
Maladies cardiovasculaires : le médecin généraliste au cœur du parcours patient
Le médecin généraliste occupe une place essentielle au sein du parcours du patient atteint d’une maladie cardiovasculaire, en particulier pour dépister les risques et améliorer l’observance des traitements, grâce à l’entretien motivationnel, la pertinence des prescriptions et le travail en équipe pluriprofessionnelle.

L’augmentation des besoins en santé (prévention et prise en charge) et la diminution des ressources disponibles conduisent à une nouvelle approche des soins primaires. «On est passé d’une prise en charge focalisée sur les facteurs de risque cardiovasculaires (tabagisme, hypertension, diabète, sédentarité) à une prise en charge des risques selon une logique de priorisation et de pragmatisme (capacités économiques du patient…), a indiqué la Dre Clarisse Dibao-Dina, professeure des universités en médecine générale à Tours. La médecine centrée sur les organes et les objectifs a fait place à une intervention centrée sur la personne : décision partagée, empowerment du patient, collaboration avec les proches et les autres professionnels de santé.» Cette démarche inclut des actions de prévention primaire des facteurs de risque et de prévention secondaire et tertiaire des maladies existantes.
Entretien motivationnel
La prévention secondaire et tertiaire s’appuie sur l’observance des traitements, qui reste médiocre. «Globalement, 1 patient sur 2, voire 1 patient sur 3, prend son traitement. Les moins adhérents sont les femmes, les personnes issues des minorités, les jeunes adultes et les personnes âgées, d’autant plus quand il s’agit de traitements à forte dose», a exposé le Dr Maxime Guenoun, cardiologue à Marseille.
L’observance repose sur «une stratégie centrée sur le patient», dont le premier pilier est la relation soignant-soigné. La seule communication sur les risques ne suffit pas à motiver le patient à changer de comportement. L’entretien motivationnel a pour but de l’amener à acquérir autonomie et motivation. «Le médecin doit encourager et ne pas imposer, prendre le temps, savoir se taire et écouter le patient», a prôné le Dr Guenoun.
Désescalade médicamenteuse
L’observance peut être améliorée par une révision du traitement, justifiée par l’évolution de l’état du patient, l’existence d’effets indésirables, les risques de surmédication et de mésusage, les prescriptions inappropriées et la non-adhésion. «20% de la pharmacopée sur ordonnance en France n’a jamais prouvé son efficacité», a pointé le Dr Guenoun. La démarche de déprescription implique d’obtenir la liste complète des médicaments prescrits, avec leurs indications, et d’évaluer pour chacun les risques et le caractère approprié ou non.
«La désescalade doit être priorisée et progressive, avec la mise en place d’un plan de déprescription. Il faut inclure le patient et les soignants dans le process : décision partagée, éducation sur les risques et les bénéfices, réassurance et suivi de la réapparition de symptômes, a conseillé le Dr Guenoun. Les problèmes graves sont rares.»
Travail en équipe
Le travail en équipe pluriprofessionnelle, et notamment la délégation de tâches aux infirmières en pratique avancée, offre de nombreux avantages : «amélioration de l’observance, meilleure qualité des soins, davantage d’acteurs porteurs des mêmes messages, utilisation de différentes compétences, satisfaction du patient, ressources maximisées et supports personnalisés», a défendu le Dr Guenoun. Le développement de ce mode d’exercice se heurte encore à des difficultés : nécessité d’une bonne coordination, protocole infirmier, absence de modèle économique et de lieu dédié... «De plus en plus de parcours et de projets de prévention en équipe sont financés. Seules les infirmières Asalée sont rémunérées. Elles gèrent l’éducation thérapeutique du patient dans le domaine cardiovasculaire et surtout le tabagisme», a rapporté la Dre Dibao-Dina.
La prise en charge multidisciplinaire est amenée à se développer, appuyée par les nouvelles recommandations des sociétés savantes. Les guidelines 2024 de la Société européenne de cardiologie plaident pour la délégation de tâches dans la prise en charge de la pression artérielle élevée et de l’hypertension, pour des interventions multidisciplinaires dans l’insuffisance cardiaque chronique, et pour l’éducation des patients, de la famille et des professionnels du soin dans la prise en charge du risque thromboembolique dans la fibrillation atriale.
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Références :
D’après les présentations des Drs Clarisse Dibao-Dina (Tours) et Maxime Guenoun (Marseille) lors de la session « Soins primaires en cardiologie » aux Journées européennes de la Société française de cardiologie (JESFC, Paris, du 15 au 17 janvier 2025)
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