Dr Franck Le Gall

Dr Franck Le Gall (crédit : FFF)

Rencontre avec le médecin de l'équipe de France de foot : "L’arbitre essaie toujours de nous presser mais il faut prendre le temps"

À quelques mètres du terrain, il veille sur les joueurs. Prêt à bondir au moindre coup de sifflet de l’arbitre. Médecin du sport, le Dr Franck Le Gall a une mission claire depuis 13 ans : prendre soin de la santé des joueurs de l’équipe de France de football.

03/09/2025 Par Anaïs Bocher
Portrait Médecine du sport
Dr Franck Le Gall

Dr Franck Le Gall (crédit : FFF)

"Le cabinet du Dr Le Gall ? Je crois que c’est en haut ! C’est bien le médecin qui s’occupe du sport que vous cherchez ?" Dans les dédales de couloirs, les questions s’enchaînent pour trouver la bonne porte. Pourtant, il suffit de suivre les sportifs amateurs qui y défilent, en béquille ou en boitillant. De tous âges, ils sont nombreux à franchir la porte du cabinet du praticien pour lui confier leurs maux… Et commenter les dernières performances des joueurs de l’équipe de France de football. 

Car en plus de sa casquette de médecin libéral, le Dr Franck Le Gall veille sur la santé des sportifs. "Je suis tombé dans la marmite quand j’étais petit", sourit-il. Fils du footballeur Alphonse Le Gall, le futur médecin baigne depuis sa naissance dans un univers sportif. Grand adepte du ballon rond, il croise le chemin de nombreux sportifs qui défilent dans le cabinet de son père devenu kinésithérapeute après sa carrière sportive. A 18 ans, après une année en Maths Sup, il décide de réorienter le cap. Direction la faculté de médecine avec un objectif clair : "Je voulais devenir médecin d’un club de foot", confie-t-il. Début 1993, un poste se libère au centre sportif de Clairefontaine. Fraîchement diplômé, il intègre la structure et y reste 15 ans.

Une première étape au centre sportif de Clairefontaine

"Le centre de Clairefontaine avait ouvert en 1988 et si les infrastructures étaient déjà construites, il fallait agencer tout le fonctionnement médical. Cela nous a pris environ 7 ans", indique le Dr Le Gall. Accompagné d’un kinésithérapeute et d’un infirmier, il s’occupe d’environ 70 jeunes joueurs de football dont l’âge varie entre 13 et 16 ans. Ses missions sont multiples : bilans complets à leur arrivée (tests physiologiques, bilans de force musculaire, tests podologiques, test d’endurance, examens cardiologiques…). Il traite également les blessures courantes qui surviennent pendant les matchs comme les entorses de cheville ou de genoux.

En 2008, sous l’impulsion de Rudi Garcia, entraîneur au LOSC, il rejoint le club de foot lillois où il suit des footballeurs professionnels pendant huit ans et demi. Mais quatre ans plus tard, il reçoit une proposition unique… "Didier Deschamps est devenu entraîneur de l’équipe de France secondé par Guy Stephan et m’a demandé de rejoindre l’équipe médicale", explique le praticien. Une proposition qu’il ne tarde pas à accepter malgré la charge de travail supplémentaire. "C’était une expérience passionnante mais très intense. Après Lille, je suis descendu à Marseille pour intégrer l’OM. J’ai alterné entre ces deux casquettes jusqu’en 2019. Aujourd’hui, j’accompagne l’équipe de France tout exerçant une activité libérale. Un rythme qui me convient bien."

"Dans le calendrier de l’équipe de France, il faut compter 55 jours dans une année où les joueurs ne préparent ni un championnat d’Europe ni la Coupe du monde, explique le médecin. Mais les entraînements sont multipliés par deux lorsqu’une grosse compétition est en vue comme la Coupe du monde ou l’Euro." Avec les matchs de préqualification contre l’Ukraine et l’Islande prévus en septembre pour la Coupe du monde 2026, l’année promet déjà d’être intense. Mais rien d’inquiétant pour le praticien aguerri qui a organisé rigoureusement son planning pour organiser ses deux activités. 

