doigt

Primes "irrégulières" : les médecins de l'hôpital de Château-Thierry dénoncent une "campagne de dénigrement"

Dans un rapport publié en septembre, la chambre régionale des comptes des Hauts-de-France pointait "des compléments irréguliers de rémunération versés à des médecins" de l'hôpital de Château-Thierry, à hauteur de 4,5 millions d'euros entre 2019 et 2024. Des primes qui "ont pesé dans le déficit" du CH. Les praticiens de l'établissement disent subir "une campagne de dénigrement".

08/10/2025 Par Louise Claereboudt
Hôpital
doigt

"Ce rapport incomplet, à la méthodologie contestable, est devenu une arme de suspicion utilisée contre les praticiens", dénonce, par voie de communiqué, un collectif d'une trentaine de médecins du centre hospitalier (CH) de Château-Thierry, dans l'Aisne. L'objet de leur colère ? Le rapport de la chambre régionale des comptes des Hauts-de-France, publié le 8 septembre dernier, qui attribue la mauvaise santé financière de l'établissement, entre autres, aux "compléments irréguliers de rémunération versés à des médecins".

"Sur la période de 2019 à 2024, la direction a identifié 38 situations individuelles pour lesquelles des éléments de rémunération ont été versés sans respecter le cadre juridique, pointe le rapport. En y intégrant les dépassements des plafonds réglementaires des vacataires, la charge résultant de ces anomalies a été de 4,5 millions d'euros en montant brut de rémunérations […], dans un contexte de déficit récurrent du budget de l’hôpital." Et d'ajouter : "Certaines situations ont été régularisées, et d'autres perdurent".

Un recours aux intérimaires non pris en compte

"Sur les 4,5 millions d'euros évoqués par la chambre régionale des comptes, plus de 70 % concernent le recours aux vacataires, pratique généralisée et tolérée dans les hôpitaux avant l'application de la loi Rist. Ces choix relevaient des directions hospitalières dans un contexte de pénurie médicale, pour garantir la continuité des soins", tiennent à rappeler les médecins du collectif, qui disent subir, depuis la parution du rapport, une "campagne de dénigrement qui fragilise le service public et dégrade dramatiquement leurs conditions de travail, suscitant un profond désarroi et un sentiment d'injustice partagé".

Ils ajoutent : "Parler d''irrégularités' entretient une confusion : il s'agissait d'un système ancien aujourd'hui réformé depuis l'application de la loi Rist, dont les médecins ne sont pas responsables."

Depuis, indique la presse régionale, la direction demanderait le remboursement, par certains médecins, de sommes "indûment perçues" de juillet 2023 à aujourd'hui. Un montant qui s'élèverait au total à 170 000 euros selon le collectif, 190 000 selon le directeur délégué de l'hôpital, Cyril Marais. "Or, dans de nombreux cas, ces versements ont été initiés ou validés par la direction pour assurer la continuité des soins, rémunérer des missions supplémentaires ou du temps de travail additionnel", se défend le collectif de médecins du CH, qui pointe la responsabilité de l'ancienne direction.

"Tous les médecins ont des contrats ou des conventions signées par le directeur général de l'établissement de l'époque. Il n'y a absolument rien fait en dessous de la table", souligne le Dr Khayat, président de la commission médicale d'établissement de l'hôpital, dans les colonnes de L'Aisne nouvelle. "Ces procédures risquent surtout d'avoir un coût social non négligeable, en déstabilisant des équipes médicales, déjà fragilisées par un climat de tensions avec les différentes directions, sans compter l'alourdissement des coûts juridiques et administratifs", prévient le collectif, citant en exemple la récente démission de deux praticiens.

