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Nombre minimal de soignants par lit : une proposition de loi adoptée pour "reconstruire l'hôpital"

La proposition de loi portée par le sénateur et médecin (PS) Bernard Jomier visant à instaurer "un ratio minimal de soignants par lits ouverts" dans chaque spécialité à l'hôpital a été adoptée à une large majorité par l'Assemblée nationale jeudi 23 janvier. Des craintes ont toutefois été exprimées sur le risque d'aboutir à des fermetures de lits en cas de ratios non respectés.

24/01/2025 Par Aveline Marques
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Avec cette proposition de loi, l'Assemblée nationale pose "la première brique pour reconstruire l'hôpital", a souligné Guillaume Garot (PS), rapporteur de la commission des Affaires sociales. Par 138 voix pour contre 3 (et 70 absentions, essentiellement les groupes Ensemble et Rassemblement national), les députés ont adopté le texte porté par le sénateur socialiste Bernard Jomier visant à définir "pour chaque spécialité et type d’activité de soin hospitalier, un ratio minimal de soignants par lit ouvert ou par nombre de passages pour les activités ambulatoires".

Un coût de 7 milliards d'euros

Ces ratios, qui seront établis par décret pris après avis de la Haute Autorité de santé, devront tenir compte de "la charge des soins liée à l’activité" et "distinguer les besoins spécifiques à la spécialisation et à la taille de l'établissement". Le texte prévoit que lorsque les ratios ne peuvent "être respectés pendant une durée supérieure à trois jours, le chef d’établissement en informe le directeur général de l’agence régionale de santé territorialement compétent".

La proposition de loi prévoit une application de ces ratios à compter du 1er janvier 2027. D'ici là, il faudra "former plus" de professionnels de santé, a rappelé le ministre de la Santé et de l'Accès aux soins Yannick Neuder, estimant que 60 000 infirmières supplémentaires seraient nécessaires (et probablement autant d'aides-soignantes), en plus des 24 000 déjà formées chaque année.

Ces effectifs supplémentaires pour l'hôpital représentent un coût de 7 milliards d'euros, a indiqué le ministre. Yannick Neuder s'est néanmoins montré très favorable à cette mesure, qui renforce la "sécurité des patients" et améliore la "qualité de vie au travail des soignants". "21 % des infirmières hospitalières quittent l’hôpital après dix ans de travail, a-t-il pointé. Ce pourcentage traduit la perte de sens à laquelle ce texte apporte une réponse." "Les soignants nous disent courir d’un patient à l’autre, d’une chambre à l’autre, sans pouvoir faire face dans de bonnes conditions, et se considèrent trop souvent comme 'mal traitant' leurs malades", a déploré Guillaume Garot, estimant que cette proposition de loi leur redonne "espoir". "Personne ne prétend que ce texte permettra de tout résoudre, mais il donne un cadre favorable à une réforme profonde de nos politiques de soin", a insisté le rapporteur.

Les ratios n'entraineront aucune fermeture

Des craintes se sont toutefois élevées dans l'hémicycle. "Si les établissements de santé ne respectent pas les quotas – ce qui sera le cas toujours aux mêmes endroits, c’est-à-dire dans les services des petits centres hospitaliers ruraux en manque d’effectifs –, que se passera-t-il ? Fermera-t-on les services ?", a notamment interpelé Philippe Vigier (Les Démocrates). La députée Annie Vidal (Ensemble pour la République) a souligné que la fixation de ratios en Allemagne, en 2018, avait eu "pour conséquence la fermeture de lits, le report de rendez-vous, l’allongement des listes d’attente et des coûts de personnels supplémentaires au titre de la documentation et du contrôle". "L’évaluation du dispositif en 2024 atteste que le non-respect des ratios est principalement dû à la pénurie de professionnels, que nous connaissons également. Dans 67 % des hôpitaux évalués, le manque de souplesse empêche un bon fonctionnement et, dans 62 % des hôpitaux, il a fallu fermer des lits. Enfin, 80 % des soignants soulignent que leur charge de travail n’a pas été réduite et que les conditions de travail n’ont pas été améliorées."

"Il ne s’agit pas de généraliser les ratios de sécurité" tels qu'ils existent en réanimation, néonatalogie ou dans les services prenant en charge les grands brûlés, a rassuré Guillaume Garot. "Là ce sont des ratios de qualité et quand bien même nous ne pourrons les atteindre dans tel ou tel hôpital, à aucun moment ils n’entraineront de fermeture", a balayé le rapporteur, qui met en avant les bons résultats obtenus en Californie ou dans la province australienne du Queensland : ces ratios ont "montré leur efficacité" pour améliorer les conditions de travail et la qualité des soins, mais aussi pour réduire les coûts de santé en diminuant le risque de maladie nosocomiale, de complications et la durée de séjour.

Il faudra "veiller à ce que l’application de ratios ne se traduise pas par un accroissement intenable du nombre d’heures supplémentaires", a reconnu Yannick Neuder. Ni à "une concurrence entre les services". Le ministre souhaite, enfin, que les établissements "gardent une certaine flexibilité".