"Cela m’a fait du bien de retrouver une activité libérale, sourit le médecin du sport, qui consulte à Nîmes et à Marseille. Un patient sur deux, c’est un sportif pur, 30%, représentent les sportifs amateurs qui ont un problème ostéo-articulaire et le reste, ceux sont des personnes âgées qui ont mal aux chevilles ou aux genoux. Dans une même journée, je peux voir 30 pathologies potentielles avec une vingtaine de patients… Soit près de 150 cas cliniques par semaine. Alors qu’en sélection ou en club, il y a une centaine de cas cliniques par saison. " Un rapport au soin qui varie avec ces patients en cabinet : "C’est la différence avec le libéral et la sélection, raconte le Dr Le Gall. Au cabinet, je fais un diagnostic, donne une conduite à tenir et souvent, je ne revois plus le patient. Alors qu’en sélection, ce qui est intéressant, c’est qu’on a une pathologie à J0 qu’on suit jusqu’à la guérison et on fait le maximum pour que le joueur se rétablisse le plus vite possible ."

Et entre deux consultations au cabinet, le praticien organise déjà sa deuxième activité. "Mon travail de médecin de la FFF démarre quinze jours avant le rassemblement des joueurs pour les stages d’entraînement, révèle le Dr Le Gall. Chacun évoluant à l’année dans un club différent, je prends contact avec le sélectionneur et le médecin du club pour faire un point sur les blessés potentiels, il y a toujours quatre ou cinq footballeurs qui ne sont pas inscrits sur les feuilles de match. Je note la pathologie, le traitement mis en place et l’état global du sportif. " En cette fin d’année, les joueurs se retrouvent chaque mois à Clairefontaine pour s’entraîner pendant une dizaine de jours à l’exception du mois de décembre. Un rythme qui pourrait s’intensifier début 2026. À leur arrivée, des joueurs à Clairefontaine, le médecin rencontre un par un pour évaluer les blessures et les douleurs. "Le lundi, c’est la journée où je travaille le plus", plaisante-t-il. L’idée, c’est que je sache le soir si tous sont aptes à jouer et si je dois en déclarer certains forfaits. Une fois le stage démarré, je n’interviens qu’en cas de nouvelle blessure."

Dans ce cas de figure, les décisions sur l’avenir du joueur s’effectuent de manière collégiale, en collaboration avec les kinésithérapeutes, le médecin, l’entraîneur et son adjoint. "Sur certaines pathologies lourdes comme une rupture des ligaments croisés ou des entorses de cheville, la décision d’arrêter le joueur est prise assez rapidement mais certains cas sont plus compliqués, observe le Dr Le Gall. Je les appelle les cas borderlines. Comme ce footballeur qui s’est déchiré l’ischio-jambier 15 jours avant un match. On a un premier match de compétition dans 5 jours. Et on sait qu’il sera prêt dans 3-4 jours. Blessé dans une équipe qui prépare une compétition… Est-ce qu’on le garde ?"

 Les décisions sont difficiles à prendre et peuvent avoir des conséquences importantes sur la carrière des joueurs

Si le joueur peut décider de s’arrêter, c’est le sélectionneur de l’équipe, Didier Deschamps, qui a le dernier mot sur sa présence sur le terrain. "Ces décisions ne sont jamais prises de manière unilatérale, indique Guy Stéphan, adjoint du sélectionneur. Avant tout, Didier prend le temps d’écouter l’avis médical de Franck. Ce dernier lui donne le pourcentage de risque que prend le sportif et ils en discutent ensemble. C’est très important qu’il puisse s’appuyer sur quelqu’un d’humain avec de solides compétences car les décisions sont difficiles à prendre et peuvent avoir des conséquences importantes sur la carrière des joueurs."

