Aide à mourir : la ministre Catherine Vautrin huée au congrès des médecins de soins palliatifs
La Société française d'accompagnement et de soins palliatifs (SFAP) a ouvert son congrès annuel ce mercredi 18 juin, à Lille, trois semaines après le vote à l'Assemblée de la proposition de loi créant un droit à l'aide à mourir. Face à des acteurs inquiets, la ministre du Travail et de la Santé a tenté de rassurer et de convaincre, sans y parvenir.
Le 27 mai dernier, les députés ont approuvé en première lecture la proposition de loi créant un droit à l'aide à mourir en France. Celle-ci légalise le suicide assisté, et de manière exceptionnelle l'euthanasie, sans que ces mots ne soient inscrits dans ce texte, que la Société française d'accompagnement et de soins palliatifs* a vivement dénoncé. Lors de l'ouverture de son congrès annuel, ce mercredi à Lille, l'organisation a sondé les plus de 3000 participants sur le vote de cette PPL. Ces derniers étaient invités à faire part de leur ressenti en un mot. Sur les plus de 1200 réponses reçues, les mots qui ressortaient le plus étaient "inquiétude", "incertitude", "tristesse" ou encore "crainte", bien que certains aient fait part d'une forme de "soulagement".
"Même si ce vote à l'Assemblée nationale est une première étape sur un long chemin législatif, il vient nous ébranler et nous interroge profondément", a déclaré la Dre Claire Fourcade, présidente de la SFAP, qui s'est largement exprimée dans les médias en parallèle des débats au Parlement pour alerter sur les dérives d'une ouverture à une aide à mourir. "S'engager en soins palliatifs signifie que l'on dédie sa vie professionnelle à accompagner ceux qui vont mourir. Mais que devenons nous si demain nous provoquons la mort ? Quel serait le sens de notre métier ?", a-t-elle interrogé, ajoutant que ces "questions demeurent sans réponse évidente".
"Nous voyons à l'étranger, dans les quelques pays qui se sont engagés sur ce chemin, qu'en réalité tout change […] le rapport à la vie et à la mort se modifie, et donc notre métier […] Plus que de créer une autorisation qui permettrait de faire coexister plusieurs modèles de fin de vie, une telle loi fait naître, en réalité, une nouvelle norme qui consiste, si le patient le souhaite, à pouvoir exiger de nous, soignants, de prodiguer la mort", a-t-elle poursuivi.
Aucun d'entre vous ne sera obligé de pratiquer l'aide à mourir
"On ne vous demande rien du tout, un élément majeur du texte c'est la clause de conscience, aucun d'entre vous ne sera obligé de pratiquer l'aide à mourir, je pense que c'est l'un des points d'équilibre du texte", a assuré la ministre du Travail et de la Santé, Catherine Vautrin, qui a tenu à faire le déplacement pour échanger avec les acteurs des soins palliatifs, avec lesquels une tension est palpable. "Je sais que si le diable avait un visage, peut être serait-ce le mien", mais "il me semblait important que nous puissions échanger, se dire les choses", a-t-elle dit.
"Nous avons un constat de départ, qui n'est pas unanimement partagé, qui est de dire qu'il y a des pathologies qui aujourd'hui ne trouvent pas de réponse aux souffrances qui sont celles des patients. […] Il y a des demandes qui sont des demandes d'entendre ces patients qui, pour des raisons qui sont les leurs, ne souhaitent pas connaître la fin promise par ces pathologies, ou ne supportent plus ces souffrances", a tenu à rappeler la ministre. "Est-ce que nous devons fermer le sujet définitivement ou reconnaître qu'il y a des cas où il y a probablement une réponse à apporter ? C'est ce [dernier] choix qui a été celui du Gouvernement."
