"Beau parleur", "manipulateur", "une extrême intelligence" : Frédéric Péchier raconté par ses confrères
Frédéric Péchier, jugé depuis trois mois pour 30 empoisonnements, dont 12 mortels, est un anesthésiste "extrêmement brillant" mais "beau parleur, voire manipulateur " et à "l'ego démesuré", ont témoigné mardi devant la cour d'assise du Doubs des praticiens qui l'ont côtoyé. Un portrait que n'a pas constaté Dominique Bouquard, un psychologue qui avait reçu l'anesthésiste entre 2014 et 2016 pour épuisement professionnel.
Les médecins qui ont formé Frédéric Péchier au CHU de Besançon à la fin des années 1990, ainsi qu'un co-interne, ont donné des avis divergents sur le personnage, s'accordant sur son "extrême intelligence". Annie Boillot, ancienne cheffe de service et professeure d'anesthésie-réanimation au CHU, a décrit devant la cour "un garçon efficace, fiable et consciencieux". Elle se souvient d'un interne "calme et pragmatique, très organisé, soucieux de ses patients", avec lequel il "n'y a jamais eu de problèmes".
Une autre formatrice, Pascale François, a brossé un portrait beaucoup plus négatif. "Quand M. Péchier est arrivé, j'ai tout de suite remarqué (...) qu'il avait un sentiment de supériorité par rapport aux autres, il avait besoin d'être reconnu". "C'était un beau parleur, voire manipulateur" qui "méprisait" les autres praticiens, selon Pascale François. "Il n'écoutait pas les conseils des aînés et prétendait m'apprendre mon métier", a-t-elle dit, lui reprochant d'avoir fait "une expérimentation sur un patient" en utilisant des produits de façon "inhabituelle, mais pas illégale".
Le docteur Péchier "a une très bonne pratique, il était très respecté", mais il a "un ego démesuré", a estimé pour sa part une ancienne collègue à la clinique Saint-Vincent, où la plupart des empoisonnements ont eu lieu.
Le psychologue Dominique Bouquard, qui avait reçu en consultation Frédéric Péchier pour épuisement professionnel à quatre reprises entre juillet 2014 et juin 2016 - deux fois seul, et deux fois avec son épouse, dit avoir été "très surpris" lorsqu'il a appris par les médias les charges pesant sur le médecin. Il "ne m'est pas apparu, pas une seule seconde, comme narcissique, manipulateur ou pervers", s'est étonné le psychologue.
Aurait-il pu "passer à côté d'une personnalité plus complexe" que celle que le Dr Péchier lui avait "donné à voir" ?, l'a interrogé l'avocate générale, Thérèse Brunisso. "On peut passer à côté de quelque chose, bien entendu. Mais j'ai vu beaucoup de monde en 47 ans de métier, et sans prétention, j'avais l'oreille assez aiguisée. Or je n'ai rien perçu de tel", a insisté le psychologue.
Pour l'un des avocats des parties civiles, Stéphane Giuranna, les notes prises à l'époque par le psychologue sont cependant "édifiantes" en ce qu'elles corroborent certains éléments avancés la semaine dernière devant la cour par un policier chargé d'éclairer la personnalité de l'accusé. Ce policier, Laurent Dumont, avait dit avoir vu chez Frédéric Péchier des "failles personnelles" évoquant selon lui le profil d'un "tueur en série". Pour lui, l'anesthésiste se sentait "comme le vilain petit canard", rejeté par son père, et en voulait à sa femme de l'avoir "empêché de travailler autant qu'il le (voulait) pour se sentir le meilleur".
Or, dans ses notes sur Frédéric Péchier, le psychologue avait noté : "s'ennuie dans sa vie avec sa famille/dans son couple", "impression d'être le vilain petit canard", "sacrifié un projet pro pour ne pas contrarier la carrière de sa femme", "se sent bloqué".
En outre, a développé Me Giuranna, à plusieurs reprises l'accusé est allé consulter le psychologue quelques jours après avoir "regardé (un) patient mourir", "les yeux dans les yeux" - patient qu'il aurait préalablement empoisonné, selon l'accusation.
Cinq jours après un tel décès, survenu le 10 juin 2014, Frédéric Péchier a ainsi "fait sa tentative de suicide, ou simulacre", puis le 8 juillet "son épouse prend rendez-vous" avec le psychologue, "elle doit sentir que son mari ne va pas bien", a observé Me Giuranna. "Ce genre d'empoisonnement ça doit laisser des traces psychologiquement."
L'accusé, qui comparaît libre, encourt la réclusion à perpétuité. Le verdict est attendu d'ici au 19 décembre.
[avec AFP]
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