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Acné : quelle place pour l’isotrétinoïne et la spironolactone ?

L’âge d’apparition des troubles fait distinguer plusieurs endotypes. En outre, la dysbiose et la colonisation par Staphylococcus aureus associées à la maladie concentrent un intérêt particulier.

04/12/2024 Par Caroline Guignot
EADV 2024 Dermatologie
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Les recommandations les plus récentes concernant la prise en charge de l’acné sont celles du National Institute for Health and Care Excellence (Nice) britannique, rédigées en 2021, et celles de l’American Association of Dermatology (AAD), parues cette année. Ces textes ont été fondés sur des méta-analyses en réseau, permettant de comparer indirectement les différentes options thérapeutiques entre elles sur le plan clinique mais aussi médico-économique. Ils apportent des éléments de preuve qui peuvent aujourd’hui aider à orienter le choix thérapeutique qui est édicté dans les recommandations plus anciennes, comme celles qui sont en vigueur en France et en Europe.

Ainsi, le Nice positionne trois associations topiques fixes préférentielles en première ligne de prise en charge : trétinoïne + clindamycine ou peroxyde de benzoyle + adapalène quelle que soit la sévérité de l’acné ; et peroxyde de benzoyle + clindamycine dans les formes légères à modérées. Dans les formes modérées à sévères d’acné, un antibiotique oral (lymécycline ou doxycycline) est associé à un traitement topique (peroxyde de benzoyle + adapalène ou acide azélaïque), pour une durée de 12 semaines, les antibiotiques ne devant être qu’exceptionnellement prescrits pour une durée supérieure à six mois, même si « cela peut engendrer des difficultés de prise en charge au-delà pour certains patients », a reconnu la Pre Alison Layton (York, Royaume-Uni). Les facteurs pronostiques de rechute doivent alors être recherchés afin de mieux ajuster la prise en charge (endocrinopathies, forme sévère, jeune âge, antécédents familiaux, acné prépubertaire, hyperséborrhée, déséquilibre hormonal, acné tronculaire, femmes de plus de 25 ans…).

 

Isotrétinoïne : la dose en question

Le Nice positionne l’isotrétinoïne orale comme option de deuxième ligne dans les formes sévères n’ayant pas répondu aux autres traitements. Il rappelle la nécessité d’une posologie initiale basse (0,3 à 0,5 mg/kg/j) afin d’éviter les phénomènes de poussée inaugurale ou d’acné fulminans, et souligne que la dose totale cumulée nécessaire à son efficacité et la limitation du risque de rechute est établie à 120 à 150 mg/kg, comme dans les recommandations françaises.

Le Dr Vincenzo Bettoli (Ferrara, Italie) a évoqué la pertinence des posologies encore plus faibles : « Débuter l’isotrétinoïne à plus faible dose, soit 0,1-0,2 mg/kg/j, pour atteindre ensuite la posologie maximale tolérée est une alternative possible, a-t-il commenté. Maintenir une dose faible d’environ 0,2 à 0,3 mg/kg/j permet aussi d’obtenir une excellente réponse dans plus de 80 % des cas dans l’acné modérée. Ces posologies réduites offrent de bons résultats cliniques sur douze mois, tout en minimisant les effets secondaires par rapport à une dose standard de 0,5 mg/kg/j. Reste que si les taux de guérison sont, à terme, comparables quelle que soit la posologie, les rechutes seraient plus fréquentes lorsque la posologie quotidienne était faible. » L’équilibre entre le bénéfice et la tolérance est donc à mesurer et à mettre en regard des risques de rechute.

