Obésité : vers une modification de la définition et du diagnostic des différents stades

Un nouveau consensus international prévoit la distinction entre obésité clinique et préclinique, redéfinissant ainsi le concept de "maladie obésité", avec des critères diagnostiques modifiés, et plus uniquement basés sur l’indice de masse corporelle (IMC).

16/01/2025 Par Dre Marielle Ammouche
Santé publique

Savoir si l’obésité est une maladie en tant que telle reste sujet à controverse. Et si pour l’Organisation mondiale de la santé (OMS), il s’agit bien d’une maladie à part entière, la mise sur le marché de nouveaux traitements a renforcé les doutes en posant la question de savoir qui doit en bénéficier ou non. En outre, pour certains, la notion de "maladie obésité" renforce le risque de discrimination et de stigmatisation des personnes qui répondent aux critères de l’obésité, mais qui ne se sentent pas malades.

Par ailleurs, selon les experts mondiaux, l’indice de masse corporelle (IMC) serait insuffisant pour établir le diagnostic de l’obésité, et en particulier son stade de sévérité. "Les mesures actuelles de l’obésité basées sur l’IMC peuvent à la fois sous-estimer et surestimer l’adiposité et fournir des informations inadéquates sur la santé au niveau individuel", précise le rapport. 

 

58 experts

Devant toutes ces questions, une commission constituée de 58 experts internationaux, venus de différents pays et de spécialités variées, a donc été créée. Son objectif était d'établir des critères objectifs pour le diagnostic de la maladie, facilitant la prise de décision clinique et la priorisation des interventions thérapeutiques et des stratégies de santé publique.

Les résultats de leurs travaux viennent d’être publiés dans The Lancet, sous la forme d’un rapport, dans lequel les experts redéfinissent l’obésité et ses critères diagnostiques. Argument donnant d’autant plus de poids à ce texte : les recommandations proposées ont fait l’objet d’un large consensus parmi ses membres de la Commission (niveau d’accord compris entre 90 et 100%). Elles ont, de plus, été approuvées par 76 organisations dans le monde, y compris des sociétés scientifiques et des groupes de défense des patients.

Ainsi, le nouveau texte définit l’obésité comme "une affection caractérisée par un excès d'adiposité, avec ou sans répartition ou fonction anormale du tissu adipeux". Les experts distinguent ensuite deux entités : "l’obésité clinique" et "préclinique". La forme "clinique" - qui correspond donc au stade d’"obésité maladie" - est décrite comme "une maladie systémique chronique caractérisée par des altérations de la fonction des tissus, des organes, de l'individu dans son ensemble ou d'une combinaison de ceux-ci, dues à un excès d'adiposité". Ses causes sont multifactorielles et pas totalement établies. Ses conséquences sont multiples, parfois graves, et dépendent des organes atteints. L’obésité est aussi à l’origine d’une mortalité proportionnelle à la masse grasse, soulignent les experts. 

A côté de ce stade "maladie" de l’obésité, le rapport définit aussi la notion d'obésité "préclinique" qui est "un état d'adiposité excessive avec une fonction préservée d'autres tissus et organes". Ce stade entraine un "risque variable, mais généralement accru, de développer une obésité clinique et plusieurs autres maladies non transmissibles (par exemple, le diabète de type 2, les maladies cardiovasculaires, certains types du cancer et des troubles mentaux)", décrivent les auteurs du rapport. 

Pour les spécialistes, cette distinction entre obésité clinique et préclinique est nécessaire pour la prise en charge des patients, ainsi que pour mieux établir les politiques de santé. Cependant, à cette fin, l’IMC apparait parfois inadapté. Pour les experts, il peut être utile pour définir une obésité mais uniquement s’il est supérieur à 40 kg/m2, et dans le cadre d’études épidémiologiques. En revanche, l’IMC apparait "insuffisant lorsqu’il est compris entre 25 et 40 kg/m2". 

Dans ce cas, le diagnostic d’obésité doit être complété par "une mesure directe de la graisse corporelle, lorsqu'elle est disponible", ou encore par "au moins un critère anthropométrique (par exemple, le tour de taille, le rapport taille/hanche ou le rapport taille/taille) en plus de l'IMC", précise le rapport. Et une obésité clinique est alors définie par l'un ou l’autre des deux critères principaux : preuve clinique ou biologique d'une fonction réduite d'un organe ou d'un tissu due à l'obésité, ou des limitations "substantielles" des activités quotidiennes, en particulier sur la mobilité, ou sur d'autres activités de base (par exemple, prendre un bain, s'habiller, aller aux toilettes, la continence et manger), ou les deux.

 

Une prise en charge adaptée différente en fonction du stade

Concernant la prise en charge, elle sera différente selon le stade de l’obésité. Ainsi, en cas d'obésité clinique, le traitement sera adapté aux types de lésions constatées, et fondé sur des "données probantes" dans le but de ralentir la progression des lésions des organes cibles. 

En cas de stade préclinique, en revanche, seuls des mesures préventives sont nécessaires. La prise en charge associera ainsi des recommandations d’hygiène de vie (activité physique, alimentation), un suivi médical et, le cas échéant, "une intervention appropriée pour réduire le risque de développer une obésité clinique et d'autres maladies liées à l'obésité, en fonction du niveau de risque individuel pour la santé".

Enfin, sur le plan de la santé publique, les auteurs du rapport soulignent que les stratégies visant à réduire l’incidence et la prévalence de l’obésité dans la population doivent être fondées sur des preuves scientifiques actuelles, "plutôt que sur des hypothèses non prouvées accusant la responsabilité individuelle du développement de l’obésité". Ils insistent sur la nécessité de lutter contre les préjugés et la stigmatisation, qui constituent "des obstacles majeurs aux efforts visant à prévenir et à traiter efficacement l’obésité".

Références :

D’après le rapport du Lancet : Rubino F. et al., Lancet Diabetes Endocrinology, 14 janvier 2025.

https://www.thelancet.com/commissions/clinical-obesity 

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En tant que MSU , je ne souhaite pas participer à cette mascarade. Il ne s’agit pas de formation, mais d’utilisation de ressource... Lire plus

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263 points
Débatteur Renommé
Anesthésie-réanimation
il y a 21 jours
cet article apporte pas grand chose ! par ailleurs on ne peut pas soigner les gens contre leur avis sans evoquer leurs addictions .
 
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