Financement des assistants médicaux : les nouvelles exigences de la Cnam

07/03/2019 Par A.M.

Trois semaines après avoir quitté la table des négociations conventionnelles sur les assistants médicaux, les syndicats de médecins libéraux ont découvert jeudi matin la copie revue et corrigée de la Cnam. S'il n'est plus question d'augmenter le nombre de consultations horaire, les médecins devront néanmoins prendre en charge davantage de patients pour pouvoir bénéficier de l'aide à l'embauche, fixée à 36 000 euros par ETP la première année. Médecins prioritaires, montant du financement, contreparties… Le jeu en vaut-il la chandelle ?

  "Par rapport à ce qui était proposé au départ, il y a incontestablement du progrès", concède le Dr Jean-Paul Hamon, président de la FMF. Jeudi 7 mars, les syndicats médicaux sont rentrés dans le dur des négociations sur les assistants médicaux : dans un document qu'Egora a pu consulter, la Cnam fait des propositions chiffrées sur le montant de l'aide au financement ou encore sur l'augmentation de la patientèle exigée en contrepartie. L'aide reste "dégressive" et son financement "insuffisant" déplorent les syndicats. "Si l'idée, c'est de travailler plus pour financer l'assistant médical, ce sera un refus massif", prévient de son côté le Dr Luc Duquesnel, président des Généralistes-CSMF. Les trois séances de négociations restantes jusqu'à fin avril ne seront pas trop pour réussir à faire bouger les lignes tracées par la Cnam.  

Les médecins qui pourront bénéficier du dispositif assistants médicaux

"Toutes les spécialités médicales sont potentiellement éligibles, mais dans un premier temps certaines spécialités seront plus prioritaires que d'autres", juge la Cnam dans le document présenté ce jeudi matin aux syndicats. C'est le cas des spécialités en tension sur l'ensemble du territoire : médecins généralistes, pédiatres, gynécologues ou encore rhumatologues. D'autres spécialistes pourront bénéficier d'un assistant médical s'ils sont installés dans un département où la densité de médecins exerçant leur spécialité en secteur 1 ou secteur 2 Optam est faible. En revanche, les ophtalmologistes, les radiologues ou encore les stomatologues, qui ont déjà la possibilité d'avoir des assistants techniques (orthoptistes, manipulateurs radio, assistants dentaires), sont "non prioritaires". Les autres critères d'éligibilité fixés par Agnès Buzyn dans sa lettre de cadrage n'ont pas changé. Mais la Cnam a lâché du lest. Si le bénéfice de l'aide conventionnelle à l'emploi d'un assistant reste réservé aux médecins de secteur 1 ou aux médecins de secteur 2 ayant souscrit à l'Optam, le médecin disposera d'un délai de deux ans pour s'engager dans un exercice coordonné, "quelle que soit la forme". Dans le cas où une CPTS existe sur le territoire, le médecin devra participer aux dispositifs mis en place pour favoriser l'accès aux médecins traitants et prendre en charge les soins non programmés. Pour Luc Duquesnel comme pour Jean-Paul Hamon, c'est clairement "une ligne rouge". D'après une enquête du SML, 73% des médecins ne souhaitent pas rejoindre une CPTS. Imposer de rejoindre une CPTS pour bénéficier d'un assistant pourrait in fine constituer "un frein à la création des CPTS", présage le président des Généralistes. "Ca suffit, on s'engage déjà à prendre plus de patients médecins traitants", tempête Jean-Paul Hamon.

Le "principe" de réserver le bénéficie de l'aide financière aux médecins "exerçant en groupe" (au moins 3 médecins) demeure. Mais la Cnam a concédé deux exceptions : les médecins exerçant en zone sous-dense d'une part, qui pourront bénéficier du financement d'un demi-ETP d'assistant s'ils exercent seul, et les médecins "qui ont une activité supérieure à un certain niveau (à définir)" et qui souhaitent partager un assistant avec 2 autres confrères à défaut d'exercer dans les mêmes locaux. Le regroupement physique présenterait en effet des contraintes immobilières majeures pour nombre de médecins.  

Le montant du financement

Le montant du financement doit-il être déterminé en fonction du nombre de médecins bénéficiaires ou du nombre de patient pris en charge ? Si l'idée générale est de financer 1 poste ETP pour 3 médecins, la deuxième option permettrait de faire "correspondre plus précisément l'ETP d'assistant médical à la charge effective des médecins et non pas seulement à leur nombre", indique la Cnam. Il ne serait pas "juste" que trois médecins prenant en charge 6 000 patients MT bénéficient d'un seul ETP, au même titre que trois confrères qui n'en ont "que" 2400, relève Luc Duquesnel. Le financement sera dans tous les cas "pérenne". Le montant versé à chaque médecin "sera proportionnel au temps dédié par l'assistant médical", soit un tiers pour un assistant qui se partage en 3 médecins. Pour 1 ETP, la Cnam propose un forfait annuel de 36 000 euros la première année, de 27 000 euros la 2ème année, puis un montant fixe de 21 000 euros à partir de la 3ème année, "en cas d'atteinte de l'objectif" (voir ci-dessous). "Insuffisant", tranche le chef de file des Généralistes-CSMF. "Ça ne couvre pas l'intégralité des frais : location de mètres carré supplémentaires, logiciel, matériel informatique… ça va être un cabinet !", prévient le syndicaliste. "Il faut savoir si on subventionne ou pas", lance Jean-Paul Hamon.  

Les contreparties

Pas question de conditionner le financement à une augmentation du nombre de consultations effectuées par heure, ont affirmé en cœur les syndicats début février. Plus de 10 000 professionnels et patients ont d'ailleurs signé une pétition contre cette logique d'"abattage", jugée délétère pour la médecine générale. La Cnam a compris le message et proposé deux autres indicateurs : pour les généralistes, l'augmentation de la patientèle totale MT ; pour les spécialistes, l'augmentation de la file active annuelle. Mais les seuils proposés sont loin de convenir aux syndicats : * +15% pour les médecins ayant entre 740 et 1165 patients MT âgés de plus de 16 ans (35% des médecins) * +7.5% pour les médecins qui ont entre les 1165 et 1693 patients MT de plus de 16 ans (20% des médecins) * Maintien de l'activité pour les médecins qui prennent en charge plus de 1693 patients. Les médecins dont la patientèle est inférieure à 740 patients MT adultes ne bénéficieraient pas donc pas du dispositif… sauf si ce nombre cache un exercice mixte. Le fait de ne pas imposer "davantage de contraintes" à ces médecins qui prennent en charge déjà un grand nombre de patients, qui sont d'ailleurs ceux qui "ont le plus besoin d'un assistant" était l'une des conditions sine qua non posée par les Généralistes-CSMF. "Les différences au sein de ces trois catégories sont trop importantes", souligne néanmoins le Dr Duquesnel. Un indicateur de qualité, "fondé sur un questionnaire de satisfaction de patient", sera également défini par un groupe de travail, en marge des séances de négociations. "Si la Cnam se lance dans les avis Google, on est pas rendu", ironise Jean-Paul Hamon. "En cas de non-atteinte des engagements contractuels, l'aide pourra être ajustée à la baisse, au prorata de l'écart entre la patientèle effective et la patientèle cible", prévient la Cnam. "C'est la règle du jeu", souffle le président des Généralistes-CSMF. "On est obligé de fixer un cadre, mais il ne faut pas l'appliquer bêtement. Il faudra prendre en compte les situations individuelles", insiste Luc Duquesnel. La prochaine séance est prévue le 27 mars.

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