Concept d'inégalités

"Je suis condamné à travailler quatre fois plus que celui qui était censé être mon égal" : les rêves brisés de la réforme de la Paces

Futur incertain, inégalités persistantes, risques psycho-sociaux majorés… Quatre ans après sa mise en place, la réforme de la Pass/LAS ne semble pas avoir mis fin au "gâchis humain" de la Paces, d'après les résultats d'une enquête menée auprès de 13 000 étudiants, par la Fage et les fédérations santé*. Alors que certaines filières peinent à faire le plein, plus de 4 étudiants sur 10 confient avoir eu envie de tout arrêter en cours d'année.

29/04/2024 Par Aveline Marques
PASS/LAS
Concept d'inégalités

En février dernier, un rapport de la Fage et des fédérations représentant les étudiants de médecine, maïeutique, odontologie, pharmacie et kiné (MMPOK) avait permis de dresser "un premier constat d'échec" de la réforme de la Paces, mise en place à la rentrée 2020. Un diagnostic désormais objectivé par les résultats d'une enquête qui a permis de recueillir le ressenti et les témoignages de plus de 13 000 étudiants ayant vécu au moins une année de Pass** ou de LAS***, les deux "voies d'entrée" des études de MMOPK. 

Alors que la réforme avait notamment pour objectif de réduire les risques psycho-sociaux de la course aux études de médecine en remplaçant le numerus clausus par un numerus apertus et en ouvrant des perspectives en cas d'échec, 81% des étudiants qui se sont exprimés ont déclaré qu'ils étaient "plus stressés" depuis leur entrée en Pass/LAS ; 43% d'entre eux ressentent même "un stress intense" plusieurs fois par jour. "Je n'ai jamais été aussi mal dans ma vie, confie un étudiant qui a enchainé une première année de Pass avec une LAS 2 de droit à Bordeaux. Je suis réellement traumatisé de ces études que je trouvais passionnantes. Je cumule les crises d'angoisses (plusieurs fois par jour), je n'ai plus aucune confiance en moi, je suis très faible psychologiquement." "Enormément d'étudiants souffrent réellement jusqu'à parfois avoir des pensées suicidaires", alerte un autre étudiant de LAS. Autre chiffre qui interpelle : 42% des étudiants de Pass/LAS interrogés ont envie d'arrêter en cours d'année…

La LAS, conçue tout à la fois pour diversifier les parcours et les profils en santé, offrir une deuxième chance d'entrer en médecine et faciliter une réorientation en cas d'échec, reste "un choix par dépit", tandis que la Pass, que les fédérations étudiantes qualifient de "reliquat de la Paces", reste souvent aux yeux des lycéens et de leurs parents "la voie royale". Les étudiants admis en 2e année de santé sont 43% à pointer une "différence de niveau" entre ceux venus de Pass et ceux issus de LAS, du fait d'un volume d'enseignements en santé très inégal. Les étudiants de LAS semblent être d'ailleurs perdants sur tous les plans… "On a la même charge qu'un élève standard qui fait juste sa licence, sauf que l'on a toute la LAS à côté à travailler, en plus d'apprendre tous les cours de majeure", pointe un étudiant en LAS 1 à Montpellier.

"Faites en sorte que des élèves qui rentrent à la fac pour réaliser leur rêve n'aient pas envie de tout arrêter en décembre"

Le sentiment d'une inégalité des chances est encore majoré par le recours de certains étudiants aux prépas privées, dont le coût moyen dépasse les 5000 euros en Pass. "Je n'ai ni les moyens de me loger près de la faculté ni de me payer une prépa par rapport aux étudiants de bonne famille, déplore un étudiant de LAS 2 à Paris-Saclay. Je suis donc forcé à être enfermé chez moi du matin au soir à réviser et entendre des gens m'expliquer que celui qui sera pris sera le plus méritant. Pour réussir je suis condamné à travailler 4 fois plus que celui qui était censé être mon égal."