Le collectif de médecins dénonce par ailleurs le fait qu'"aucune procédure contradictoire" n'ait été mise en place, et que les observations s'appuient sur les seuls "éléments transmis par l'administration". "La direction ne nous a jamais mis au courant, ni de rapport intermédiaire que l'on pouvait contester, ni de quoi que ce soit. Donc la direction ne nous a pas défendus et ne nous a pas laissé le moyen de nous défendre", s'insurge le Dr Khayat. Et le directeur délégué de l'hôpital, Cyril Marais, de justifier : "Le rapport était confidentiel jusqu'à la version finale même pour les médecins. C'était une consigne directe de la CRC."

Le collectif de médecins démonte d'autres "chiffres biaisés" en lien avec la masse salariale. Un passage est notamment critiqué. Il stipule qu'"entre 2019 et 2023, la masse salariale correspondant au personnel non médical a augmenté de 32 % (+ 8,8 millions d'euros), et celle du personnel médical de + 39 % (4,6 millions d'euros) […] Les hausses ont été particulièrement marquées pour le personnel médical. Les effectifs se sont accrus de 30 %, alors que dans le même temps, l'activité n'a progressé que de 2 %."

Et d'ajouter : "La moyenne des rémunérations nettes, avant impôts, a cru de façon particulièrement significative pour les praticiens hospitaliers (+ 38 %). La hausse est encore plus élevée pour les chefs de pôle (+ 50 %), dont la rémunération mensuelle moyenne a été de 14 000 euros en 2023 (hors revenus d'activité libérale, le cas échéant)". La chambre régionale des comptes des Hauts-de-France ne "prend pas en compte l’évolution des recettes liées à la tarification à l'activité (T2A), en hausse de 14 % entre 2019 et 2023, ce qui contredit clairement l'idée d’une stagnation de l'activité", rétorquent les médecins.

"Le sous-entendu est compris de tous : les médecins auraient été indûment augmentés", s'offusque le collectif.

"Stigmatisation" des Padhue

Enfin, ce dernier blâme une "stigmatisation inacceptable des médecins titulaires de diplômes étrangers". Selon la chambre, "près de 70 % [des médecins du CH de Château-Thierry] sont titulaires de diplômes obtenus en dehors de l’Union européenne […] et 10 % ont été formés dans d’autres pays de l’Union européenne, principalement en Roumanie. Les effectifs ont augmenté de près de 30 % entre 2019 et 2023." Pour le collectif, cette mention est "stigmatisante et injustifiée". Elle conduit "à faire un lien implicite entre la formation initiale à l’étranger d'une partie des médecins et un supposé dysfonctionnement de l’établissement".

Refusant "d'être les boucs émissaires d'une crise administrative et politique qui les dépasse", le collectif de médecins demande l'ouverture rapide d'un "dialogue institutionnel apaisé et équitable".

[avec L'Union et L'Aisne nouvelle]

Comptez vous fermer vos cabinets entre le 5 et le 15 janvier?

Claire FAUCHERY

Claire FAUCHERY

Oui

Oui et il nous faut un mouvement fort, restons unis pour l'avenir de la profession, le devenir des plus jeunes qui ne s'installero... Lire plus

1 débatteur en ligne1 en ligne
 
Vignette
Vignette

La sélection de la rédaction

Pédiatrie
Moins de médecins, moins de moyens, mais toujours plus de besoins : le cri d'alerte des professionnels de la...
06/11/2025
14
Concours pluripro
CPTS
Les CPTS renommées "communauté France santé" : Stéphanie Rist explique l'enjeu
07/11/2025
12
Podcast Histoire
"Elle était disposée à marcher sur le corps de ceux qui auraient voulu lui barrer la route" : le combat de la...
20/10/2025
0
Portrait Portrait
"La médecine, ça a été mon étoile du berger" : violentée par son père, la Pre Céline Gréco se bat pour les...
03/10/2025
6
Reportage Hôpital
"A l'hôpital, on n'a plus de lieux fédérateurs" : à Paris, une soirée pour renouer avec l'esprit de la salle...
14/10/2025
8
La Revue du Praticien
Diabétologie
HbA1c : attention aux pièges !
06/12/2024
2