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Risque médical : la "grande sévérité" des magistrats à l'encontre des médecins se confirme

Dans son traditionnel bilan annuel de la responsabilité médicale, présenté ce mardi 24 septembre, la MACSF constate une hausse des déclarations de sinistres en 2023 mais une stabilité de leur fréquence. En revanche, les condamnations et indemnisations accordées au civil restent à un très haut niveau. Et les généralistes ne sont pas épargnés.

25/09/2024 Par Aveline Marques
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L'an dernier, la MACSF – Le Sou médical a enregistré 4267 déclarations de dommages corporels de la part de ses assurés, un nombre en hausse de 4.71% mais corrélé à l'augmentation de son portefeuille. Le taux de sinistralité* des 581 420 professionnels de santé couverts reste stable, à 0.74%. Mais il varie fortement selon les professions et selon les spécialités. Ainsi, le taux de sinistralité* est encore en hausse chez les chirurgiens-dentistes (+6.48%) et les vétérinaires (+10.47%), mais en légère baisse chez les médecins (-1.10%).

En valeurs absolues, la médecine générale reste la spécialité qui a déclaré le plus de sinistres en 2023 (363) mais son taux de sinistralité est en réalité très faible (0.78%). Avec près de 68 sinistres corporels déclarés pour 100 sociétaires, la neurochirurgie est toujours la spécialité la plus à risque, devant la chirurgie viscérale, digestive et générale, et la chirurgie orthopédique et traumatologique.

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Si les patients des médecins privilégient les réclamations amiables (40% des déclarations) ou les commissions de conciliation (31%) aux plaintes civiles (21%), ordinales (5%) ou pénales (3%), la MACSF relève encore cette année la "grande sévérité des magistrats".

Exigences sociétales

Sur 346 décisions civiles rendues en 2023 (-16%, un effet Covid à retardement), 70% condamnent l’un des professionnels de santé mis en cause. "Cela reste extrêmement important, même si ce chiffre est en légère baisse – il était de 72% en 2022", a pointé Nicolas Gombault, directeur général délégué de la MACSF, lors d'un point presse mardi 24 septembre. Or, "dans les années 1980-85, le taux de condamnation était à peu près d'un tiers. J'ai l'intime conviction que ce n'est pas dû au fait que les professionnels de santé mis en cause commettent plus de fautes, ce n'est pas lié au fait que nous les défendons moins bien qu'auparavant. Toute cette évolution peut certainement être mise en rapport aux exigences sociétales qui se retrouvent aujourd'hui dans la jurisprudence avec tout un tas d'obligations nouvelles mises à la charge du professionnel de santé qui peuvent conduire à la reconnaissance de leur responsabilité lorsqu'ils sont mis en cause."

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Le montant des indemnisations accordées atteint également des sommets : 62 millions d'euros en 2023, contre 46.3 millions en 2022 ; 21% des décisions ont octroyé plus de 100 000 euros et 8 d'entre elles plus d'un million d'euros. Les trois plus grosses indemnisations totalisent à elles seules 22.2 millions d'euros. La première, d'un montant de 15.8 millions d'euros, résulte de la prise en charge jugée tardive par un obstétricien d'une asphyxie fœtale, qui a entrainé d'importantes lésions cérébrales chez l'enfant. La deuxième (3.6 millions d'euros) concerne la prise en charge jugée inadaptée par deux pédiatres d'une infection néonatale à l'origine de lourdes séquelles.

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Une allergie croisée aux lourdes conséquences

Le troisième dossier est celui d'un médecin généraliste, à qui il a été reproché d'avoir prescrit du Spiren 400 à une patiente présentant une infection des voies aériennes supérieures alors qu’une allergie à l’aspirine était notée dans le dossier médical. "Il y a des allergies croisées entre l'aspirine et les anti-inflammatoires non stéroïdiens, a rappelé le Dr Thierry Houselstein, directeur médical de la MASCF. La patiente a fait une réaction extrêmement forte, un syndrome de Lyell, une brûlure au 2e degré sur l'ensemble du corps, avec une atteinte de certaines muqueuses." Si chaque année, la MACSF déplore "entre 4 et 7" syndromes de Lyell liés à la prise de médicaments, avec de "grosses conséquences" –"des longs séjours en réanimation, parfois des décès", "là l'allergie était prévisible", pointe le médecin. La responsabilité exclusive du généraliste a été retenue, avec une indemnisation de 2.8 millions d'euros mise à sa charge pour réparer les préjudices. "Les généralistes ne sont pas exempts de condamnations, qui peuvent être extrêmement lourdes", souligne Nicolas Gombault.