Une fois l’équipe de 25 footballeurs sélectionnés pour les Coupes du monde, l’ensemble de l’équipe médicale composée du Dr Le Gall, 4 kinésithérapeutes et un ostéopathe doit rester vigilante… "Je n’ai jamais eu autant de blessés potentiels qu’avant la Coupe du monde du Qatar en 2022, se rappelle le Dr Le Gall. Et on ne peut pas emmener l’équipe avec 5 blessés potentiels, il faut faire des choix. Un ancien joueur m’a confié qu’il avait été écarté d’une Coupe du monde. C’était il y a plus de 40 ans et il n’a toujours pas digéré cette décision. Pour un sportif de haut-niveau, cela peut être un traumatisme à vie." Face à ces lourdes décisions, l’équipe médicale sait qu’elle peut s’appuyer sur le praticien. "Quand les choses se gâtent, il gère très bien, confie Guillaume Vassout, kinésithérapeute dans l’équipe de France. Il reste calme et concentré quel que soit le contexte. Il nous fait confiance et écoute nos observations avant de prendre une décision. Et une fois prise, il l’assume pleinement quelles qu'en soient les conséquences ."

Une fois sur le terrain des différents championnats, son rôle est plus discret. Mais au moindre appel des joueurs sur le terrain, il accourt. Avec une prise de décision qui doit être extrêmement rapide. "L’arbitre essaie toujours de nous presser mais il faut prendre le temps, explique le praticien. C’est impossible d’avoir un diagnostic précis sauf dans certaines situations comme une fracture de jambe avec déformation. On va se baser sur la connaissance du joueur sur son corps, ses symptômes actuels et le déroulement de l’action." Son diagnostic fait, il doit très rapidement le transmettre à l’entraîneur. "S’il y a un remplacement à faire, il faut que le footballeur ait le temps de s’échauffer pour éviter que l’équipe joue à 10 au lieu de 11."

Des saisons chargées

Hors du terrain, le médecin gère la santé globale des sportifs. Alimentation, soins personnalisés pour chaque joueur, prévention… Mais il botte en touche quand on lui parle de santé mentale. "Il y a très peu de suivi psychologique dans le monde du football, admet-il. Il y en a parfois dans les centres de formation auprès des jeunes, mais très rarement en clubs professionnels. C’est peut-être une erreur mais c’est ainsi. Sur un cas précis, un footballeur peut avoir besoin de parler d’une situation compliquée mais dans 98% des cas, ils gèrent eux-mêmes leurs émotions. Le mental fait partie des critères de sélection et peut faire la différence entre réussir au plus haut niveau ou non."

Pourtant, face à la fatigue de certains joueurs qui protestent face au nombre important de matchs, comme Jules Koundé en mars dernier, le médecin les soutient. "Certains peuvent jouer jusqu’à 65 matchs par saison. C’est un des gros problèmes de cette saison mais nous n’avons pas de marge de manœuvre sur le calendrier, indique le médecin. On peut faire remonter l’information mais ni la FIFA, ni l’UEFA, ni les clubs n’y portent beaucoup d’intérêt. Ce qui met le bazar, c’est ce nouveau championnat : la Coupe du monde des clubs qui occupe les sportifs alors qu’ils devraient être en vacances et se reposer." La solution temporaire qu’il a trouvée ? Quand ils arrivent en stage, ils peuvent avoir deux jours de repos pour récupérer. "Ça ne peut pas changer sauf si les joueurs décident de faire grève, affirme le médecin. Pour leur santé, ce serait bien qu’ils le fassent mais certains sont capables de jouer autant de matchs."

Pourtant, ce n’est pas cette année que les joueurs pourront se reposer. Si la France est qualifiée pour la Coupe du Monde 2026, les entraînements vont redoubler pour espérer remporter à nouveau le trophée. Ils pourront compter sur la présence indéfectible de leur médecin même si Franck Le Gall le rappelle, "c’est avant tout, un travail d’équipe".

Crédit photos : FFF

Didier Deschamps et la Dr Franck Le Gall
Dr Franck Le Gall
Dr Franck Le Gall
Dr Didier Le Gall

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