"Régulation" des prépas

Appelant à corriger le tir de la réforme sans plus tarder, la Fage et les fédérations d'étudiants en santé qu'elle réunit plaident pour la mise en place d'une "voie unique d'entrée" dans les études MMOP - mais aussi de kinésithérapie. Dans cette licence "harmonisée sur l'ensemble du territoire", les étudiants débuteraient avec un fort tronc commun en santé avant de se réorienter progressivement vers la spécialité choisie ; deux chances d'accès en MMOPK seraient offertes aux étudiants. 

En attendant, les organisations étudiantes demandent un meilleur accompagnement sur la mineure santé de LAS, avec le développement d'enseignements dirigés. Elles réclament, enfin, des "actes forts et urgents" de "régulation" des prépas privées. 

"Beaucoup de choses sont à revoir, résume un étudiant en LAS 2 langues à Poitiers. Mais s'il vous plaît, faites en sorte que des élèves de 18 ans qui rentrent à la fac pour réaliser leur rêve n'aient pas envie de tout arrêter en décembre."

 

 

*Anemf (médecine), Anepf (pharmacie), Anesf (sages-femmes), Fnek (kiné) et UNECD (dentaire). 

**Parcours accès spécifique santé, où la santé représente la majorité des enseignements.

***Licence accès santé, qui se compose d'une licence majeure disciplinaire accompagnée d'une minorité d'enseignements santé.

 

Repères

A la rentrée 2022, derniers chiffres disponibles, la voie LAS représentait un quart des effectifs des 20.200 étudiants en deuxième année de médecine, maïeutique, odontologie, pharmacie, kinésithérapie, contre 50% pour la voie Pass.

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Claire FAUCHERY

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7 débatteurs en ligne7 en ligne
Photo de profil de Yael Houdiard-Pétillon
90 points
Autre spécialité médicale
il y a 2 ans
Je suis en P2 après une LAS1 psychologie. J'ai regretté de ne pas avoir choisi PASS au bout d'une semaine. J'ai pu accéder aux études de médecine, et j'ai charbonné tout l'été pour commencer à combler mes lacunes, donc la deuxième année s'est bien passée pour moi, mais j'ai pu constater l'ampleur du fossé entre les personnes issues des deux parcours. Quant aux prépas privées, leur existence est tout simplement inadmissible et accentue encore les disparités en y ajoutant une dimension socio-économique. Tout ce système est à repenser !
Photo de profil de Anne S
446 points
Incontournable
il y a 2 ans
Trois longues années que le collectif national Pass-Las dénonce l'absurdité totale de cette réforme qui provoque un taux d'abandon jamais atteint et l'exil de centaines d'excellents étudiants chaque année vers nos pays voisins ! Un gâchis monumental... C'est comme "jouer avec l'eau" en pleine sécheresse ! C'est irresponsable !
Photo de profil de SOPHIE SUGIER
6,4 k points
Débatteur Passionné
Médecins (CNOM)
il y a 2 ans
Macron a un gros défaut , que bien des personnes politiques pures ont , ils ne se remettent jamais en cause/en question leurs decisiobs au fur et à mesure .les aides financières auraient durée que 1 an , les tests gratuits a 100%comme la vaccination (injection et vaccin) aussi et , on n aurait donc pas 5 milliards a récupérer ,’quoi qu'il en coute. Cette reforme estnon seulement injuste pour tous les élèves aspirants mais aussi montre une inégalité entre faculté .pourquoi avoir reunit des professions qui certes concernent la santé mais sont aussi différente qu'un mecano auto et un coureur auto de f1. Oui en médecine , il faut apprendre beaucoup, savoit travailler sur de longues heures, savoir avaler et utilliser tous ses savoirs , et avoir la compréhension en 3d , et du vivant . 6 ans +2ns d apprentissage pour mg , 3 ans pour les autres spé . Le reste des années ne sert qu'à occuper les chu et chr.c est la realité , entrée en medecin ,c est comme rentrer dans les ordres. Ce que les jeunes générations ont de plus enplusde mal a construire , et ces modifications ont augmentés la compréhension du sacrifice .
 
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