Catherine Vautrin a ensuite évoqué plusieurs points qui ont suscité une levée de boucliers et à défendre les barrières que l'exécutif a déployées. La ministre a d'abord rappelé que pour espérer bénéficier d'une aide à mourir, le patient – répondant à cinq critères cumulatifs – doit en faire lui-même la demande, de façon "réitérée", et doit être en pleine possession de son discernement. Il y a aussi la "notion de douleur réfractaire auquel rien ne peut répondre, et qui est un point absolument majeur", a souligné Catherine Vautrin. Avant d'accéder ou non à une demande d'aide à mourir, un médecin devra convoquer une réunion avec a minima un spécialiste et un soignant qui donneront leur avis.
"J'ai refusé qu'il y ait une mention suffisante dans les directives anticipées, précisément parce que j'ai entendu ce que vous aviez évoqué sur l'évolution du patient, de la volonté du patient", s'est également défendue la ministre.
Autre sujet de préoccupation pour les soignants : la création d'un délit d'entrave, qui vise à sanctionner "le fait d'empêcher ou de tenter d'empêcher de pratiquer ou de s'informer sur l'aide à mourir". Précisant qu'il s'agit d'une "initiative des parlementaires", Catherine Vautrin a voulu préciser qu'"en aucun cas il ne s'agit de l'échange du soignant avec le patient, de l'échange entre le patient et sa famille ou ses amis. Il s'agit de phénomènes qui seraient des phénomènes de manifestation à l'entrée d'un service ou à l'entrée d'un établissement."
"Pour autant, je considère que le fait qu'il n'y ait pas de délit d'incitation est effectivement un élément de déséquilibre [du texte]. Je ne doute pas que la discussion qui aura lieu au Sénat permettra de rééquilibrer et de continuer à discuter", a-t-elle ajouté.
"Nous devons continuer à cheminer" sur les soins palliatifs
Le Sénat devra également examiner une autre proposition de loi, portant spécifiquement sur les soins palliatifs, votée à l'unanimité à l'Assemblée. "Au-delà de tout ce que l'on peut dire, de tout ce que l'on peut entendre, il faut quand même se rendre compte que si avez gagné un combat, c'est celui de l'importance des soins palliatifs et de la reconnaissance des soins palliatifs sur tous les bancs de l'Assemblée nationale, a salué Catherine Vautrin. Je ne doute pas que la position du Sénat sera la même."
La ministre a souligné l'importance de ce texte sur les soins palliatifs. "Je sais parfaitement qu'un patient qui est en fin de vie est un patient dont effectivement le regard face à la douleur, le regard face à la mort, peut évoluer […] c'est la raison pour laquelle l'accompagnement des soins palliatifs est un point extrêmement important pour lui", a-t-elle déclaré. La ministre a promis de faire en sorte que les crédits alloués aux soins palliatifs – "l'année dernière nous avions acté 1 milliard d'euros en dix ans supplémentaires" – soient "sacralisés" dans les budgets pour l'exercice 2026.
"Tout n'est pas qu'une affaire d'argent", a-t-elle estimé, rappelant que son objectif est que "tous les départements soient dotés [d'un service de soins palliatifs] et que nous formions les personnels". "Nous devons travailler sur l'ensemble de la chaîne, c’est-à-dire bien évidemment les aides-soignantes, bien évidemment les infirmières et bien évidemment les médecins." Catherine Vautrin a également insisté sur l'importance d'agir sur "l'attractivité" de la spécialité soins palliatifs.
Consciente de sa difficulté à "convaincre" son auditoire, Catherine a appelé à "continuer à cheminer" ensemble sur les soins palliatifs notamment. "C'est l'une des réponses que nos patients attendent", a-t-elle insisté, sous les huées, annonçant la tenue d'un comité sur les soins palliatifs en septembre prochain.
*La SFAP fédère plus de 10 000 soignants (médecins, infirmières...) et 6 000 bénévoles d'accompagnement en soins palliatifs.
La sélection de la rédaction
Comptez vous fermer vos cabinets entre le 5 et le 15 janvier?
Claire FAUCHERY
Oui
Oui et il nous faut un mouvement fort, restons unis pour l'avenir de la profession, le devenir des plus jeunes qui ne s'installero... Lire plus