Par ailleurs, 22 professionnels – dont 4 généralistes – ont été poursuivis au pénal l'an dernier. Sur les 11 décisions rendues, 36% ont abouti à une condamnation. "Là aussi, les juges sont extrêmement sévères : systématiquement, les magistrats ont condamné les professionnels de santé à une peine de prison, pas toujours avec sursis", relève Nicolas Gombault.

Parmi les condamnations notables, celle d'un praticien attaché associé pour la mauvaise interprétation d'une radio et le décès d'un nourrisson de 6 semaines des suites d'une bronchiolite, ou encore celle d'un chirurgien et d'un anesthésiste pour une intervention de résection de la prostate d'un patient de 60 ans qui s'est conclue par son décès, dans un contexte très conflictuel au sein du bloc.

*Fréquence du nombre de déclarations de sinistres corporels pour 100 sociétaires.

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Claire FAUCHERY

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7 débatteurs en ligne7 en ligne
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Débatteur Passionné
Anesthésie-réanimation
il y a 1 an
J'ai toujours été attentif au bilan annuel comme aux "Newsletter" de la MACSF. C'est très édifiant. De plus les affaires sont parfois très longues à instruire ce qui montre les "moyens" mis en œuvre souci de les faire aboutir. Alors je pense que dans les pratiques, ces publications donnent à réfléchir. La démarche qualité (dans les hôpitaux) a fait pratiquer les études de morbi/mortalité. La législation a fait évoluer les litiges en précisant les conduites fautives et les aléa thérapeutiques. Les sociétés savantes ont insisté sur les nécessaires informations et décisions tenant compte du bénéfice/risque. Il y a des spécialités à risques plus élevés que d'autres. Chaque praticien a du mal à se rendre compte de la pathologie iatrogène en général. Dans ma spécialité (qui n'est pas indemne, loin de là, de iatrogénie), on prend en charge, compte tenu de leur gravité, les conséquences de nombre d'entre elles par un effet d’entonnoir et la notion de risque est beaucoup plus présente. Prendre l'information est utile et ne montre pas forcément une chasse au sorcières. La critique d'autres profession ne dispense pas de balayer devant sa porte.
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Débatteur Passionné
Médecine physique et de réadaptation
il y a 1 an
Quand on cherche, on trouve toujours dans les dossiers médicaux un petit quelque chose qui laisse à penser que c'est la faute au médecin comme les erreurs comptables dans un livre de compte. Mon ancienne direction me faisait part de la demande croissante de dossier médicaux par des cabinets d'avocat spécialisé parisien et mandatés a propos de patient pour lesquels aucun évènement indésirable n'était déclaré pendant le séjour, probablement pour fouiller. La sécu ne peut que s'en réjouir car on lui rembourse les soins. Tant que que le patient n'est pas mis en cause dans son malheur (obésité, tabagisme, inobservance ...) avec un effet boomerang, ça sera porte ouverte aux nombreuses procédures et aux indemnité. Quand on regardes les analyses de décision de la MACSF, on comprends que, bientôt, il faudra demander à sonassurance si on peut prendre en charge ce type ou ce type de profil/pathologie (lombalgique, fibromyalgique ...).
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6,3 k points
Débatteur Passionné
Médecins (CNOM)
il y a 1 an
Et quand une juge remet en liberté un jeune criminel qui récidive et et tue atrocement une personne âgée comme cela s'est passé en Guyane il y a quelques années, il n'y a personne pour le condamner et lui faire payer les préjudices ! Ces gens-là devraient être aussi redevables de leurs actes. Et attention, que ces messieurs de justice n'oublient pas la morale de la fable de Tonton Georges : "Car le juge, au moment suprême, Criait : « Maman ! », pleurait beaucoup, Comme l’homme auquel, le jour même, Il avait fait trancher le cou."...
 
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