Loi Duplomb : le Conseil constitutionnel censure la réintroduction de l'acétamipride
Jeudi 7 août, le Conseil constitutionnel a censuré les dispositions de la loi Duplomb qui autorisaient la réintroduction de l'acétamipride, un pesticide de la famille des néonicotinoïdes interdit en France. Une décision saluée par de nombreuses associations de patients et médecins.
Le Conseil constitutionnel a estimé, jeudi 7 août, que la loi Duplomb visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur avait été adoptée dans les règles. Toutefois, "au regard des exigences de la Charte de l'environnement", les Sages ont censuré les dispositions de l'article 2 – le plus controversé – autorisant à déroger à "l'interdiction d'utiliser des produits phytopharmaceutiques contenant des néonicotinoïdes ou autres substances assimilées, ainsi que des semences traitées avec ces produits", parmi lesquels l'acétamipride, peut-on lire dans un communiqué de presse diffusé par l'institution dans la soirée.
Le vote de cette loi, adoptée au Parlement début juillet avec le soutien du Gouvernement, avait suscité de vives inquiétudes du côté des associations de patients et des sociétés savantes médicales ou scientifiques, qui avaient demandé au Conseil constitutionnel de censurer cette loi "au nom du principe de précaution" dans une tribune publiée dans Le Monde. L'Ordre des médecins s'était également engagé contre ce texte, estimant lui aussi que "le doute n'est pas raisonnable lorsqu'il s'agit de substances susceptibles d'exposer la population à des risques majeurs".
Une pétition lancée par une étudiante avait par ailleurs dépassé la barre des 2 millions de signatures fin juillet.
"On ne peut que se satisfaire de la décision du Conseil constitutionnel", a réagi le vice-président du Cnom, le Dr Jean-Marcel Mourgues, auprès de l'AFP, tout en reconnaissant "la réalité des problèmes des agriculteurs", leur "souffrance psychologique liée à la détresse parfois professionnelle". Et d'ajouter : "Nous sommes très attachés à ce qu'en termes d'exposition à des produits potentiellement dangereux, il faille respecter conformément à la Constitution le principe de précaution, puisqu'il ne s'agit ni plus ni moins que de la santé de nos concitoyens et de la prévention à des graves maladies potentielles."
Devenue la figure de la résistance contre la loi Duplomb, Fleur Breteau, fondatrice du collectif Cancer Colère, a salué la décision des Sages de censurer la réintroduction de l'acétamipride, ce pesticide interdit en France. "Ils ont fait un geste symbolique qui est d'enlever ce néonicotinoïde qui s'appelle l'acétamipride. Ça montre une chose, ça montre que le rapport de force fonctionne." Elle a toutefois regretté que l'ensemble de la loi Duplomb n'ait pas été censuré. "C'est une loi complètement archaïque qui défend un modèle d'agriculture qui est très dommageable, qui nous fait du mal, qui nous empoisonne", a-t-elle déclaré.
Son collectif appelle ainsi à poursuivre le combat, et lance un appel national à tracter devant les hôpitaux et autres lieux symboliques dès le mois de septembre.
"Cette décision élève les enjeux au-delà du seul acétamipride qui cristallise aujourd'hui les débats [...], puisque ce texte donnait aussi et surtout un blanc-seing à de futures dérogations pour d'autres néonicotinoïdes", a de son côté indiqué la Ligue contre le cancer. "Ce qu'il faut retenir, c'est que la santé publique ne peut pas faire l'économie d'un débat éclairé par la science", a souligné Francelyne Marano, présidente du comité de pilotage cancer et environnement de la Ligue et professeure émérite en toxicologie à l'Université Paris Cité.
L'Elysée a fait savoir à l'AFP qu'Emmanuel Macron "a pris bonne note de la décision du Conseil constitutionnel" et "promulguera" le texte "tel [qu'il] résulte de cette décision dans les meilleurs délais".
[avec AFP]
Acétamipride : Neuder appelle à une réévaluation au niveau
européen
Au micro de France Inter, ce vendredi matin, le ministre chargé de la Santé et de l'Accès aux soins a appelé à réévaluer au niveau européen l'impact sur la santé humaine de l'acétamipride, dont la réintroduction prévue dans la loi Duplomb a été censurée la veille par le Conseil constitutionnel. "J'en appelle très naturellement avec beaucoup d'attention et de transparence à une réévaluation par les autorités sanitaires européennes, sans délai, de l'impact sanitaire de l'acétamipride", a déclaré Yannick Neuder. Et d'ajouter : "On ne peut pas interdire une substance en France si on importe les produits des autres pays européens qui traitent les aliments avec ce produit-là." En cas d'impact avéré sur la santé humaine, "il faudra naturellement interdire ce produit puisque je vous rappelle que le Conseil constitutionnel a, pour l'instant, retoqué sur des données de santé animale et d'impact environnemental", a-t-il poursuivi. Le ministre a par ailleurs indiqué que des études "sur le rôle perturbateur endocrinien potentiel ou neurotoxique" étaient en cours.
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