
Endocardite infectieuse : l’alcool comme principal facteur de risque ?
La prévalence de l’endocardite infectieuse, plus importante chez les hommes que chez les femmes, s’expliquerait en premier lieu par la consommation excessive d’alcool. La prise en charge des patients doit faire intervenir différents professionnels de santé.

Environ 2 000 cas d’endocardite infectieuse sont diagnostiqués chaque année en France, avec un taux de mortalité de 20%. Les facteurs de risque identifiés jusqu’alors sont la dégénérescence des valvules cardiaques due à l’âge, les lésions causées par un rhumatisme articulaire, les malformations congénitales du cœur ou des principaux vaisseaux sanguins, un système immunitaire affaibli, la présence d’un diabète, l’implantation d’un stimulateur ou défibrillateur cardiaque et la consommation de drogues injectables. Pourrait s’y ajouter la consommation excessive d’alcool.
«L’endocardite infectieuse est marquée par un sex-ratio déséquilibré, de 2 hommes pour 1 femme», a relevé le Dr Michaël Schwarzinger, responsable de l’unité hospitalière d’innovation en prévention au CHU de Bordeaux. «Les raisons de ces différences sexuelles sont inconnues : susceptibilité génétique ? Prédispositions retardées chez la femme grâce à l’effet des œstrogènes ? Situations cliniques à risque de bactériémie accrues chez l’homme ?», s’est-il interrogé. Cette situation conduit à se questionner sur les facteurs de risque comportementaux. De fait, les troubles de la consommation d’alcool sont 3 fois plus fréquents chez les hommes que chez les femmes.
De grands risques minimisés
Jugeant «étonnant» le faible nombre d’études menées dans le domaine de la cardiologie sur la consommation excessive d’alcool, le Dr Schwarzinger et son équipe ont entrepris une revue systématique des données d’hospitalisation du Programme de médicalisation des systèmes d’information sur ce sujet. Ainsi, sur 26 875 586 adultes en sortie d’hospitalisation sur la période 2019-2023, quelque 1,11 million (4,1 %) présentaient une dépendance à l’alcool, définie par une consommation quotidienne de 6 verres ou plus.
Trois quarts d’entre eux étaient des hommes. Par ailleurs, 41 632 patients (0,1 % du total) souffraient d’une endocardite infectieuse, dont 69% d’hommes, 80% avec une comorbidité, 55,2% avec des conditions cardiaques prédisposantes, 2,5% avec des troubles de la consommation d’opioïdes et 15,2% avec une dépendance à l’alcool. Cette dépendance concernait 1 homme sur 5, et moins de 1 femme sur 15 dans la population étudiée.
Le hazard ratio de l’effet global de la dépendance à l’alcool sur la survenue de l’endocardite infectieuse était de 1,97, «ce qui est extrêmement élevé en épidémiologie», et de 1,45 s’agissant des comorbidités indirectes : cancer métastasique, cancer de la cavité buccale sans métastase, cancer tête et cou sans métastase, cancer colorectal sans métastase, diabète sucré, insuffisance cardiaque, malnutrition, maladie cérébrovasculaire, insuffisance hépatique, cirrhose, infection VIH, patient transplanté (hors transplantation cardiaque). «Nous sommes focalisés sur les petits risques et nous passons à côté des grands risques. 10% de la population consomme 50% de l’alcool !», a alerté le Dr Schwarzinger, qui a rappelé «la réversibilité des effets de la dépendance à l’alcool avec cure de sevrage et abstinence».
Un nécessaire suivi pluridisciplinaire
Il serait pertinent qu’addictologue et hépatologue intègrent l’équipe pluridisciplinaire chargée du suivi du patient, équipe qui réunit notamment cardiologue, infectiologue, chirurgien et dentiste. «Il y a un haut risque de récidive, de morbidité et de mortalité si l’endocardite infectieuse n’est pas monitorée étroitement à chaque stade de la prise en charge», a rappelé le Dr Safwane El Hatimi, cardiologue à l’hôpital Bicêtre (Val-de-Marne). Les modalités thérapeutiques ont évolué, avec l’arrivée il y a quelques années d’antibiothérapies orales proposées à certains malades, ce qui leur évite l’hospitalisation. «Cela nécessite des critères de sélection stricts des bénéficiaires, une bonne observance et un suivi du patient», a conseillé le Dr El Hatimi.
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Références :
D’après les présentations des Drs Michaël Schwarzinger (CHU de Bordeaux) et Safwane El Hatimi (hôpital Bicêtre, Val-de-Marne), lors de la session « Du nouveau dans l’endocardite infectieuse » aux Journées européennes de la Société française de cardiologie (JESFC, Paris, du 15 au 17 janvier 2025)
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