Qu’en est-il de la dose totale cumulée ? La question de son intérêt n’est pas totalement tranchée. Elle est recommandée par le Nice mais a disparu dans les recommandations américaines. « Cette notion de dose totale cumulée est une position dépassée, qu’il faudra remplacer par une approche personnalisée, adaptée à la réponse et à la tolérance du patient », a insisté la Pre Alison Layton. Mais « si les données prouvant l’intérêt de cette dose sont peu nombreuses et assez anciennes, les études cliniques qui penchent en défaveur de cette approche ne sont, elles aussi, ni assez nombreuses ni de qualité méthodologique suffisante. Selon moi, il n’y a pas assez de données à ce stade pour dire que la dose cumulée est inefficace », lui a répondu le Dr Vincenzo Bettoli. Ce qui, malgré tout, ne devrait pas être un obstacle pour « repenser le sujet », a commenté sa contradictrice, en reconnaissant que les praticiens peuvent parfois se retrouver démunis face à des patients en rechute une fois la dose atteinte, car sans alternative efficace. « Je pense que nous devons adapter nos traitements à nos patients, en visant la disparition des lésions ; cela peut être facilité par la durée du traitement plutôt que par la dose cumulée. » Elle a rapporté les conclusions d’une récente revue de la littérature concluant à un risque moindre de rechute lorsque les doses cumulées sont élevées, mais au prix d’un risque d’événements indésirables supérieur. « Il faut se souvenir que de nombreux facteurs propres à la clinique et à la biodisponibilité vont aussi influencer l’efficacité de l’isotrétinoïne, a complété la spécialiste. L’étude clinique britannique Acne ID (Acne Isotretinoin Dosing), qui est en cours, nous permettra de mieux trancher la question. »

 

Spironolactone : une alternative ?

La spironolactone est parfois envisagée en tant que traitement hors AMM de l’acné des femmes adultes. Elle est même utilisée depuis plus de quarante ans dans cette indication aux États-Unis sans qu’elle n’en ait l’indication. Pourtant, la molécule aurait un réel intérêt : dans l’étude clinique française Fasce, publiée en début d’année (Dreno B. Acta Derm Venereol 2024), l’efficacité de l’antiminéralocorticoïde (150 mg/j) a été comparée à celle de la doxycycline (100 mg/j). La spironolactone offrait un succès thérapeutique, évalué à partir du score de sévérité Afast, qui lui était supérieure de 37 % à quatre mois de traitement et qui était 2,87 fois plus élevée à l’issue du sixième mois. La qualité de vie était également supérieure sous spironolactone. « Cette alternative est importante à l’heure où la cyprotérone a perdu son indication dans l’acné, a insisté la Pre Brigitte Dréno (CHU de Nantes, France). Elle peut aussi constituer une alternative à l’isotrétinoïne. » Une étude rétrospective durant quatre ans (Grandhi R. Dermatology 2017) avance, de son côté, une amélioration de l’acné chez 86 % des patientes traitées par spironolactone, avec une tolérance associée globalement satisfaisante aux doses utilisées, comprises entre 50 et 100 mg/j. Finalement, la spécialiste a rapporté plusieurs études parues cette année ayant statué sur les questions de tolérance, le plus souvent problématiques au-delà de 200 mg/j : la première suggère que « la surveillance de la kaliémie ne serait pas indispensable, hormis au cas par cas chez les patientes ayant des facteurs de risque associés, ce qui pourrait notamment être le cas des femmes de 45 à 65 ans ». Le risque thromboembolique n’est pas démontré et ne s’avère pas supérieur à celui décrit sous traitement par tétracycline. Par ailleurs, « aucun sur-risque de cancer gynécologique ou de cancer du sein n’est identifié, les femmes à faible risque de cancer traitées par spironolactone ne nécessitant pas de suivi gynécologique plus fréquent que les autres ». Enfin, le risque d’hypotension serait faible, 0,26 % des patientes sous spironolactone nécessitant une modification du traitement. « Si la mesure de la pression artérielle est préconisée lors de l’initiation thérapeutique, le suivi tensionnel n’est pas indispensable, et aucun paramètre (posologie quotidienne, âge, origine ethnique...) n’a été identifié comme facteur prédictif d’hypotension. »

In fine, Brigitte Dréno a insisté sur le fait que la spironolactone semble sûre, mais que certaines pourraient ne pas y répondre, d’où la nécessité d’identifier les facteurs prédictifs de réponse : « Ce sont plutôt les femmes adultes avec une acné mandibulaire, hyperséborrhéique, avec des lésions inflammatoires, des comédons fermés et des signes d’hyperandrogénisme périphériques, a-t-elle résumé. En revanche, les femmes à tendance dépressive, ayant une acné sur le tronc ou en échec d’un traitement par isotrétinoïne seraient de moins bonnes candidates. »

Références :

33e congrès de l’Académie européenne de dermatologie et de vénéréologie (EADV), Amsterdam, du 25 au 28 septembre 2024. D’après les communications des Pres Alison Layton (York, Royaume-Uni), Brigitte Dréno (CHU de Nantes) et du Dr Vincenzo Bettoli (Ferrara, Italie) au cours des sessions « Acné » et de la session « Controverses I ».

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