Covid-19: une rentrée sans risque? Ce qu'en disent les médecins concernés

03/09/2020 Par Corinne Tutin
Pédiatrie
Cette rentrée scolaire 2020 est bien différente des précédentes. L’épidémie de Covid-19 bouleverse les priorités, et l’incertitude domine, en particulier concernant le retour à l’école.

Avec la persistance de l’épidémie Covid-19, certains parents et certains professionnels de santé s’inquiètent des conséquences du retour à l’école des enfants. Alors que de premières études, dont celle réalisée en Île de France par le Pr Robert Cohen, avaient suggéré que les enfants sont faiblement contaminateurs vis-à-vis du Sars-CoV-2, d’autres sont plus inquiétantes. Une étude effectuée dans un hôpital pédiatrique de Chicago publiée fin juillet a ainsi conclu que les enfants de moins de 5 ans infectés pourraient porter davantage de virus SARS-CoV-2 dans le nasopharynx que les enfants plus grands ou les adultes (et ce dans une proportion de 10 à 100 !) (1). Une étude de l’ECDC plutôt rassurante Un rapport du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC), publié le 6 août dernier, dont les principaux résultats ont été présentés le 17 août sur le site de Santé publique France, est plus rassurant (2,3). Pour l’ECDC « les moins de 18 ans représentent moins de 5 % des cas de personnes infectées dans les pays de l’Union européenne, de l’Espace économique européen et en Grande-Bretagne », « très peu de cas groupés d’infections Covid-19 en milieu scolaire ont été documentés », « si la distanciation sociale et les mesures d’hygiène sont respectées, il est peu probable que les écoles constituent des environnements de propagation du virus plus favorables que les sites professionnels ou de loisirs avec des densités de population similaires ». L’ECDC estime aussi que « la fermeture des établissements scolaires (ou de garde d’enfants) est probablement inefficace pour limiter la propagation communautaire du virus et accroître la protection des enfants, ce en raison de la prépondérance des formes très légères chez eux ». D’autres éléments cités dans le rapport incitent malgré tout à la prudence et en tout cas au respect des mesures sanitaires en milieu scolaire. Car l’ECDC reconnaît, par ailleurs, que « si les foyers épidémiques ont été rares en milieu scolaire, ils peuvent être difficiles à détecter en raison du relatif manque de symptômes chez l’enfant ». Et que les quelques enfants symptomatiques « portent autant de virus que les adultes et ont la même capacité d’infecter les autres ». Santé publique France a en tout cas estimé que les résultats de ce rapport de l’ECDC sont en phase avec les conclusions d’un état des lieux sur la Covid-19 chez l’enfant, publiée par l’agence française le 20 mai 2020 (3). Le point de vue des pédiatres La Société française de pédiatrie (SFP) s’est prononcée à plusieurs reprises sur le retour des enfants à l’école après le confinement, y compris des enfants avec une pathologie chronique. Inquiets en raison de la persistance du virus et de l’augmentation du nombre de cas dans certaines régions, 6 groupes de pédiatres dépendant de la SFP et l’Association française de pédiatrie ambulatoire ont cependant adressé le 19 août dernier, une lettre ouverte au ministère de la santé pour demander que des mesures soient prises pour organiser au mieux la rentrée scolaire (4). En premier lieu, les pédiatres demandent un accès facilité aux tests de diagnostic rapide, notamment salivaires, qui bien que moins sensibles permettent de prendre rapidement des décisions chez une majorité de patients. Ces spécialistes font remarquer que les tests naso-pharyngés sont désagréables pour les enfants. Or, on peut avoir à les répéter car les épisodes viraux sont nombreux en hiver, dans cette population, ce qui expose à des refus. En outre, ces tests ont un coût certain, et même un rendement modeste. De fait, dans l’étude Vigil lancée fin mai 2020, sur plus de 1500 enfants symptomatiques suspects de Covid-19 vus aux urgences pédiatriques ou en cabinet pédiatrique, seulement 1 % avaient un test PCR positif en l’absence de contage connu (taux de 10 % en cas de contact avec une personne infectée, notamment au sein de la famille). Les pédiatres soutiennent aussi la position de l’Académie nationale de médecine de renforcer la vaccination contre la grippe et de généraliser la vaccination contre le rotavirus (5,6). Et celui des médecins scolaires Qu’en pensent les 600 à 800 médecins scolaires français, lesquels ont été fortement sollicités depuis le début du confinement en milieu scolaire. Le Dr Marianne Barré, secrétaire générale adjointe du Syndicat National des Médecins Scolaires et Universitaires (SNMSU-UNSA