"Notre rôle n’est pas de distribuer aveuglément des ordonnances" : le coup de gueule d'un MG face aux demandes insistantes des patients

01/12/2021 Par Paracetamed
Témoignage
"Bonjour, je viens pour une ordonnance", "Pouvez-vous renouveler celle de ma mère, mon mari, fils?", "J'ai besoin de tel papier administratif"... Alors que le temps médical se fait de plus en plus précieux, les demandes des patients qui n'ont pas trait aux soins, persistent malgré tout. Dans un long message publié sur Twitter qu'Egora reproduit avec son accord, un médecin généraliste, qui écrit sous le pseudonyme Paracétamed, appelle les pouvoirs publics à enclencher la deuxième vitesse en termes d'éducation en santé pour qu'enfin les patients prennent conscience de ce qu'est aujourd'hui la profession. 

Un renouvellement d’ordonnance ne consiste pas à réimprimer et signer un papier, il s’agit d’une réévaluation régulière de l’état de santé de la personne. Il peut éventuellement se conclure par un renouvellement tel quel si l’état de santé est jugé stable par le patient et le médecin, ou bien par une modification thérapeutique si nécessaire. Cette réévaluation nécessite un temps dédié de rencontre afin que le médecin puisse mettre en œuvre ses compétences médicales : prévention, clinique, diagnostic, thérapeutique, en partenariat avec le patient. Refuser de renouveler une ordonnance ou de faire un certificat pour un patient non vu est nécessaire pour pouvoir s’assurer d’une évaluation médicale de qualité ! L’argument n’est pas financier mais bien l’intérêt premier du patient. De même, l’art médical nécessite parfois une réévaluation rapprochée pour suivre l’évolution d’une maladie ou de symptômes atypiques. Encore une fois, ce n’est pas pour "se faire de l’argent", mais bien pour pouvoir soigner au mieux une personne. Car une consultation ne permet que d’avoir une vision à un temps T précis de l’état de santé d’une personne, celui-ci pouvant évoluer rapidement. De plus, en 16min de temps moyen de consultation, il n’est pas possible d’aborder tous les sujets… Certaines pathologies, certains symptômes ne nécessitent pas de traitement médicamenteux. En effet, une consultation n’a pas pour vocation de se terminer par la remise d’une ordonnance de médicaments !

"Trop souvent les médecins se retrouvent à céder pour éviter une confrontation mal vécue"

La France est l’un des pays les plus prescripteurs d’Europe. La demande des patients est parfois très insistante et trop souvent les médecins se retrouvent à céder pour éviter une confrontation mal vécue. Il est souvent plus important d’agir sur des facteurs hygieno-diététiques : alimentation, activité physique, conseils en tout genre, plutôt que de donner des médicaments qui n’ont pas prouvé leur supériorité face à un placebo. Pourtant, dans la société actuelle de l’immédiat, l’attente des patients est généralement de pouvoir soulager tout tout de suite et il est difficile de comprendre que le médecin n’ait pas un remède miracle à leur offrir alors que la science a tant avancée. C’est pourtant le cas : la médecine peut soigner des tumeurs au cerveau mais n’a toujours rien pour guérir instantanément les symptômes d’une rhino-pharyngite.   Perte de temps Dans cette même idée d’immédiateté, il existe peu de motifs nécessitant réellement un avis médical dans la journée : la fièvre si elle est bien tolérée peut attendre (Le paracetamol est en vente libre), la diarrhée, les vomissements aussi, etc. La majorité des médecins généralistes disposent de créneaux de consultation dans les deux jours, temps...

généralement adapté aux besoins de consultations hors urgence. Si ce temps est trop long, un service téléphonique de régulation médical libéral existe sur beaucoup de territoires et sera amené à se développer dans les prochaines années (notamment en lien avec les CPTS). Il permettra de vous aiguiller selon votre situation et d’ainsi éviter de surcharger les urgences pour des pathologies/symptômes pouvant être traités en ville ou bien même ne nécessitant pas de traitement spécifique. Le temps est un facteur essentiel dans l’évolution de la majorité des pathologies rencontrées par le médecin généraliste, dites "bénignes" car leur évolution étant la guérison spontanée malgré des symptômes gênant (toux, encombrement nasal, diarrhées, vomissements, etc.). Les sirops en pharmacie n’y feront rien, les avancées de la science n’y feront rien, il faut donner du temps au corps pour qu’il guérisse. Il est inutile et délétère d’arriver devant un médecin en donnant un diagnostic et en exigeant un traitement. Le rôle de médecin n’est pas de distribuer aveuglément des ordonnances mais bien d’évaluer lui même via ses compétences votre état de santé pour pouvoir poser un diagnostic médical PUIS de discuter avec vous des options thérapeutiques pour que vous puissiez choisir de façon éclairée l’option la plus adaptée pour vous. Trop souvent les consultations aiguës consistent à déconstruire la demande initiale pour qu’elle soit enfin exprimée en terme de problématiques, ce qui est une perte de temps pour l’usager comme pour le médecin : "J’ai un lumbago je viens vous voir pour un arrêt de travail" deviens alors "depuis 2 jours j’ai une douleur intense dans le bas du dos" permettant ainsi une réelle rencontre entre une personne ayant un problème de santé et un médecin mettant à sa disposition ses compétences médicales, et non pas juste son titre lui octroyant certains droits administratifs (prescription, arrêt, certificats). Enfin, la médecine générale est encore et toujours gangrenée par les éternelles exigences administratives… Que cela soit pour les patients ou pour les médecins, les demandes de certificats d’absence scolaire/d’aptitude au sport/dossiers MDPH/etc. Ou encore les subtilités de la CPAM relatives aux arrêts de travail, maladies professionnelles, etc. Tout ces faux besoins engendrent une demande de temps médical (ne s’agissant pas de soins) surchargeant les médecins et créant une charge mentale chez certains patients. Dans un contexte de pénurie d’offre de soin médicale, il est assez perturbant de constater que rien n’est fait pour agir sur la demande de soin, parfois en inadéquation avec les besoins de soin :

  • Libérez le patient et le médecin de toutes ces charges administratives inutiles
  • Éduquons les citoyens à la santé pour qu’ils apprennent à connaître leur corps, savoir dans quelle situation ils doivent consulter un médecin sans urgence (ou bien au contraire se rendre aux urgences), comprendre le rôle des acteurs de santé et de la médecine en général

Il est innaceptable qu’aucun vrai programme d’éducation à la santé ne soit mis en place par l’Education nationale alors qu’il s’agit d’un point pourtant déjà prévu dans la stratégie nationale de santé ! C’est bien en leur apportant toutes les clés pour comprendre que nous pourrons aider à rendre les usagers acteurs du système de santé et de leur propre santé dans une logique de démocratie sanitaire et de partenariat soignant/soigné. Agir sur l’offre de soin est une chose, mais il est aussi nécessaire de réfléchir en terme de besoin de santé et donc : 1/ de rationaliser les soins en diminuant les demandes superflues engendrées par le système administratif actuel. 2/ de faciliter les parcours de santé en soutenant l’autonomisation des usagers par l’information et l’éducation en santé.

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