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Claire FAUCHERY

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3 débatteurs en ligne3 en ligne
Photo de profil de JEAN SCHEFFER
75 points
il y a 10 mois
Ce ratio mettra du temps à être appliqué, surtout comment le financer dans le contexte actuel ? De plus il ne résout pas le manque d'attractivité de l'hôpital public pour les internes et chefs de clinique. Aussi à court terme, ma proposition de "Clinicat-Assistanat pour tous" est la seule solution pour pourvoir les 40% de postes vacants dans nos centres hospitaliers. 2 à 3 années obligatoires en fin d'internat pour tous les futurs généralistes et tous les futurs spécialistes afin de pourvoir tous les postes vacants dans toutes les spécialités et dans tous les lieux de soins, de recherche, de santé publique, de prévention...  Les déserts médicaux en généralistes, spécialistes et les déserts hospitaliers (40% de postes vacants dans nos hôpitaux généraux), ne sont pas les seuls. Ils sont aussi dans dans les centres de santé public , les maisons de santé libérales, les EHPAD, les hôpitaux psychiatriques, les CMP,  les PMI,  la médecine scolaire, la médecine du travail, la santé publique, la médecine pénitentiaire... Le manque des médecins est partout, dans toutes les disciplines, dans toutes les formes d’activité, salariées et libérales. Il s’agit donc à mon sens de voir l’ensemble des problèmes et de les solutionner en même temps, ce qui est possible. La solution c'est un "Clinicat-Assistanat pour tous", en fin d'internat, obligatoire pour tous les futurs généralistes et les futurs spécialistes, d’une durée de 3 ans. L’activité serait partagée entre divers établissements, à l’image des assistants partagés actuels entre hôpitaux Généraux (CHG) et CHU. Les chefs de clinique-Assistants auraient leur activité entre CHU et CHG pour les futurs spécialistes; entre CHG-CHU et PMI, CMP, santé publique, santé scolaire, médecine pénitentiaire, médecine du travail, EHPAD… ; entre CHG et centres de santé et maisons de santé… Il s’agit donc par un seul et même dispositif de solutionner en quelques années l’ensemble des manques criants et urgents de médecins dans tous les domaines, dans toutes spécialités, sans pénaliser une catégorie, les futurs généralistes par exemple, ou les étudiants en médecine peu fortunés, obligés de s’installer dans un désert pour se payer leurs études.  Cela évitera de plus le dumping entre villes, entre départements pour recruter ou débaucher, les jeunes en fin d'internat, ou ceux déjà installés et répondant à une offre plus alléchante. Il faudra définir par région, département et territoire, les manques les plus urgents en généralistes et spécialistes, et en tirer les conséquences sur la répartition par spécialité pour la première année d’internat et pour les postes de "Clinicat-Assistanat"
Photo de profil de Michel Rivoal
10,7 k points
Débatteur Passionné
Anesthésie-réanimation
il y a 10 mois
Je ne sis pas très bien où cette loi nous mène de la façon où elle est formulée. Si c'est un objectif (qualité) c'est plutôt n'importe quoi. Ça ressemble aux trente cinq heures dont l'adéquation n'a jamais été appliquée amenant les directions à augmenter ce temps de base et à le compléter par des heures supplémentaires... c'est à dire rarement, conduisant à la situation actuelle avec l'épuisement des soignants, la pénurie de recrutement et la fermeture des lits. Si c'est un ratio à respecter pour obtenir l'autorisation de fonctionner, alors on pérennise les différences entre les ght et les petits et moyens hôpitaux qui n'auront pas assez de budget et amènera la fermeture de service ou la reconversion d'hôpitaux entiers vers les soins de suite, ce qui ne solutionne en rien la prise en charge des malades et les fluctuations d'entrées en fonction des urgences saisonnières ou non. Il faut donc réellement évaluer la charge ou demande de soins (et pas seulement l'offre). Il existe pour cela des critères (SIIPS en général et PRN et/ou OMEGA en soins critiques). Il est clair que ce temps de soins varie énormément entre un service de réa ou un service de médecine et encore un service de chirurgie. Plus difficile à évaluer en consultation, urgences, hospitalisation de jour, explorations fonctionnelles, etc... Donc gros travail préalable à mener avec les soignants et grand projet politique sur le maillage effectif des hôpitaux pour maintenir (restaurer) une offre attractive pour les malades ET les soignants notamment dans les hôpitaux dits de proximité. Je ne sais pas si les budgets envisagés répondent à ces besoins.
Photo de profil de LAZERGES JEAN-PIERRE
329 points
Incontournable
Médecins (CNOM)
il y a 10 mois
Encore une norme, toujours des normes ... La solution existe pourtant à coût neutre : Toute personne travaillant avec un diplôme de soignant dans un hôpital doit participer au moins pour 30% à une activité réelle de soins outre ses éventuelles autres responsabilités. Ainsi le renfort est déjà dans l'hôpital et le malade reste roi tcqf... (tout ce qu'il faut)
 
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