Éducation), syndicat majoritaire chez les médecins de l’Éducation nationale, ne cache pas son pessimisme. « La gestion des urgences sanitaires, dont les épidémies, fait partie de nos missions », indique-t-elle. « Mais, alors que nous reprenons notre travail, nous n’avons toujours pas reçu de plan de reprise d’activité et ne disposons pas d’équipement adapté (masques, gel hydro-alcoolique...) pour examiner les enfants. Dans ces conditions, je vois mal comment nous pourrions en sécurité assurer certaines de nos tâches : visites médicales, visites d’aptitude des élèves suivant une formation professionnelle ». Ce d’autant que le nombre de médecins scolaires ne cesse de se réduire, comme l’a rappelé au printemps dernier la Cour des comptes (7). Le Dr Barré regrette aussi que les médecins de l’Éducation nationale, qui connaissent pourtant parfaitement le milieu scolaire, n’aient pas été impliqués dans la rédaction des protocoles sanitaires et que ceux-ci ne soient pas assez détaillés, notamment concernant la gestion des cas de Covid par les médecins scolaires. Au printemps, la situation avait été tout aussi catastrophique, indique le Dr Barré : « faible consultation des médecins scolaires dans l’élaboration et la mise en place des protocoles sanitaires, mauvaise gestion des relations avec les agences régionales de santé, manque de matériel ». « Bien que ce ne soit pas leur rôle, beaucoup de médecins scolaires ont aidé à la prise en charge d’enseignants, qui craignaient d’être infectés, la médecine de prévention (qui ne prévoit d’ailleurs aucune visite de contrôle systématique), étant quasiment inexistante à l’Éducation nationale », déplore le Dr Barré.   1) Heald-Sargent T, et al. JAMA Pediatr. 2020 Jul 30:e203651. 2) European centre for disease prevention and control (ECDC). Covid-19 in children and the rôle of school settings in Covid-19 transmission. Rapport. 6 août 2020. 3) Santé publique France. Covid-19 chez l’enfant (moins de 18 ans). État des lieux de la littérature au 24 avril 2020 en amont de la réouverture annoncée des crèches et des écoles. Synthèse rapide Covid-19. 4) Anticiper la rentrée : les pédiatres se mobilisent. Lettre ouverte du 19 août 2020. Association française de pédiatrie ambulatoire, Association Clinique et Thérapeutique du Val de Marne (Société Française de Pédiatrie) Groupe de pathologie infectieuse pédiatrique (Société Française de Pédiatrie) Groupe de pédiatrie tropicale (Société Française de Pédiatrie) Groupe francophone de réanimation et d’urgences pédiatriques (Société Française de Pédiatrie) Groupe de pédiatrie générale (Société Française de Pédiatrie) Groupe francophone de gastroentérologie, hépatologie et nutrition pédiatrique (Société Française de Pédiatrie) 5) Communiqué de l’Académie nationale de Médecine. Face à la Covid-19, vaccinons contre la grippe ! 13 mai 2020. 6) Communiqué de l’Académie nationale de médecine. Une opportunité pour vacciner les nourrissons contre les infections à rotavirus. 22 juillet 2020. Cour des comptes. Les médecins et les personnels de santé scolaire. Communication à la Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale. Avril 2020. 7) Heald-Sargent T, et al. JAMA Pediatr. 2020 Jul 30:e203651. 8) European centre for disease prevention and control (ECDC). Covid-19 in children and the rôle of school settings in Covid-19 transmission. Rapport. 6 août 2020. 9) Santé publique France. Covid-19 chez l’enfant (moins de 18 ans). État des lieux de la littérature au 24 avril 2020 en amont de la réouverture annoncée des crèches et des écoles. Synthèse rapide Covid-19. 10) Anticiper la rentrée : les pédiatres se mobilisent. Lettre ouverte du 19 août 2020. Association française de pédiatrie ambulatoire, Association Clinique et Thérapeutique du Val de Marne (Société Française de Pédiatrie) Groupe de pathologie infectieuse pédiatrique (Société Française de Pédiatrie) Groupe de pédiatrie tropicale (Société Française de Pédiatrie) Groupe francophone de réanimation et d’urgences pédiatriques (Société Française de Pédiatrie) Groupe de pédiatrie générale (Société Française de Pédiatrie) Groupe francophone de gastroentérologie, hépatologie et nutrition pédiatrique (Société Française de Pédiatrie) 11) Communiqué de l’Académie nationale de Médecine. Face à la Covid-19, vaccinons contre la grippe ! 13 mai 2020. 12) Communiqué de l’Académie nationale de médecine. Une opportunité pour vacciner les nourrissons contre les infections à rotavirus. 22 juillet 2020. 13) Cour des comptes. Les médecins et les personnels de santé scolaire. Communication à la Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale. Avril 2020.

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