5000 sites "France santé" : les médecins libéraux demandent à voir
En annonçant vouloir créer d'ici à 2027 un réseau de "5000 sites France santé", le nouveau Premier ministre a jeté le trouble au sein de la profession. Si les représentants des médecins libéraux saluent sa volonté de faire de la santé une priorité et de "changer de méthode", ils se montrent dubitatifs sur la concrétisation de cette promesse qui se heurte aux réalités de la démographie médicale.
"Notre objectif est simple : d’ici 2027, un réseau de 5000 sites France santé, pour une offre de soins accessible à tous les Français en 30 minutes dans chaque bassin de vie", a lancé le nouveau Premier ministre, Sébastien Lecornu, à l'issue d'un déplacement consacré à la santé en Saône-et-Loire, samedi 13 septembre. Une annonce aussi retentissante que le silence qui a suivi depuis, du côté de Matignon, plongeant la presse et les professionnels de santé dans la perplexité. Une question : de quoi parle-t-on exactement ?
"Quels professionnels mettre dedans ?", s'interroge la présidente de MG France
"Nous n'en savons pas plus", a déploré, ce mercredi 17 septembre, la présidente de MG France, la Dre Agnès Giannotti, lors d'une conférence de presse. S'agit-il d'"une offre de soins", de la "créer là où ça manque ?" "Mais quels professionnels mettre dedans ?", s'interroge ainsi la cheffe de file des généralistes. Est-ce que cela renvoie à "la fameuse solidarité territoriale" qui se met laborieusement en place dans les 151 "zones rouges" identifiées au début de l'été ? "Ou s'agit-il de guichets d'orientation ? Dans ce cas, comment cela s'articule avec les CPTS, avec les SAS ? Il ne faut pas que ça détruise tout", met en garde la généraliste.
Redoutant une "couche administrative supplémentaire avec rien derrière", la présidente de MG France plaide pour "une offre de soins de qualité, pas du one shot, pas du soin non programmé". "Ce dont les gens ont besoin dans les zones désertifiées, c'est un suivi global et dans la durée", insiste Agnès Giannotti, tout en prévenant : "Ce ne sera pas facile, la démographie étant ce qu'elle est, on n'a pas de baguette magique."
"Pensées magiques"
"Comme toujours, le politique pense qu'il a la martingale, qu'il va régler le problème de l'accès aux soins avec une solution", tempête le Dr Jérôme Marty, président de l'UFML, dans une vidéo sur X. "Les solutions on les connaît, mais le politique ne veut pas les appliquer, il préfère user de pensées magiques, et tromper les gens avec des actes de communication qui ne résoudront rien", tacle le généraliste, rappelant que le doublement des maisons de santé et la généralisation des CPTS – promesses macronistes – n'ont "rien résolu" : "7 millions de Français sont toujours sans médecin traitant." De plus, relève le président de l'UFML, "les statistiques de l'Ipsos en 2024 nous montrent que les Français se trouvent en moyenne à 19 minutes des généralistes et à 28 minutes des centres d'urgences. Si on était taquins, on pourrait dire à monsieur Lecornu qu'il veut aggraver les choses…"
S'ils saluent le "changement de méthode" annoncé par Sébastien Lecornu, les syndicats restent perplexes. "Pour moi, changer de méthode, ça veut dire consulter les corps intermédiaires avant de faire des annonces et de mettre en place des mesures", grince Agnès Giannotti, qui attend toujours d'être reçue par le chef de l'exécutif. "Il faut construire avec l'Ordre, les syndicats, les associations et ensuite mettre en place une solution, ce n'est pas : 'Je décide dans mon coin et vous venez discuter.'", appuie Jérôme Marty.
Créer à "grand frais" des centres de santé serait "de la folie furieuse" pour le président de la CSMF
De son côté, le Dr Franck Devulder, président de la CSMF, s'interroge "sur le choix de faire cette déclaration dans un centre de santé, et sur le positionnement du Premier ministre sur ces structures". "Les services de Matignon ont-ils lu les rapports de l'Igas et de la Cour des comptes ? La production de soins y est moindre, la moitié d'entre eux sont en déficit, assène-t-il. Si le Premier ministre souhaite créer à grands frais des centres de santé partout, financés par des fonds publics, et ce alors que le pays vit une situation économique inédite, c'est de la folie furieuse."
Le gastroentérologue apprécie toutefois "que la première sortie du Premier ministre ait concerné la santé". "Le contraire aurait été très choquant, car il s'agit d'une préoccupation majeure de nos concitoyens", tempère-t-il.
Pour Médecins pour demain, "c’est un signal clair : la santé est enfin prise au sérieux au plus haut niveau de l’État, sans défiance inutile à notre égard". Ces annonces "vont dans le bon sens et témoignent d’un changement de posture, permettant aux acteurs locaux de bonnes volontés de s'organiser", commente l'association dans un communiqué, diffusé mardi 16 septembre. "Ce déplacement a été marqué également par des propos de respect envers les soignants et par l’affirmation de la liberté qui doit rester la règle, par définition, pour les médecins libéraux", salue Médecins pour demain, qui souhaite "participer aux rencontres" promises par Sébastien Lecornu.
"Foutez-nous la paix, essayez la confiance", presse Jérôme Marty
"Toutefois, nous le redisons avec conviction : la condition indispensable pour restaurer l’attractivité de la médecine libérale passe par redonner les moyens à la médecine libérale qui garde à ce jour le meilleur rapport coût/efficacité, en revalorisant la consultation à hauteur de la moyenne européenne, soit 50 euros."
"Libérez les charges, libérez les normes, libérez l'emprise administrative et vous verrez que les libéraux, notamment, qui sont des chefs d'entreprise, sauront très bien aménager le territoire, créer de l'entreprise médicale et la développer, appelle Jérôme Marty. Foutez-nous la paix, essayez la confiance et vous verrez ça marchera bien mieux."
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