Trop rentable, la biologie ? La profession appelle à ne pas "sacrifier" le secteur pour des "économies de court terme"
Pointant la rentabilité "particulièrement élevée" de la biologie médicale, l'Igas/IGF identifient dans un rapport "plusieurs leviers visant à ramener la rémunération du secteur" au "juste prix" et pour dégager 800 millions d'euros d'économies. Dans un communiqué commun, les représentants de la profession sonnent l'alerte contre "une folie d'Etat" et un "acte suicidaire".
Pour les quatre syndicats représentant les biologistes médicaux*, le rapport publié le 16 juillet dernier "ne laisse aucune place au doute" : l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) "poursuit l'objectif d'affaiblir, voire de démanteler un pilier du système de santé", redoutent-ils, dans un communiqué commun diffusé lundi 21 juillet.
Dans ce rapport de 77 pages élaboré suite à la saisine, en juillet 2024, des ministres de la Santé et des Comptes publics, l'Igas et l'IGF (Inspection générale des finances) n'y vont pas de main morte. Malgré une baisse des prix de 15 à 20% ces dix dernières années, le secteur de la biologie médicale conserve "une rentabilité opérationnelle particulièrement élevée", avec un ratio flux de trésorerie disponible avant impôts/chiffres d'affaires de 13.9% en 2023, "7 points au-dessus des ratios de l'ensemble des secteurs 'santé humaine', relèvent-ils. La mission recommande ainsi de troquer les accords "prix-volumes" -qui, depuis 2014, ont permis de contenir les dépenses à +1.1% par an en moyenne - à une "régulation" visant à "ramener la biologie à son juste prix", en faisant "converger" sa rentabilité vers la moyenne du secteur de la santé.
Prescription renforcée et remboursement conditionnel
Outre des baisses de prix, l'Igas et l'IGF proposent plusieurs évolutions réglementaires qui pourront se traduire par la fermeture de "sites excédentaires en zones surdotées" et par une "concentration des plateaux techniques", mais avec des obligations de résultats sur les délais de rendu. Anticipant la levée de bouclier de la profession, la mission souligne que "moins de 1% des sites de biologie constituent des sites fragiles isolés, c'est-à-dire sans alternative sur la même commune ou une commune limitrophe". "En cas de fortes baisses de tarifs, la mission recommande de mettre en place un dispositif financier spécifique pour ces sites, comme pour les officines en territoire fragile", développe le rapport.
L'Igas/IGF suggèrent également de mettre en place "une prescription renforcée sur des examens connus pour l'importance du mésusage (dosage de la vitamine D, dosage de ferritine, hémoglobine glyquée pour les personnes qui ne sont pas sous traitement antidiabétique, vitesse de sédimentation, dosage TSH+T4) et "des examens connus pour l’importance des redondances : temps de Quick sans traitement par antivitamine K, dosage de glucosurie, folates érythrocytaires, détermination du groupe sanguin". A charge pour le prescripteur d'attester que l'examen prescrit "l'est bien dans le cadre des indications recommandées".
D'autres mécanismes de "maîtrise médicalisée contraignants" sont envisagés, tel le "remboursement conditionnel", qui consiste à "conditionner le remboursement d'un examen au résultat d'un précédent examen".
Ces mesures permettraient selon la mission de dégager un "potentiel d'économie de court terme" de 150 millions d'euros, et de 650 millions d'euros à moyen terme.
Les revenus des biologistes ont déjà chuté de 30% entre 2010 et 2013
"Faut-il sacrifier la biologie médicale pour des économies de court terme ?", s'insurgent les syndicats de biologistes, qui qualifient ces mesures de "bombe à retardement". Ils alertent contre "plusieurs menaces majeures pour notre pays" : "démantèlement du maillage territorial" et menace sur les laboratoires de proximité, "allongement des délais de rendu", "sous-investissement chronique" et "retard irréversible" de la France en matière de recherche et d'innovation.
"Ce rapport multiplie les contresens, assènent les syndicats. Il attribue aux biologistes médicaux en ville et à l’hôpital la responsabilité d’enjeux systémiques – incapacité à faire de la prévention, à maîtriser le volume des actes, à innover – alors qu’ils ne sont pas décideurs." Au contraire, soulignent-ils, "les biologistes médicaux ont déjà consenti des sacrifices uniques dans le système de santé" : leurs revenus ont chuté de 30% entre 2010 et 2023, reconnaît d'ailleurs la mission. "De plus, les dépenses de biologie sont maîtrisées depuis plus d’une décennie, ce qui en fait une exception."
"Ce rapport entérine une stratégie incompréhensible : continuer à fragiliser une profession pourtant modernisée, efficiente, hautement qualifiée et solidement implantée sur l’ensemble du territoire", met en garde la profession, qui n'hésite pas à parler de "folie d'Etat". "Détruire tout un secteur pour obtenir des économies purement conjoncturelles est irresponsable : c’est un acte suicidaire pour l’avenir d’un système de santé déjà fragilisé. Les économies immédiates réalisées seront bien inférieures au coût humain et financier du recul de la qualité des soins, des retards de diagnostic ou de la perte de souveraineté."
*SNMB, Les Biomed, SDBIO et SLBC
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