parce qu’elle subit une conversion par des phages. Il y a ainsi dans l’acné une sélection d’espèces particulières qui deviennent virulentes, sécrètent des cytokines et deviennent pro-inflammatoires. Le microbiote peut donc constituer une cible thérapeutique. Certaines stratégies pourraient permettre de le rééquilibrer : topiques, vaccination… Il y a un grand intérêt de la recherche à cibler un rééquilibrage du microbiote cutané.

En attendant le déploiement de ces nouvelles stratégies, quelles sont les actualités dans le traitement de l’acné ?

M.-A. R. : L’acné sévère engendre des cicatrices difficiles à traiter, nécessitant un traitement lourd. La sévérité de l’inflammation entraîne la destruction de cellules souches de la peau, ce qui empêche une cicatrisation de qualité. D’où un besoin de médecine régénérative. Il existe des formes frontières d’acné, comme la maladie de Verneuil, qui est une pathologie multifactorielle, complexe, effroyable à gérer par le patient et par le médecin et pour laquelle nous n’avons pas la qualité de prise en charge du psoriasis ou de la dermatite atopique. Les nouvelles recommandations doivent permettre un accès plus facile et plus rapide aux biothérapies spécifiques. De nombreuses molécules sont en cours de développement, des biothérapies comme les anti-TNF.

Y a-t-il des découvertes dans le domaine des cancers cutanés ?

G. R. : Le traitement du mélanome à un stade précoce passe avant tout par la chirurgie. Un essai de phase III étudie l’intérêt d’un traitement néoadjuvant à l’immunothérapie ou à la chimiothérapie par inhibiteur de checkpoint avant la recherche du ganglion sentinelle. Le traitement néoadjuvant a deux effets : il diminue la masse tumorale (quand le patient est répondeur) et stimule davantage l’immunité antitumorale. Si cette approche se généralise, il faudra déroger à la règle de ne pas réaliser de biopsie partielle du mélanome…

Désormais, il y a une liaison entre imagerie cutanée et intelligence artificielle dans la surveillance des patients à haut risque de cancer. On peut réaliser une imagerie 3D du corps entier et comparer les images à des temps différents pour voir l’apparition ou l’extension de lésions.

Quelles sont les actualités dans le domaine de la vénéréologie ?

M.-A. R. : Il y a une problématique de résurgence du VIH et de la syphilis dans des populations à risque particulier, les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes.

On essaie d’ouvrir la vaccination contre le HPV aux personnes âgées et aux populations à risque car c’est une fenêtre d’opportunité. Il existe également une stratégie PrEP (prophylaxie préexposition) pour les infections sexuellement transmissibles au-delà du VIH.

Moins de 3 000 dermatologues sont en activité aujourd’hui, et 20 à 30% des professionnels partant à la retraite d’ici à 2030 ne seront pas remplacés, selon la Société française de dermatologie et de pathologie sexuellement transmissible. Celle-ci a publié cette année un livre blanc appelant notamment à renforcer la formation des médecins généralistes à la dermatologie courante. Quel pourrait être leur rôle ?

G. R. : Le médecin généraliste voit le patient et, quand il soupçonne une maladie grave, l’adresse au dermatologue. Il doit reconnaître les tumeurs bénignes pour lesquelles le traitement n’est pas urgent ni utile et n’est qu’une question de confort. Un tri des patients peut être réalisé via la télé-expertise.

Or, aujourd’hui, on assiste à des dérives : interprétation d’imagerie par l’intelligence artificielle en liaison directe avec un patient (via un smartphone) ou par un médecin non compétent pour cette analyse, ce qui entraîne des faux positifs et des faux négatifs. Les parcours doivent être structurés : en région, des équipes de soins spécialisés mettent en réseau les médecins généralistes et les médecins spécialistes, avec le soutien de l’agence régionale de santé.

M.-A. R. : Un adulte sur trois a besoin d’une consultation dermatologique tous les ans, et un motif de consultation du médecin généraliste sur quatre concerne aussi un problème dermatologique. Il faut former au bon usage. Le médecin généraliste doit orienter le bon patient vers le dermatologue pour des cancers cutanés, des maladies inflammatoires chroniques, des plaies chroniques complexes. Et non pour des problèmes tels que des lésions bénignes fréquentes, kératoses séborrhéiques... qu’il est capable d’identifier.

Le Dr Reuter déclare participer ou avoir participé à des interventions ponctuelles (Formation) pour Galderma et Bioderma.

La Pre Richard n’a pas transmis ses liens d’intérêt.

Références :

D’après les interviews de :

  • Pre Marie-Aleth Richard, chef du service de dermato-oncologie, dermatologie générale et vénéréologie à l’hôpital de la Timone (Marseille), ex-présidente de la Société française de dermatologie et de pathologie sexuellement transmissible (SFD), présidente élue de l’EADV pour 2026
  • Dr Georges Reuter, dermatologue-vénéréologue à Strasbourg, vice-président du Syndicat national des dermatologues-vénéréologues (SNDV)

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Claire FAUCHERY

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