De meilleure bachelière de France à généraliste dans un désert médical : "C'est presque un devoir"
Meilleure bachelière de France en 2014, Myriam Bourhail est devenue médecin généraliste. A l'automne, elle s'installera dans un désert médical à Villers-Cotterêts, commune de l'Aisne où elle a grandi. Une décision qui fait "sens" pour la jeune femme de 29 ans, qui veut pousser d'autres praticiens à s'installer dans ce territoire. Elle raconte à Egora les raisons de ce choix.
A l'été 2014, la Dre Myriam Bourhail réussissait un exploit : obtenir 21,03/20 de moyenne au baccalauréat. La jeune femme, originaire de Villers-Cotterêts (Aisne), s'impose alors comme la meilleure bachelière de l'année. "J'ai fait un bac scientifique, avec plusieurs options dont le grec et la section européenne 'anglais'. Ce sont les options qui m'ont permis de dépasser la note de 20", se remémore-t-elle, onze ans plus tard. "Mon objectif [à cette époque], c'était seulement de faire du mieux que je pouvais."
Aujourd'hui, Myriam Bourhail n'a plus rien d'une adolescente. A 29 ans, celle qui est devenue médecin généraliste s'installera à l'automne dans la ville où elle a grandi, dans le sud-ouest de l'Aisne. "Revenir à Villers-Cotterêts, c'est un privilège et un honneur, et presque un devoir au vu de la situation médicale, parce que c'est un énorme désert", témoigne la jeune médecin. Selon le dernier Atlas démographique de l'Ordre des médecins, l'Aisne est l'un des départements de France avec la plus faible densité de praticiens pour 100 000 habitants. Face à cette situation, "je me suis dit : 'Je peux me rendre utile et, même, je peux me rendre utile chez moi. Donc autant y aller, autant foncer'", lance Myriam Bourhail, enjouée.
"Au lycée, j'hésitais entre Sciences Po et médecine"
Se "rendre utile", c'est l'une des raisons qui a poussé la Cotterézienne à se lancer en médecine. "Au lycée, j'hésitais entre Sciences Po et médecine, deux cursus qui peuvent paraître complètement opposés mais à l'époque – et c'est toujours le cas, j'avais l'impression qu'en politique comme en médecine, on avait ce désir d'aider les gens et j'avais énormément envie d'apporter ma pierre à l'édifice, d'aider autant de monde que je pouvais", rembobine la jeune généraliste. Mais "la médecine s'est vite imposée, car j'aimais beaucoup les matières scientifiques", ajoute-t-elle.
Dans sa famille pourtant, aucun médecin : son père est ouvrier, sa mère femme au foyer. Seule l'une de ses cousines avait déjà intégré médecine, "deux ans auparavant". Comme elle, Myriam Bourhail réussira son année de Paces. "J'ai fait toutes mes études à Reims, mon externat puis mon internat", glisse-t-elle.
Les années passent alors et, lorsqu'elle se frotte aux ECN en 2020, l'étudiante en médecine n'obtient pas le classement espéré : "J’étais dans les 5000ème." "J'étais un peu déçue, reconnaît-elle, mais sans vraiment l'être parce que j'avais déjà fait le choix de rester à Reims et de faire médecine générale." Un objectif atteignable avec ses résultats. Pourtant, lors de ses premières années d'études, Myriam Bourhail envisageait plutôt de se tourner vers "une spécialité d'organe", indique-t-elle. En 2014, alors qu'elle n'avait que 18 ans, elle confiait même à nos confrères de Paris Match vouloir se "spécialiser en chirurgie cardiaque".
"Je crois que c'est ce sentiment qu'on recherche tous quand on fait médecine, le fait de se sentir utile"
C'est un stage en médecine générale durant son externat qui la fera changer d'avis. "J'entendais souvent dire que la médecine générale c'était beaucoup de bobologie. Mais je me suis rendu compte que c'était loin d'être ça, c'était au contraire l'essence même de la médecine telle qu'on la pense quand on arrive avec plein d'espoirs et d'espérances en première année" d'études, lance la Cotterézienne. La médecine générale, "c'est [à la fois] de la médecine clinique, [l]e privilège de proximité avec nos patients, et c'est aussi savoir adapter les recommandations et la théorie à une pratique qui peut parfois être beaucoup plus complexe", poursuit la praticienne, qui voit dans cet exercice un parfait mélange entre de "la réflexion et un côté plus humain" : " Ça, c'est extraordinaire."
