Risque médical : une "mise en cause de plus en plus systématique des médecins traitants"
Dans son bilan annuel en matière de responsabilité médicale, la MACSF constate que le nombre de professionnels poursuivis et le nombre de décisions de justice ont diminué en 2024. Pour autant, l'assureur relève que les médecins généralistes sont de plus en plus systématiquement mis en cause en cas d'événement indésirable. Parallèlement, les condamnations n'ont jamais été aussi sévères.
"Nous observons une tendance croissante des patients à mettre en cause quasi systématiquement leur médecin traitant dès lors qu’un événement indésirable implique plusieurs professionnels de santé", souligne le Dr Thierry Houselstein, directeur du Comité médical du groupe MACSF à l'occasion de la présentation de son bilan de la responsabilité médicale, ce mardi 23 septembre.
Si l'année 2024 est marquée par une "sinistralité clémente" pour ses quasi 600 000 sociétaires, la MACSF constate que les généralistes sont les médecins à l'origine du plus grand nombre de déclarations de dommages corporels (325, soit 18%). Ils sont suivis par les chirurgiens orthopédiques (290, soit 16%) et les ophtalmologistes (201, soit 11%). Une première place qui s'explique surtout par le grand nombre de médecins généralistes assurés à la MACSF. "On assure un peu plus de 65 000 médecins généralistes alors que nous assurons entre 650 et 700 chirurgiens orthopédistes", tempère Nicolas Gombault, directeur général délégué du groupe MACSF.
40% des déclarations de dommages corporels concernant les médecins se règlent à l'amiable, 32% aboutissent en commission de conciliation et d'indemnisation (CCI), 20% font l'objet de plaintes au civil, 5% des patients déposent des plaintes ordinales et 2% des plaintes vont jusqu'au pénal.
Le top trois des médecins poursuivis au civil reste inchangé depuis 2018 : les chirurgiens occupent la première place, suivis par les médecins généralistes et les anesthésistes.
"Les principaux motifs de mise en cause tiennent d'une part à l'information qui peut être défaillante et, d'autre part, à la traçabilité des soins", note Nicolas Gombault. "On constate que lorsque cette traçabilité n'est pas effective, les magistrats ont tendance à considérer qu'il y a un renversement de la charge de la preuve. Si les actes n'ont pas été tracés, il incombe au professionnel de santé mis en cause de démontrer qu'il n'a pas commis de faute. Démontrer qu'on a bien fait les choses lorsqu'il y a un préjudice ou un événement indésirable grave qui est survenu, c'est extrêmement délicat", décrypte-t-il.
La mauvaise tenue du dossier médical peut ainsi aboutir à de mauvaises prises en charge ou à des difficultés pour apporter la preuve de la bonne réalisation des soins. "La traçabilité est essentielle : il est impératif de consigner non seulement les éléments constatés lors de l’examen clinique, mais aussi les signes qui sont absents - ces signes dits 'négatifs' - qui permettent d’écarter certains diagnostics", insiste, de son côté, Thierry Houselstein.
Nous constatons un niveau de sévérité de la part des magistrats qui est inédit
Dans un tiers des cas, les médecins généralistes sont mis en cause pour des retards ou des défauts de diagnostic, le plus souvent d'AVC ou d'infarctus du myocarde. Concernant la prise en charge de pathologies infectieuses, il s'agit souvent "de reproches concernant la gestion thérapeutique : prescription de traitements antibiotiques inadaptés ou absence de sollicitation d’un avis spécialisé, pouvant induire de graves conséquences", ajoute le Dr Houselstein. Face à ce type de situations, la MACSF recommande aux généralistes "de ne pas hésiter à solliciter le spécialiste d'organe ou le référent infectiologue, dès lors que la situation n'évolue pas de manière satisfaisante". Des avis qu'ils devront impérativement tracer dans le dossier médical.
En 2024, les juridictions civiles ont alloué 61,6 millions d’euros aux victimes de fautes médicales. Un montant global stable par rapport à 2023, malgré une baisse du nombre de décisions qui s’explique par une hausse notable des indemnisations élevées. Une décision a même franchi la barre des 7 millions, trois ont dépassé les 4 millions et 83 ont dépassé les 100 000 euros.
"Nous constatons un niveau de sévérité de la part des magistrats qui est inédit et qui n'avait encore jamais été atteint à ce jour", commente Nicolas Gombault. "Cette sévérité des juridictions civiles en matière de responsabilité médicale reflète moins une logique punitive qu’une volonté d’indemnisation des préjudices subis", analyse-t-il.
Les déserts médicaux, source de sinistres ?
"La pénurie des professionnels de santé et l’extension des déserts médicaux dégradent la qualité de la prise en charge, ce qui augmente mécaniquement le risque de décisions défavorables aux praticiens", pointe Nicolas Gombault, ce mardi.
La MACSF constate ainsi que la surcharge de travail peut être source d’erreurs et de négligences (démarche diagnostique incomplète, absence de prise en compte des résultats d’examens prescrits, attentisme...). "86 % des professionnels de santé* pensent que leur santé mentale a un impact sur la bonne conduite de leurs missions quotidiennes. Or, 35% d’entre eux se disent en mauvaise santé mentale", relève la MACSF.
Pour autant, l'évolution de la sinistralité des médecins généralistes sur les dix dernières années est stable. "Cela ne se retrouve pas encore dans les chiffres. En revanche, certains éléments doivent attirer notre attention. Je pense par exemple aux difficultés de suivi des pathologies chroniques ou encore aux retards de diagnostic, notamment des pathologies tumorales", commente le Dr Thierry Houselstein.
*Observatoire 2025 ODOXA sur l’état de santé physique et mental des soignants et des personnels hospitaliers
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