
"La qualité des soins ne s’évalue pas au nombre d’actes réalisés" : la réponse des centres de santé au rapport Igas
Trois semaines après la publication du rapport Igas portant sur l'évaluation du modèle économique des centres de santé pluriprofessionnels, la Fédération nationale des centres de santé et l’Union syndicale des professionnels des centres de santé appellent à une évolution “urgente” de leur modèle de financement.

S'il "confirme le rôle essentiel des centres de santé dans l’accès aux soins", le rapport de l'Igas portant sur l'évaluation du modèle économique des centres de santé pluriprofessionnels "ne propose toujours pas les solutions attendues pour garantir leur viabilité". Dans un communiqué commun publié ce lundi, la Fédération nationale des centres de santé (FNCS) et l’Union syndicale des professionnels des centres de santé (USPCS) "prennent acte" des 20 pistes formulées par ce rapport paru le 11 février dernier, après plus d'un an d'attente.
Pour autant, déplorent les deux fédérations de centres de santé, la présentation est "parfois partisane" – à l’exemple des motifs invoqués pour ne pas recommander un statut ou un cadre d’emploi pour les médecins des centres de santé publics, notent-ils – et "certaines conclusions contestables", précise le communiqué, qui cite, à titre d'exemple, l’augmentation de 82 % des charges d’exploitation des centres pluriprofessionnels entre 2016 et 2022 "qui n’est pas pondérée par l’augmentation du nombre de centres : 252 en 2016, 450 en 2022, soit des charges moyennes par centre qui passent de 1,826 M€ à 1,864 M€ (+ 2 % !)". La FNCS et l'USPCS souhaitent donc "une réforme urgente du financement pour pérenniser ces structures indispensables, toujours plus nombreuses chaque année dans le paysage sanitaire".
Il est donc "urgent de faire évoluer le mode de rémunération", assure le communiqué commun qui propose trois déclinaisons. Tout d'abord, en passant par un Accord national "refondé" qui "valorise à leur juste coût la coordination et l’exercice en équipe pluriprofessionnelle, la coopération interprofessionnelle, la prévention et la prise en soin nécessairement renforcée pour les populations en situation de précarité, la qualité, la sécurité et la pertinence des soins". Mais aussi en misant sur une rémunération à la capitation alternative à l’acte pour les centres de santé volontaires dont l’organisation est fondée sur une équipe traitante identifiée au service du patient (médecins généralistes, paramédicaux et autres professionnels). Ou encore, financer les missions de service public et les engagements populationnels des centres de santé sur leurs territoires.
Plus attractifs et…
Ce qu'elles retiennent de ce rapport ? Le fait que les centres de santé jouent "un rôle majeur" dans l’accès aux soins (la majorité, implantés en zones sous-denses) ; que le degré de précarité sociale de la patientèle est "nettement plus élevé" en CDS pluriprofessionnel (18,2 % contre 10 % pour le libéral) ; que leur création est "en forte expansion" (+78 % entre 2016 et 2022) ; qu'ils sont "attractifs" pour les professionnels de la santé dont beaucoup y exercent une activité à temps partiel et/ou mixte (+40% entre 2016 et 2022)… Le communiqué rappelle aussi que la patientèle de médecine générale par ETP des médecins généralistes salariés des CDS pluriprofessionnels est "comparable" à celle des généralistes libéraux, avec un ratio médian de la file active en centre de santé de 1.481 patients en 2022 contre 1.556 par les libéraux. Ce qui impliquerait "une file active des centres de santé inférieure de seulement 5% par rapport aux médecins généralistes libéraux, si – et seulement si – ceux-ci travaillaient en moyenne 35h/semaine". Citant l'étude de la Drees en 2019 qui révélait que les généralistes libéraux déclarent travailler 54 heures hebdomadaires en moyenne dont 44h30 en consultation, la FNCS et l'USPCS assurent que "la file active des centres de santé est donc au moins comparable si ce n’est supérieure à celle des médecins généralistes libéraux, ce qui vient contredire beaucoup d’idées reçues défavorables aux centres de santé".
Certes, "la situation financière de tous les centres de santé est difficile", constate le communiqué qui rappelle que "selon la mission, la très grande majorité des CDS pluriprofessionnels ont un déficit d’exploitation médian de - 9,8 %" mais que les causes de ces difficultés identifiées par le rapport "sont sujettes à réserve", car "seuls" les résultats financiers de 7 structures auraient été réceptionnés et analysés par la mission et beaucoup d’éléments sont déclaratifs.
… moins coûteux
Déficit d’accompagnement des centres de santé par les tutelles (ARS et CPAM), mais aussi dans l’information et la saisie des financements auxquels ils ont droit, faible part des financements ARS (< 1 %) et inégale selon les agences, financement de l'accord national "trop complexe" dans son architecture et son contenu… Autant de failles que relève ce rapport et que confirment la FNCS et l'USPCS. En revanche, cette mission commet, à leurs yeux, "des contre-sens en pointant du doigt la productivité des centres de santé et notamment des médecins généralistes" car "la productivité est un indicateur inadapté et réducteur en santé : la qualité de prise en soin des patients ne s’évalue pas au nombre d’actes réalisés, mais au service médical rendu et à sa pertinence" mais aussi parce que "les patients des centres de santé sont plus précaires et nécessitent des temps de consultation plus longs" et que la file active de ses médecins généralistes “est comparable, voire supérieure à la file active des médecins généralistes libéraux".
Pourtant, le nombre médian d’actes annuels est "significativement plus faible" chez les généralistes des CDS pluriprofessionnels (3.396/an contre 4.614 pour les libéraux), et "cela, alors même que la patientèle est globalement plus précaire", assure le communiqué. Ainsi, le suivi d’un patient en centre de santé semble "moins coûteux" pour l’Assurance maladie qu'en médecine libérale, ajoute-t-il. Une donnée qui aurait déjà été identifiée, précise-t-il, par l'étude Epidaure en 2010 et plus récemment l'"article 51", PEPS Patientèle totale,. "Elle reste à explorer, mais alors qu’elle se reproduit, elle est étonnamment ignorée par les tutelles et par la mission", regrettent la FNCS et l'USPCS.
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