Maladie d'Alzheimer : agir sur les facteurs de risque
La maladie d'Alzheimer est aujourd’hui comprise comme un déséquilibre global d’un écosystème cellulaire et métabolique. Cette vision ouvre de nouvelles pistes notamment pour la prévenir, thème clé du nouveau rapport sur la recherche médicale de la Fondation Vaincre Alzheimer.
La vision classique de la maladie d’Alzheimer, centrée sur l’accumulation des protéines amyloïde et TAU et la dégénérescence neuronale, est aujourd’hui élargie. Les récents travaux de recherche montrent des interactions complexes entre le dysfonctionnement du métabolisme cellulaire, l’augmentation de la neuroinflammation, la santé cardiovasculaire et l’accumulation de protéines toxiques. "Une cascade d'anomalies entraîne à la fois une augmentation du stress oxydatif, mais aussi une accélération du vieillissement cellulaire favorisant l'apparition de la maladie d’Alzheimer. […] Celle-ci ne se limite plus aux neurones mais concerne tout un écosystème cellulaire et métabolique", a indiqué la Dre Marion Levy, directrice scientifique de la Fondation Vaincre Alzheimer, lors de la présentation à la presse de la troisième édition de son rapport sur les avancées de la recherche médicale sur la maladie d'Alzheimer, intitulé cette année "Prévenir la maladie d’Alzheimer : et si c'était la solution pour demain ?", en amont de la Journée mondiale Alzheimer, le 21 septembre.
Plus de 14 facteurs de risque actionnables
L’approche consiste à agir sur les causes multiples et imbriquées du vieillissement cérébral en s’appuyant sur une vision systémique du cerveau, replacé au cœur de son environnement. D'après le rapport de la commission du Lancet sur la démence (Livingston G. et al., The Lancet 2024), jusqu’à 45 % des cas d’Alzheimer pourraient être évités en agissant sur 14 facteurs de risque (FDR) modifiables comme l’hypertension, la perte auditive non corrigée, les traumatismes crâniens, l’inactivité physique, l’obésité, le diabète, la dépression, le tabac, l’alcool, etc. "Chacun d’eux est un levier pour prévenir le déclin cognitif. D’autres FDR comme le sommeil, les infections, le microbiote et la pollution sont aussi en cours d’études", précise la Dre Levy.
Pour la Pre Sandrine Andrieu, cheffe du service d’épidémiologie clinique et de santé publique au CHU de Toulouse, "la nutrition est aussi un facteur très important. Une alimentation équilibrée devrait être adoptée à tous les âges de la vie pour lutter contre l'obésité, contre les pathologies chroniques de type cardiovasculaires ou cardiométaboliques et contre les maladies de type Alzheimer. Les régimes méditerranéen ou MIND, sont ceux qui ont apporté le plus d'éléments de preuve dans les études observationnelles." Pour la Dre Cécilia Samieri, directrice de recherche Inserm, au centre de recherche en santé publique de Bordeaux : "L’exposome - l’ensemble des facteurs environnementaux auxquels nous sommes exposés tout au long de notre vie - sont de trois types concernant Alzheimer : les aspects psychosociaux, le mode de vie et les risques chimiques, physiques ou biologiques. La prévention doit être pensée de façon globale en agissant sur plusieurs de ces dimensions à la fois."
Les interventions multidomaines au cœur de la prévention
L’essai clinique contrôlé randomisé Finger, conduit chez 1 260 personnes âgées de 60 à 77 ans à risque de troubles neurocognitifs majeurs, avait déjà prouvé qu’une prévention efficace du déclin cognitif devait combiner plusieurs actions : une alimentation équilibrée, de l’activité physique, une stimulation cognitive et un suivi médical, notamment cardiovasculaire. Les résultats avaient montré une amélioration des capacités cognitives de 25 % dans le groupe ayant suivi, pendant deux ans, une intervention multidomaine (The Lancet, 2015). "Cette étude a servi de modèle international. Aujourd’hui, plus de 40 projets similaires sont menés dans le réseau mondial WW-Fingers."
En effet, les résultats d’une étude américaine US-Pointer (Baker L.D., JAMA, 2025), conduite sur 2 111 sujets à risque de déclin cognitif, répartis en deux groupes ("encadré" et "autonome avec recommandations"), confirment une amélioration cognitive chez les participants après deux ans, avec des effets positifs supérieurs dans le groupe "encadré". Pour la Dre Levy, "on note l'importance de la prévention pour éviter ou retarder l'apparition de cette maladie. Le médecin traitant a un rôle clé d’information de ses patients sur les FDR pouvant entraîner une maladie neurocognitive". "Celui-ci peut ensuite les orienter vers des actions de santé publique qui pourraient être mises en place dans son territoire, comme le programme Icope Monitor qui vise à promouvoir un vieillissement réussi, et dont toutes les actions peuvent aussi bénéficier à la prévention de maladies chroniques comme Alzheimer", complète la Pre Andrieu. Cette initiative de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), déployée en France par le CHU de Toulouse, intègre la prévention dans le parcours de soins, à l’aide d’outils digitaux et d’une coordination territoriale, l’objectif étant d’agir avant l’apparition de la dépendance.
Près d’un million de personnes sont touchées par Alzheimer, un chiffre qui pourrait doubler d’ici 2050.
Références :
D’après une conférence de presse de la Fondation Vaincre Alzheimer (11 septembre).
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