"Je pense que c'est vraiment la plus belle spécialité médicale qui existe, malgré les désavantages que l'on peut avoir", assure Myriam Bourhail qui, depuis la fin de son internat en 2023, a enchaîné des remplacements à Reims en "milieu urbain" et aux alentours de Villers-Cotterêts, "dans des endroits plus ruraux". "Le semi-rural ou le rural à son charme, car c'est une médecine différente, avec une patientèle différente, pense la jeune généraliste. Et surtout, on se sent très utile. Je crois que c'est ce sentiment qu'on recherche tous quand on fait médecine, le fait de se sentir utile, d'être là finalement où on a vraiment besoin de nous."
Depuis près d'un an et demi, Myriam Bourhail remplace "de manière très régulière" dans la maison de santé de Villers-Cotterêts dans laquelle elle s'installera en octobre. Elle prendra la suite d'un médecin qui part à la retraite, et travaillera avec une autre praticienne. "Il y aura également deux infirmières, qui je connais bien maintenant, et deux secrétaires. C'est une équipe qui travaille très bien ensemble, c'est un exercice qui est quand même coordonné", détaille-t-elle : "C'est un plus."
Inciter des confrères à s'installer
Et si l'idée de s'installer ailleurs que dans sa ville d'origine – qui compte 10 000 habitants - a pu lui traverser l'esprit, "plus j'approchais la fin de mes études et plus le fait de revenir à Villers-Cotterêts – parce que ça a un sens pour moi puisque que c'est chez moi - [est] deven[u] de plus en plus évident", confie Myriam Bourhail.
Mais alors que ce territoire manque cruellement de soignants, la généraliste n'a-t-elle pas peur de la charge de travail qui l'attend ? "Effectivement, il y a beaucoup de demandes et je ne serai certainement pas à même de solutionner tous les problèmes parce qu'il y a énormément de patients", assume-t-elle, avant de poursuivre : "Mais je viens aussi dans l'optique de mener des projets, de faire de la prévention, d'aider au maximum et d'attirer des confrères qui pourraient être intéressés par l'exercice en zone semi-rurale, en désert médical, qui est loin d'être un exercice désagréable."
Pour Myriam Bourhail, hors de question toutefois de contraindre les médecins à s'installer dans ces territoires. "L'exercice dans un désert médical doit être un choix, soutient-t-elle. On ne peut pas arriver dans un endroit que l'on n'a pas choisi. Il en va de notre épanouissement personnel qui, contrairement à ce que l'on peut croire, n'est pas anecdotique, et de la qualité des soins que l'on va fournir aux patients. Ce n'est pas possible d'imposer un mode de vie à quelqu'un qui a déjà sacrifié des années et des années d'études", insiste la jeune généraliste, qui s'oppose à toute coercition : "Commencer à réguler l'installation des médecins maintenant ne fait pas sens car, quand bien même on le ferait, on n'est pas assez nombreux. Il y a trop de déserts médicaux en France, donc c'est une solution qui, en réalité, n'en est pas une."
"Par ailleurs, avance-t-elle, il y a beaucoup de médecins qui, comme moi, ont envie d'aider, de se rendre utiles. Donc, il n'y a pas nécessairement besoin de coercition." Plutôt que des contraintes, la jeune généraliste plaide donc pour des incitations. "Il suffirait finalement d'encourager les projets locaux, de donner un petit coup de pouce à ces médecins qui acceptent de venir dans les déserts, et je crois que ça ferait au moins l'affaire dans un premier temps, estime-t-elle. La coercition, si elle doit arriver, il faut que ce soit un ultime recours. Il ne faut pas que ça arrive comme ça sans concertation, sans discussion avec les principaux intéressés."
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