
Maladie d’Alzheimer : un diagnostic possible via une simple prise de sang
Désormais autorisé aux États-Unis, le tout premier test sanguin diagnostique de la maladie d’Alzheimer devrait être disponible dès l’année prochaine en France.

L’Agence américaine du médicament vient d'autoriser le premier test sanguin permettant de détecter la maladie d’Alzheimer (MA). Une demande de mise sur le marché a également été déposée par les autorités européennes. Ce test - mis au point par la firme japonaise Fujirebio Diagnostics et réalisable en laboratoire d’analyses médicales - pourrait ainsi être disponible en France dès l’année prochaine. Fondé sur le dosage plasmatique des protéines bêta et tau, il devrait faciliter le repérage précoce de la maladie.
Jusqu'au début du 21e siècle, le diagnostic étiologique de la Maladie d'Alzheimer (MA) reposait uniquement sur la clinique et, notamment, sur les troubles de mémoire. « Il était donc peu spécifique car de nombreuses raisons peuvent engendrer ce type de troubles en vieillissant. Un des progrès majeurs du diagnostic de la MA a été l'arrivée de biomarqueurs - dosages biologiques de protéine bêta amyloïde et de la protéine tau - à partir de 2010. Car ils permettent de rattacher des signes cliniques à la physiopathologie de la MA », souligne le Pr Julien Dumurgier, neurologue et chercheur à l'hôpital Lariboisière, Paris.
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François Pl
Oui
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Un diagnostic plus précis
Actuellement, le diagnostic de la MA est clinico-biologique. Il repose sur la mise en évidence de difficultés cognitives lors de tests cliniques et la présence de biomarqueurs évocateurs de la maladie. « Les biomarqueurs (protéines bêta amyloïde et tau) sont dosés via une analyse du liquide céphalorachidien par ponction lombaire. Des examens de médecine nucléaire – tels que les radioligands qui fixent la plaque amyloïde – sont également disponibles depuis 2 ans, en soin courant, en France. Mais leur prescription reste très encadrée car ils sont onéreux. Quant aux radioligands fixant la protéine tau, ils ne sont disponibles, pour le moment, qu'à visée de recherche », indique le Pr Dumurgier. Ces biomarqueurs ont donc permis d'augmenter la spécificité du diagnostic. « Face à un patient - ayant des troubles de mémoire et des biomarqueurs positifs - nous pouvons poser le diagnostic de MA de façon fiable. A l'inverse, s'ils sont négatifs, nous pouvons rechercher d'autres causes de problèmes de mémoire. Ces biomarqueurs permettent également de poser un diagnostic précoce, pour les formes débutantes de la MA. Ce qui n’était pas possible il y a une vingtaine d’années », précise t-il.
Tests sanguins, plus faciles à réaliser que la ponction lombaire
Les protéines bêta amyloïde et tau sont présentes à des taux très faibles dans le sang : ils sont, de ce fait, difficiles à doser. L'essor des nouveaux marqueurs plasmatiques est lié aux progrès des méthodes biochimiques de dosage de ces protéines. Pourquoi doser, à l'avenir, ces biomarqueurs via un test sanguin ? « La place des dosages plasmatiques des protéines bêta et tau dans le diagnostic de la MA n'est pas encore clairement définie. Lorsqu'ils seront disponibles en France, ils pourront évidemment être utilisés par les consultations mémoires et pourraient, dans certains cas, remplacer la ponction lombaire qui reste un examen plus onéreux, invasif et difficile à réaliser », affirme le Pr Dumurgier. Mais cette question reste encore débattue au sein de la communauté scientifique. « En effet, les tests sanguins sont très fiables chez les personnes ayant des taux très élevés ou au contraire très faible pour affirmer ou infirmer la présence de plaque amyloïde. Mais entre les deux, il existe une zone d'incertitude : chez les patients qui ont des taux intermédiaires, il faudra certainement compléter les tests sanguins via des ponctions lombaires pour préciser le diagnostic », note le Pr Dumurgier.
Les marqueurs sanguins de la MA ont-ils un intérêt en soins primaires ? Autrement dit le médecin généraliste pourra-t-il prescrire ces tests chez les patients se plaignant de troubles de mémoire ? « Cette question n'est pas encore élucidée en France : il faut attendre le résultat d'études cliniques actuellement en cours », ajoute t-il.
Détecter les formes précoces de MA
Quoi qu'il en soit, l'intérêt du dosage des protéines bêta amyloïdes et tau est lié au fait qu'il permet de diagnostiquer la MA de façon précoce. « Ces marqueurs sont positifs plus de 10 ans avant les premiers signes cliniques de la maladie. L’espoir, pour ces tests diagnostiques est notamment lié au fait que de nouveaux traitements ralentissant le déclin cognitif - chez les patients présentant des formes précoces de MA - devraient bientôt arriver en France », assure le Pr Dumurgier. Ainsi, en novembre dernier, l'Agence européenne des médicaments (EMA) a autorisé Leqembi (lécanémab), commercialisé par le laboratoire Eisai. Administré par voie intraveineuse une fois toutes les deux semaines, ce traitement permet - d'après des essais cliniques - de réduire les plaques amyloïdes responsables de la dégénérescence des neurones et ainsi, de diminuer de 27 % la progression du déclin cognitif mesuré à 18 mois du traitement. Le lécanemab n'est pas encore disponible en France. Mais une demande d’accès précoce auprès de la Haute Autorité de santé est en cours d'évaluation afin que les patients éligibles puissent y accéder d'ici la fin de l'année.
Références :
D’après un entretien avec le Pr Julien Dumurgier, neurologue et chercheur à l'hôpital Lariboisière, Paris.
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