
Nombre de patients vus insuffisant, absence de pilotage financier... Un rapport étrille l’association Asalée
Un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas), rendu public vendredi 4 juillet, révèle d'"importants dysfonctionnements" dans la gestion de l’association Asalée, qui fait collaborer infirmières et médecins dans le suivi des pathologies chroniques.

Le dispositif Asalée a du souci à se faire. Né en 2004 dans les Deux-Sèvres, il permet à des patients chroniques de bénéficier, sur proposition de leur médecin traitant, de séances d’éducation thérapeutique et, le cas échéant, d'actes techniques dérogatoires réalisés par une infirmière. Le dispositif est porté par une association, qui salarie aujourd’hui plus de 2000 infirmières et à laquelle adhèrent plus de 9000 médecins.
Le dispositif s’est développé à partir de 2012, et s’est étendu à toute la France, grâce aux subventions de l’Assurance maladie, rappelle l’Igas, dans un rapport daté du 24 juin mais rendu public ce vendredi. Celles-ci ont "plus que doublé" entre 2019 et 2023. Plus de 295 millions d’euros ont été versés à l’association durant la période. Sur la seule année 2023, elles ont atteint 83 millions d’euros. Ce qui représente plus de 97% des ressources de l’association.
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François Pl
Oui
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L’Igas a été missionnée par le ministère de la Santé en juillet 2024 pour contrôler non pas la pertinence, mais la régularité et la qualité de la gestion du dispositif. Il ressort de cette inspection une "inadéquation" entre la gouvernance de l’association et du dispositif Asalée, et "l'importance que revêt aujourd’hui son activité, avec plus de 2000 salariés et un financement par subvention publique quasi intégral dépassant les 100 millions d’euros".
"Cette inadéquation, et les insuffisances en termes d’organisation et de pilotage qui en résultent, sont sources d’un certain nombre d’irrégularités, notamment au regard du droit des associations, du travail ou encore de la commande publique", ajoutent les auteurs. Des dysfonctionnements que relève le ministère de la Santé dans un communiqué diffusé vendredi 4 juillet : "Absence de pilotage financier, conflits d’intérêts dans les marchés, confusion entre prestataires et direction, non publication des comptes depuis 2022..."
L’Igas observe notamment que l’association dépasse, de façon récurrente depuis 2017, les plafonds d’équivalents temps plein financés (ETP). Dépassements "rendus possibles jusqu’à récemment par un pilotage souple des financeurs et une convention insuffisamment précise". L’association a poursuivi les recrutements "au-delà des plafonds conventionnels". Et ce alors que le forfait, sur lequel repose le financement du dispositif (versé pour chaque ETP infirmier), a baissé et que l’Assurance maladie a procédé à la récupération des réserves constituées par l’association.
L’association Asalée s’est ainsi retrouvée "au bord de la cessation de paiement" au printemps 2024. Situation évitée de justesse "grâce à l’intervention de l’Etat et la signature d’une nouvelle convention au mois de juin avec l’Assurance maladie".
Les auteurs soulignent, en outre, qu’Asalée n’a pas atteint ses objectifs d’activité fixés par la convention. Notamment, l’activité des infirmières est "très inférieure" à l’objectif minimal fixé dans la convention de 2019 s’agissant du nombre de patients à rencontrer annuellement, indique l’Igas. En 2023, seules 9,5% des infirmières atteignaient ou dépassaient l’objectif de 1205 patients par an et par équivalent temps plein. Ceci se traduit par "un faible nombre de bénéficiaires et un coût élevé de la consultation", autour de 97 euros en 2023, écrit encore l’Igas.
L'Igas souligne que l’organisation holacratique d’Asalée, "couplée à la sous-traitance généralisée", génère "des difficultés globales de pilotage". Ainsi, les infirmières réalisent parfois des missions "éloignées de leur métier", et l’organisation du dispositif place des tiers – dont des médecins - "en situation d’interférer dans le lien de subordination juridique entre Asalée et ses salariés".
Mise en conformité
Elle constate, en outre, que les sommes versées aux médecins s’avèrent "insuffisamment encadrées" et, pour certaines, "ne sont pas conformes aux décisions de financement".
Dans ce contexte, l’Igas juge que "des changements profonds" doivent être apportés au cadre de financement, à son contrôle et à la gestion de l’association. Elle a ainsi formulé 38 recommandations. Celles-ci visent d’abord à clarifier le protocole Asalée et la convention de financement, "en y intégrant une relance de l’évaluation externe du dispositif", mais aussi à "sécuriser sur le plan comptable, budgétaire et financier l’attribution de la subvention assurance maladie et sa gestion par l’association".
Ces recommandations poursuivent également le but d’accroître l’activité Asalée, ce qui suppose, entre autres, de redéfinir le ratio infirmière/médecin généraliste, pour intégrer les caractéristiques de la patientèle médecin, et, le cas échéant, le volume d’adressage. L’Igas préconise, enfin, de "renforcer et sécuriser la gouvernance de l’association".
Estimant ces éléments "incompatibles avec la poursuite d’un financement public", le ministère de la Santé a demandé à l’association Asalée de "se conformer aux recommandations formulées par le rapport et de remettre en ordre sa gestion et son organisation". Ségur a également enjoint l’association à travailler avec un tiers indépendant, "chargé de contrôler la mise en œuvre des mesures correctrices et la mise en place d’une direction opérationnelle capable de conduire les réformes nécessaires".
Se disant toujours "attaché" à la poursuite du dispositif, le Gouvernement propose une "prolongation transitoire de quatre mois à la convention avec l’Assurance maladie" pour donner le temps à l’association d'"assainir sa gestion", sous réserve qu’elle "démontre sa volonté réelle de se réformer pour continuer à bénéficier d’un financement public". "Les recommandations de la mission ne pourront être mises en œuvre dans un délai raisonnable qu’au prix d’une volonté réelle de l’association et d’un changement de posture", écrit également l’Igas.
L’inspection générale déplore en effet que, "à de nombreuses étapes du contrôle", la réponse de l'association se soit traduite davantage par "des invectives à l’encontre de l’administration que par l’apport d’éléments factuels".
"On a déjà commencé à répondre aux critiques", se défend l’association
Lors d’une conférence de presse, ce lundi 7 juillet, l’association Asalée est revenue sur les conclusions du rapport de l’Igas. Bien que sévère, ce rapport "nous permet enfin de nous exprimer", a souligné sa présidente, la Dre Margot Bayart. Et de faire part de l’inquiétude des infirmières et des médecins. Demandant la "généralisation d’Asalée", la présidente de l'association a ajouté que la structure a "déjà commencé à répondre aux critiques, notamment sur la question de la gouvernance associative", avec une réflexion menée depuis plusieurs mois sur l’évolution vers une société coopérative d’intérêt collectif. La généraliste a, en outre, tenu à exposer plusieurs enseignements "positifs" du rapport. D’abord le fait que "95% des dépenses sont conformes" aux décisions de financement, mais aussi la satisfaction des infirmières vis-à-vis de leur travail, et la stabilité des effectifs.
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