"On n’arrivera pas à faire quelque chose d’aussi compliqué" : l'accueil des docteurs juniors en centre de santé reste encore flou
Comment accueillir les futurs docteurs juniors dans les centres de santé ? Au 64e Congrès national des centres de santé, l'Isnar-IMG a insisté sur l’accompagnement et la qualité de cet accueil, alors que des questions persistent dans la mise en place de cette réforme. Et la complexité du sujet risque de décourager les bonnes intentions des équipes salariées, craignent les acteurs de terrain.
Article initialement publié sur concourspluripro
"On est à six mois de l’arrivée des docteurs juniors sur leur lieux de stage et on n’a toujours aucune information", s’indigne Atika Bokhari, présidente de l’Isnar-IMG. Le 9 octobre, lors d’une table ronde sur l’accueil des internes organisée dans le cadre du 64e Congrès national des centres de santés, étudiants, médecins mais aussi agents de la DGOS et de la CPAM se sont exprimés sur le sujet. Au vu de la salle comble et des nombreuses questions qui ont émergé, ils étaient nombreux à attendre des précisions pour cette réforme qui doit être mise en œuvre en 2026.
Notamment sur besoin d’encadrement lors de l’internat, sur lequel a beaucoup insisté Atika Bokhari, seule représentante des étudiants présente à la table ronde. "L’intérêt de ce stage n’existe que s’il y a un réel engagement pédagogique du tuteur", a souligné la présidente de l'Isnar-IMG qui propose un ratio maximum de deux internes par maître de stage des universités (MSU). Mais aussi exige la présence du tuteur dans les locaux où se déroule l’internat. "C’est absolument non négociable, poursuit Atika Bokhari. Sinon, la réforme n’a aucun intérêt et c’est de l’exploitation."
Si Julie Chastang, médecin généraliste au CMS de Fontenay-sous-Bois (94) et maîtresse de conférences à Sorbonne Université, partage la vigilance sur l’isolement des internes, "quid des périodes d’absence du tuteur" alors que le docteur junior pourrait justement permettre une continuité de soin lors des congés par exemple. D’autant que les internes ont intérêt à évoluer dans une équipe pluriprofessionnelle, composés d’autres professions de soignants, comme c’est le cas en centre de santé. "L’agrément du centre comme lieu de stage permettra aux professionnels, en plus du médecin tuteur, d’avoir un rôle d’encadrant. Nous avons besoin davantage de souplesse dans notre cadre où le travail et très collectifs.", précise-t-elle.
D’autant que la réforme créant la 4e année d’internat de médecine générale est née du constat que, durant l’internat, les futurs médecins généraux étaient peu exposés aux suivis au long cours et aux pathologies chroniques, rappelle Olivier Saint-Lary, président du Collège national des généralistes enseignants (CNGE). D’où l’intérêt de la reconnaissance des centres de santé comme lieu de stage, depuis le décret publié en septembre dernier. "Sans compter que cette réforme a un impact sur l’accès aux soins, précise-t-il. Car l’internat vise à accompagner le docteur junior dans sa pratique et son installation. C’est d’ailleurs la seule réforme non coercitive possible en ce sens."
Les textes publiés à la fin de l’été précisant les rémunérations des docteurs juniors et des maîtres de stage universitaire vont en ce sens. "Le docteur junior aura une rémunération identique à celle des internes des autres spécialités, à savoir 2.792 euros bruts, à laquelle s’ajoutera deux primes, détaille Julie Pougheon, cheffe de service et adjointe de la directrice à la DGOS. Une première prime semestrielle de 500 euros si l’interne effectue en moyenne 200 actes ou consultations par mois durant le semestre. Et une seconde, à hauteur de 1000 euros brut mensuels pour ceux qui exercent en milieu d’intervention prioritaire." Les maîtres de stage, eux, toucheront 600 euros d’honoraires pédagogiques et une indemnité de compensation des charges liées à l’encadrement (1.200 euros). Là encore, une prime de 800 euros est dédiée aux professionnels qui exercent en zones sous dotées.
Entre contraintes et complexités
Cependant, des interrogations demeurent dans le circuit de rémunération qui apparaît complexe, souligne Julie Pougheon. "Le schéma retenu est issu des contraintes de chaque acteur mais aussi du principe d’égalité entre patient qui implique que celui-ci paie sa consultation de la même manière, qu’il ait eu un médecin senior ou un docteur junior en face de lui." Or, la difficulté de ce schéma tient au fait que celui-ci s’inscrit dans une dualité entre rémunération fixe et activité variable, explique Emmanuel Frère-Lecoutre, directeur de l’offre de soins à la Cnam. "Les docteurs juniors seront rémunérés le même montant tous les mois, mais il est important qu’ils puissent exercer ces actes de facturation. Autrement dit, ces facturations ne doivent pas donner lieu à des financements complémentaires, ce qui implique de neutraliser les montants. Et là-dessus, on ne peut pas avoir le même modèle pour les centres de santé que pour l’exercice libéral. En libéral, la facturation est faite par le médecin, donc on pourra neutraliser celle des docteurs juniors. Mais en centre de santé, il n’y a qu’une seule facturation : celle du centre. On ne peut pas neutraliser la facturation de tel ou tel soignant,. Il faudra donc qu’on récupère cette facturation sur flux après, dans un circuit qui devra être transparents pour tous, notamment pour les centres de santé."
Du côté des centres de santé, Philippe Pichon, médecin coordinateur des centres de santé (CDS) participatifs Agecsa à Grenoble, a pointé la complexité du système décrit. "Je sais bien qu’il y a des contraintes administratives fortes mais là, on se dit que l’on n’arrivera pas à faire quelque chose d’aussi compliqué..." Des simplifications et des réponses pour accueillir les docteurs juniors en centre de santé, c'est ce que demandent les professionnels. "Un terrain de soin ô combien intéressant et que l’on a envie de partager avec les internes", insiste Philippe Pichon.
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