psilocybine

Psychédéliques et santé mentale : l'efficacité de la psilocybine confortée par une étude française

Les psychédéliques, nouvel horizon de la prise en charge de la dépression et des troubles addictifs ? Dans le cadre d'une étude récente publiée par une équipe nîmoise, la psilocybine a obtenu des résultats très prometteurs pour le sevrage alcoolique de patients souffrant de dépression. 

26/09/2025 Par Romain Loury
Psychiatrie Thérapeutique
psilocybine

Après de premiers résultats dès les années 1950, la recherche sur les psychédéliques a connu un coup d’arrêt dans la décennie 1970, suite à leur classement comme stupéfiants. Depuis une dizaine d’années, l’intérêt pour ces produits s’est ravivé. Parmi eux, la psilocybine, principe actif des champignons hallucinogènes, semble très efficace contre la dépression, et pourrait aussi l’être pour traiter les addictions.

C’est à la croisée de ces deux domaines que se situe l’étude publiée fin juillet par la Pre Amandine Luquiens, addictologue au CHU de Nîmes, et ses collègues(1). L’équipe s’est penchée sur les "pathologies duelles", combinant addictions et maladies psychiatriques - en l’occurrence troubles de l’usage d’alcool (TUA) et dépression. Chez ces patients, le sevrage permet certes d’atténuer la dépression, mais ses symptômes résiduels favorisent les échecs. "La dépression constitue un facteur de risque très important : à trois mois, deux tiers des patients rechutent", explique Amandine Luquiens.

Faute de solutions efficaces, les médecins se trouvent souvent démunis face à cette population. "Les études en addictologie incluent souvent les patients quel que soit leur profil. Or, c’est une population au profil très hétérogène, avec parfois de véritables comorbidités psychiatriques, mal prises en charge", ajoute l’addictologue. D’où l’intérêt supposé de la psilocybine, aux effets plus immédiats que les antidépresseurs et qui permettraient de soulager plus vite les symptômes dépressifs résiduels - donc d’améliorer les chances de sevrage.

Une prise sous surveillance

Avec ses collègues, Amandine Luquiens a étudié chez 30 patients récemment sevrés de l’alcool une "psychothérapie assistée par psilocybine". Outre l'accompagnement standard, les chercheurs ont administré le psychédélique à raison de deux séances espacées de trois semaines, sous la supervision d'un soignant. Avant l'efficacité, l’objectif de l’étude était de déterminer la faisabilité et la bonne tolérance de ce protocole.

Le jour précédant une prise, les participants suivaient une séance de préparation, les informant des possibles effets de cette molécule. "Les psychédéliques sont connus pour provoquer des hallucinations, mais ce n’est qu’une petite partie des effets. Beaucoup d’autres choses peuvent survenir : un sentiment d’unité avec son environnement, une sensation de sortie du corps, des souvenirs et des images qui peuvent déclencher des émotions assez intenses, positives ou négatives", indique Amandine Luquiens.

Malgré la survenue de ces effets bien identifiés, et un taux élevé de reconnaissance du groupe de traitement par les participants (inéluctable lors d’essais sur les psychédéliques), le schéma thérapeutique était bien toléré et faisable. Très préliminaires, les résultats d’efficacité sont favorables. Parmi les 20 patients sous psilocybine (deux prises de 25 mg espacées de trois semaines), le taux d’abstinence était de 55 % à 12 semaines, contre 11 % dans le groupe "placebo actif" (deux prises de 1 mg). Les chercheurs notent aussi une réduction plus importante du nombre de jours de consommation, ainsi qu’une diminution plus marquée de l’envie d’alcool.

D’autres travaux en vue

Selon Amandine Luquiens, "le niveau de preuve est faible, en raison du petit nombre de patients, mais les résultats vont dans le bon sens, et ils sont statistiquement significatifs".

Prochaine étape pour l’équipe, la conduite d’une étude d’effectif plus important, menée dans plusieurs centres - une demande de financement est en cours d’évaluation. Au-delà de l’étude nîmoise et de ses suites éventuelles, un essai international sur la psilocybine, comptant plusieurs sites français, est en cours contre la dépression résistante. Par ailleurs, une étude parisienne multicentrique devrait être prochainement lancée afin d’évaluer le LSD contre la dépendance sévère à l’alcool.

Si les psychédéliques sont classés comme stupéfiants, Amandine Luquiens indique ne pas avoir rencontré de difficulté majeure auprès de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). "Nous n’avons pas les mêmes signaux sanitaires [qu’avec le cannabis à visée médicale], d’autant qu’il n’y a pas de risque addictif avec les psychédéliques. La problématique est très différente, ce qui peut expliquer pourquoi ces substances rencontrent moins d’opposition".

Plusieurs pays ont déjà autorisé l’usage médical de certains psychédéliques (psilocybine, LSD, champignons hallucinogènes, etc.), dont l’Australie, la Nouvelle-Zélande, la Suisse et plusieurs Etats américains. Dans l’Union européenne, la République tchèque et l’Allemagne s’apprêtent à en faire autant. Selon Amandine Luquiens, "les législations sont en train de bouger au niveau européen, et la situation française pourrait aussi évoluer à l’avenir".

  1. Luquiens A et al., Addiction, 24 juillet 2025

Comptez vous fermer vos cabinets entre le 5 et le 15 janvier?

Claire FAUCHERY

Claire FAUCHERY

Oui

Oui et il nous faut un mouvement fort, restons unis pour l'avenir de la profession, le devenir des plus jeunes qui ne s'installero... Lire plus

1 débatteur en ligne1 en ligne
 
Vignette
Vignette

La sélection de la rédaction

Pédiatrie
Moins de médecins, moins de moyens, mais toujours plus de besoins : le cri d'alerte des professionnels de la...
06/11/2025
14
Concours pluripro
CPTS
Les CPTS renommées "communauté France santé" : Stéphanie Rist explique l'enjeu
07/11/2025
12
Podcast Histoire
"Elle était disposée à marcher sur le corps de ceux qui auraient voulu lui barrer la route" : le combat de la...
20/10/2025
0
Portrait Portrait
"La médecine, ça a été mon étoile du berger" : violentée par son père, la Pre Céline Gréco se bat pour les...
03/10/2025
6
Reportage Hôpital
"A l'hôpital, on n'a plus de lieux fédérateurs" : à Paris, une soirée pour renouer avec l'esprit de la salle...
14/10/2025
8
La Revue du Praticien
Diabétologie
HbA1c : attention aux pièges !
06/12/2024
2