Prescriptions hors AMM : la mise au point des Académies

01/12/2018 Par Marielle Ammouche
Pharmacologie
Les prescriptions hors AMM constituent un enjeu majeur de par leur fréquence, le potentiel risque sur le malade, mais aussi la position difficile des prescripteurs qui ont le devoir de fournir les meilleurs soins à leur patient, et le vide juridique qu’elles constituent.

  Les prescriptions réalisées en dehors du libellé de l’autorisation de mise sur le marché (AMM) constituent une réalité majeure dans la pratique médicale. Selon un rapport européen de juin 2017, elles constitueraient 20% de l’ensemble des prescriptions. Toutes les disciplines sont concernées, aux premiers rangs desquelles la pédiatrie, la cancérologie, mais aussi la rhumatologie, la psychiatrie, la gériatrie et la transplantation. Parmi les médicaments les plus prescrits hors AMM, on trouve les antithrombotiques, les antidépresseurs, ou encore les protecteurs gastriques.

Or, la prescription hors AMM survient dans des circonstances variées, qu’il apparaît nécessaire de comprendre pour "mieux la maitriser" et "mieux l’encadrer", soulignent les membres d’un groupe de travail  des Académies de Médecine et de pharmacie, qui viennent de publier un rapport conjoint sur ce sujet. Pour ses auteurs, les praticiens évoluent actuellement dans une situation floue à tous les niveaux : "si la situation actuelle devait être caricaturée, on pourrait la caractériser par son opacité, une certaine inertie des pouvoirs publics et des autorités réglementaires, une position ambiguë et inconfortable des industriels du médicament, une certaine ignorance de la part des professionnels de santé, voire un certain degré d’hypocrisie de la part de l’ensemble des parties prenantes dont les praticiens et les pharmaciens subissent les inconvénients".   Deux types de prescriptions hors AMM L’affaire du Médiator a mis en lumière un type de prescriptions hors AMM, qui apparaissent non justifiées pour le patient et qui "nécessitent la poursuite et le renforcement des mesures actuellement en vigueur". Pour autant, l’Académie reconnaît que certains prescriptions sont "indispensables à une bonne prise en charge de certains patients". C’est le cas en particulier quand il s’agit d’enfants, de personnes âgées, de femmes enceintes… Le médecin est alors partagé entre l’obligation déontologique et légale de procurer les meilleurs soins à son patient et l’application stricte de l’AMM. Ce type de prescriptions devraient "être reconnues comme telles, ce qui n’est pas toujours le cas, et bénéficier d’un statut approprié", insiste le rapport.

Cet état de fait est lié à plusieurs éléments. Tout d’abord, les revendications d’indication d’AMM sont l’apanage de l’industrie pharmaceutique et ne répondent pas toujours à l’ensemble des besoins des patients. Ensuite, certaines populations sont délibérément écartées des essais cliniques et ne disposent d’aucun traitement validé. Enfin, la science évolue, et une AMM adaptée initialement peut ne plus correspondre à une catégorie de patients des années plus tard. Enfin, les situations dérogatoires (autorisations et recommandations temporaires d’utilisation, ATU et RTU) apparaissent inadaptées et insuffisantes aux yeux des auteurs du rapport en raison du peu de situations concernées, et de la lourdeur de leur mise en route.   Des recommandations envers les pouvoirs publics, l’industrie et les prescripteurs Les académiciens proposent donc des pistes d’amélioration, en insistant sur le fait qu’il ne s’agit pas d’un plaidoyer pour "une libéralisation - voire une anarchie - de la prescription et de la dispensation médicamenteuse" mais que ces mesures ont pour objectif d’optimiser la prise en charge "de certains patients en situation très préoccupante d’impasse thérapeutique", d’aider le professionnel de santé, "souvent isolé et embarrassé dans ce type de situation", et enfin de "favoriser la prise en charge justifiée de ces situations par l’Assurance maladie".

Les académiciens soulignent donc que la prescription dans le cadre de l’AMM doit rester la règle mais que les pouvoirs publics ne doivent pas considérer systématiquement le domaine des prescriptions hors AMM "comme un ensemble de situations où la seule réponse est l’interdiction ou le frein, mais adoptent suivant les cas une attitude discriminante". Ils doivent se donner davantage de moyens pour identifier les prescriptions hors AMM injustifiées, en commençant par les médicaments à risques, très largement prescrits et/ou coûteux. Les académiciens proposent par ailleurs de créer un comité permanent d’experts qui "examinerait et traiterait de certaines prescriptions hors AMM". Ce comité serait rattaché au ministère de la Santé ou à la Haute Autorité de santé, et bénéficierait de la participation de l’ANSM et des Académies de médecine et de pharmacie. Ils souhaitent aussi rationnaliser et simplifier le circuit de remboursement des médicaments utilisés hors AMM pour les maladies rares. Et, plus globalement, ils veulent inciter les industriels à demander une AMM (ou une extension d’AMM ou des modifications de leurs libellés d’AMM), et préconisent une entrée par pathologie - et non par produit - des libellés d’AMM nationale. Enfin, la sensibilisation des prescripteurs à ce problème doit être renforcée.

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