Santé mentale

Jeunesse : la santé mentale en berne

La santé mentale des enfants et adolescents se détériore, et cette évolution s’est renforcée depuis la crise du Covid-19, notamment chez les jeunes filles.

17/03/2025 Par Caroline Guignot
Congrès de l'Encéphale 2025 Psychiatrie
Santé mentale

En 2022, l’enquête EnClass a montré que 24% des jeunes scolarisés dans le secondaire ont déclaré avoir eu des pensées suicidaires au cours de l’année, soulignant l’urgence de la situation. De nombreux éléments de contexte se superposent aujourd’hui pour tenter d’expliquer ce phénomène : crises géopolitiques, anxiété climatique, pandémie, usage intensif des écrans et des réseaux sociaux, cyberharcèlement, violences sexuelles, précarité alimentaire, pression scolaire, montée des discours violents et discriminants... Dans le même temps, «les dispositifs de prévention et de détection précoce, comme la médecine scolaire, sont en faillite, et l’accès aux soins de santé mentale reste inégal sur le territoire», a regretté le Pr Thierry Baubet psychiatre (hôpital Avicenne, Bobigny) au cours de la session «Pourquoi les jeunes vont-ils si mal ?» du récent Congrès de l’Encéphale (Paris, 22 au 24 janvier).

Ainsi, la santé mentale se dégrade chez les jeunes, en France comme ailleurs. Les données françaises sont sans ambiguïté, avec une augmentation des consultations psychiatriques ambulatoires, des hospitalisations pour tentative de suicide ou de la prescription de psychotropes chez les moins de 25 ans depuis 2016 (Fond G, et al. Jama Netw Open, 2025). 

La Dre Marion Robin (psychiatre, Institut mutualiste Montsouris, Paris) a rapporté comment le profil des jeunes hospitalisés dans son service de pédopsychiatrie a évolué sur la période : admise traditionnellement pour scarifications et dépression, cette population, de plus en plus jeune et féminine, a davantage recours à l’ingestion médicamenteuse volontaire de psychotropes ou de paracétamol, et de suicides par pendaison et défenestration. Attention aux jeunes qui se scarifient, a insisté le Pr Ludovic Gicquel, psychiatre (CH Laborit, Poitiers), qui ont un sur-risque de passage à l’acte suicidaire : ces tentatives peuvent aussi être des stratégies de coping, «des actes cathartiques visant à apaiser une souffrance morale insupportable» sans intention de mourir.

 

Des facteurs de risque supplémentaires

Pour les jeunes racisés, le Pr Ludovic Gicquel a évoqué le surajout du trauma racial, «une notion décrite au début des années 2000 par l’administration américaine en charge des vétérans et qui résulte de l’impact cumulatif des actes racistes individuels, du racisme produit à leur corps défendant par les institutions et les traumatismes historiques et/ou communautaires» : ce trauma a un impact sur la santé mentale, l’estime de soi, la capacité d’apprentissage, les relations sociales, le risque d’addiction et le recours aux soins.

Les étudiants sont aussi plus vulnérables que les autres jeunes adultes, un quart souffrant d’anxiété modérée à sévère et un sur cinq déclarant des pensées suicidaires. Ces populations cumulent le stress, les incertitudes quant à leur avenir, l’isolement, la précarité.

Durant la pandémie de Covid-19, «l’étude Confins a montré que la dépression, l’anxiété et les pensées suicidaires ont augmenté parmi eux et étaient plus fréquentes chez eux que chez les autres personnes du même âge. Et contrairement à ce que l’on pouvait espérer, il n’a pas été observé de retour à la normale après la pandémie, mais au contraire la poursuite de leur aggravation», a commenté Mélissa Maccali, chercheuse (Inserm, Bordeaux)

Pour Ludovic Gicquel, «l’adolescence agit comme une caisse de résonance des carences accumulées dans l’enfance. Lorsque les jeunes n’ont pas eu l’occasion de développer les ressources nécessaires pour gérer leurs émotions, ils se retrouvent démunis face aux pressions sociales, scolaires et économiques qui s’intensifient à cet âge. La pandémie de Covid-19 n’a pas créé cette crise, elle l’a révélée et précipitée».

Références :

D’après les communications des Prs Thierry Baubet (hôpital Avicenne, Bobigny) et Ludovic Gicquel (CH Laborit, Poitiers), de la Dre Marion Robin (Institut mutualiste Montsouris) et de Mélissa Maccali (Bordeaux) au cours de la session «Pourquoi les jeunes vont-ils si mal ?» du Congrès de l’Encéphale (Paris, 22 au 24 janvier).

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