Le doyen des médecins exclu du DPC : "100 ans ok, mais toujours en exercice!"

04/12/2021 Par Louise Claereboudt
Témoignage
Il a soufflé sa centième bougie en juin dernier, mais il exerce toujours comme généraliste dans la commune de Chevilly-Larue (Val-de-Marne), où il s’est installé en 1951. S’il a bien réduit la cadence depuis l’épidémie de Covid-19, le Dr Christian Chenay – doyen des médecins français - ne se voit pas laisser ses quelques patients d’une maison de retraite religieuse proche de chez lui, qu’il a soignés durant la crise. Un dévouement salué au printemps 2020 par le Président de la République en personne. Mais malgré sa volonté de continuer à exercer, le praticien, qui s’est formé à la fin de la Seconde Guerre mondiale, s’est vu refuser son inscription au DPC. Une marque de "mépris" qui ne passe pas. Récit.

  Centenaire, mais loin d’être has been... A 100 ans, le Dr Christian Chenay est étonnant de modernité. Généraliste à Chevilly-Larue (Val-de-Marne), où il exerce depuis maintenant 70 ans, le doyen des médecins de France ne cesse de se former aux nouvelles technologies, qui le passionnent. "Je possède une maîtrise de mathématiques-physique et j’ai assisté pendant plusieurs années à des formations sur les nouvelles technologies spécifiquement dédiées aux médecins, explique-t-il à Egora. L’informatique m’est utile au quotidien !" S’il continue de suivre ses quelques patients d’une maison de retraite religieuse, qu’il connaît depuis parfois leur plus jeune âge, et au chevet de qui il est resté durant l’épidémie de Covid-19, ceci malgré les risques qu’il encourait – le médecin généraliste s’est d’ailleurs mis à la téléconsultation : chaque jour, il soigne entre 4 et 5 patients à travers son écran. "C’est déjà bien assez à mon âge", déclare-t-il, humblement, après avoir stoppé les consultations en cabinet au début de l’épidémie.

Les réseaux sociaux n’ont, eux aussi, plus de secrets pour lui. En septembre 2020, c’est sur Twitter qu’il est apparu pour faire la promotion de son dernier livre – car oui, il est aussi écrivain : Le Manuel de survie des retraités. S’il n’a quasiment pas posté depuis, le Dr Christian Chenay s'est récemment manifesté sur la plateforme pour pousser un coup de gueule sur son compte. La raison ? Le généraliste a vu son inscription à l’Agence nationale du DPC refusée… à cause de son âge ! "Votre âge ne permet pas de créer un compte", peut-on lire sur la capture d’écran qu’il a affichée (voir ci-après).

  S’il s’est décidé à interpeller sur Twitter l’ANDPC, c’est parce que ses lettres et formulaires de contact disponibles sur le site de l’agence n’ont reçu aucune réponse. En 2020, l’ANDPC avait déjà refusé de l’inscrire à une de ses formations, raconte le doyen, qui explique avoir finalement pu suivre les formations désirées dans un autre organisme "sans problème".   "Je ne suis qu’un petit rouage d’une grande machine en difficulté" Regrettant que "Twitter n'a[it] pas réveillé l'Agence", le Dr Chenay se dit écœuré par cette mésaventure. "Je comprends que les jeunes ressentent une injustice assortie de mépris. Au bout de 75 ans de rapports souvent farfelus avec une administration omnisciente et omnipotente, on ressent surtout un sentiment de gâchis ridicule", confie-t-il. Ce dernier a ainsi souhaité apporter son soutien aux remplaçants, récemment écartés de la prise en charge des formations dispensées par l’Agence du DPC. Une nouvelle qui a secoué...

il y a quelques semaines les professionnels de santé libéraux. "Il faudrait pourtant tout faire pour encourager les jeunes à persister dans un métier difficile et qui subira des mutations majeures à bref délai", estime le généraliste, qui a entamé ses études de médecine lors de la la Seconde Guerre mondiale après avoir été soudeur sur le chantier naval de Saint-Nazaire. Passé par la psychiatrie et la radiologie, avant, finalement, d’embrasser la médecine générale, le Dr Chenay l’assure pourtant : les actions de formation – qu’il a suivies dès le début de son exercice, sont essentielles. "On y apprend toujours quelque chose et cela permet des contacts humains dans un climat détendu. Il est inadmissible d’exclure les remplaçants du système de développement professionnel continu qui leur permet de maintenir les connaissances essentielles à leur pratique, au même niveau que celles des médecins qu’ils remplacent. Ces formations pouvaient en plus leur permettre de rencontrer leurs aînés, d’échanger avec eux, ce qui est forcément constructif et enrichissant." Le doyen des médecins garde, à 100 ans, une soif d’apprendre inépuisable. Et il n’attend pas que les informations scientifiques lui tombent sous le nez. "Les hasards de la vie ont fait de moi un polyglotte et j’éprouve du plaisir à suivre les nouveautés anglo-saxonnes [ce dernier a donné des cours aux Etats-Unis, NDLR], et les essais chinois. Entretenir une curiosité intellectuelle est pour moi essentiel, pour les jeunes comme pour les moins jeunes." Un parcours et un dévouement qui forcent le respect, ce qui lui a valu d’être reçu par Emmanuel et Brigitte Macron à l’Elysée au printemps 2020 pour le remercier de son engagement auprès de ses patients. "Je n’assume pas le rôle de doyen des médecins. Le Président de la République ne m’a pas reçu en tant que doyen des médecins français. Je ne suis qu’un petit rouage d’une grande machine en difficulté."

Si sa carrière est plus derrière que l'inverse, dorénavant, le praticien s’inquiète pour l’avenir de la profession et les conditions d’exercice des futurs médecins. "La disparition du médecin isolé ou en petit groupe, inséré dans la population, est programmée par les ministères successifs depuis au moins 1980. La déplorable relation tutelles-médecins-malades dans certaines régions a accéléré le phénomène. Informatique et robotique devraient pouvoir prendre avantageusement leurs places dans nombre de cas (Les essais de l’hôpital de Shanghai à ce sujet sont par exemple prometteurs). Au vu des décisions qui sont prises en haut lieu nous pouvons nous poser la question : remplacer l’humain par la machine, peut-être est-ce le but recherché ?"

Faut-il octroyer plus d'autonomie aux infirmières ?

Angélique  Zecchi-Cabanes

Angélique Zecchi-Cabanes

Oui

Pourquoi pas? À partir du moment où elles ont la responsabilité totale de ce qu’elles font et que les médecins généralistes n’ont ... Lire plus

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